Question de Mme GRUNY Pascale (Aisne - Les Républicains) publiée le 24/06/2021

Question posée en séance publique le 23/06/2021

M. le président. La parole est à Mme Pascale Gruny, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Pascale Gruny. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.

La semaine dernière, au terme d'une séance surréaliste et d'un passage en force du Gouvernement, l'Assemblée nationale a refusé de supprimer la prise en compte des revenus du conjoint dans la base de calcul de l'allocation aux adultes handicapés, dite AAH. En ayant recours au vote bloqué, vous avez empêché la tenue d'un débat légitime sur notre système de solidarité. Vous avez exprimé une nouvelle fois votre peu de considération à l'égard du Parlement, mais, surtout, à l'égard de tous ceux qui, depuis longtemps, se battent pour l'autonomie financière des personnes handicapées.

En effet, le mécanisme actuel de calcul de l'AAH est injuste. Le bénéficiaire qui est en couple se voit privé de son allocation, dès lors que les revenus communs excèdent un plafond de ressources. Il se retrouve en situation d'extrême dépendance pour les dépenses quotidiennes. Je pense aux femmes handicapées, dont les revenus sont généralement plus faibles que ceux de leur conjoint. Je pense aux personnes qui font le choix de ne pas se mettre en couple pour ne pas perdre leur allocation. Je pense à ceux qui n'ont parfois d'autre choix que de se séparer pour retrouver leur indépendance financière.

Le Sénat, le 9 mars dernier, s'est prononcé en faveur de cette mesure de justice sociale, répondant au succès d'une initiative citoyenne sur la plateforme e-pétitions, voulue par le président Gérard Larcher pour établir un contact direct avec nos concitoyens.

Ma question est simple, monsieur le Premier ministre : allez-vous revenir sur votre position moralement regrettable, en acceptant enfin de supprimer les revenus du conjoint dans le calcul de l'AAH ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées des groupes UC, SER et CRCE.)


Réponse du Secrétariat d'État auprès du Premier ministre, chargé des personnes handicapées publiée le 24/06/2021

Réponse apportée en séance publique le 23/06/2021

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée des personnes handicapées.

Mme Sophie Cluzel, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées. Madame la sénatrice Gruny, je me demande bien ce qui a pu se produire entre le mois d'octobre 2018 et aujourd'hui, pour que votre groupe politique balaie d'un revers de main ses principes… (Exclamations ironiques sur des travées du groupe CRCE.)

Permettez-moi de vous rappeler que, en 2018, dans ce même hémicycle, votre groupe affirmait, à propos de la déconjugalisation de l'AAH, que « la volonté de nier la situation familiale du bénéficiaire pour individualiser l'allocation participe de cette vision individualiste de l'homme et de la société qui tend vers un éclatement du lien social et une déconstruction de la famille ». Vous vous opposiez massivement, par principe, au nom des valeurs qui font la colonne vertébrale politique de votre groupe, à la déconjugalisation de l'AAH et à ses effets. Vous vous refusiez à considérer la société comme une simple addition d'individus autonomes aux intérêts propres. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

Où sont donc passés ces principes de solidarité nationale et familiale, madame la sénatrice ? Considérez-vous à présent le couple comme une zone de violence permanente où les personnes en situation de handicap seraient systématiquement soumises ou sous emprise ? (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Parlons également de responsabilité budgétaire ! Vous vous érigez en permanence en garants du bon usage des deniers publics et vous passez votre temps à nous donner des leçons de gestion. (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.) Pourtant, vous êtes prêts à ouvrir la voie à un revenu universel sans condition de ressources et à élargir par conséquent ce principe au RSA, sur le budget des départements !

Pour rappel, le coût de la déconjugalisation du RSA est chiffré à 9 milliards d'euros. Si nous l'ajoutons à celui de la déconjugalisation de l'AAH, je serais très curieuse de connaître votre stratégie budgétaire. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.)

Allons-nous financer des hausses d'allocations avec les impôts des Français ? Eh bien, non ! La réforme que nous portons, c'est zéro perdant et 110 euros de plus pour 120 000 personnes en couple. Elle n'est faite d'aucune promesse vaine, car nous pourrons l'appliquer dès le 1er janvier 2022, en toute équité et justice sociale. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à Mme Pascale Gruny, pour la réplique.

Mme Pascale Gruny. Concernant l'aspect budgétaire, quand on est dans le « quoi qu'il en coûte », je pense que, pour les personnes en situation de handicap, on ne fait pas dans le détail ! (Exclamations sur les travées du groupe RDPI.)

Au sujet de la position de mon groupe en 2018, vous le savez, certaines personnes handicapées perdront une partie de leur allocation si l'on ne sépare pas les revenus du conjoint. Nous voulions une étude d'impact sur cette mesure. Ses résultats nous ont conduits à revoir notre position.

Un texte est prêt à être examiné, et nous sommes à votre disposition. Il sera l'occasion de revenir sur le sujet, et vous verrez que, grâce aux collègues issus de l'ensemble des travées, il finira par passer. Nous ne faisons pas, nous, de politique politicienne (Rires sur les travées du groupe RDPI.) sur les personnes en situation de handicap ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

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