Question de M. MASSON Jean Louis (Moselle - NI) publiée le 05/08/2021

M. Jean Louis Masson attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur le fait que les conseils des collectivités territoriales doivent adopter un règlement intérieur en début de mandat.
Dans les grandes collectivités, il arrive souvent que la majorité impose un règlement intérieur extrêmement restrictif afin de limiter le plus possible les droits de l'opposition. Il lui demande si un règlement intérieur peut prévoir qu'un amendement à un rapport du président (ou du maire) ne soit recevable que s'il a été déposé au moins vingt-quatre heures avant la date prévue pour l'examen du rapport par la commission technique compétente ou la commission chargée des finances, alors même que ces commissions se réunissent en général au moins une semaine avant la réunion plénière de la collectivité.

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Transmise au Ministère de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales


Réponse du Ministère de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales publiée le 11/11/2021

L'article L. 2121-8 du code général des collectivités territoriales (CGCT) impose l'établissement d'un règlement intérieur dans les communes de plus de 1 000 habitants : "le conseil municipal établit son règlement intérieur dans les six mois qui suivent son installation. Le règlement intérieur précédemment adopté continue à s'appliquer jusqu'à l'établissement du nouveau règlement". Une disposition équivalente est prévue pour les départements à l'article L. 3121-8 du CGCT : "Le conseil départemental établit son règlement intérieur dans les trois mois qui suivent son renouvellement. Le règlement intérieur précédemment adopté continue à s'appliquer jusqu'à l'établissement du nouveau règlement. Le règlement intérieur détermine les droits des groupes d'élus régulièrement constitués et les droits spécifiques des groupes minoritaires ou s'étant déclaré d'opposition. Le règlement intérieur peut être déféré devant le tribunal administratif." Un dispositif similaire est également mis en place pour les régions à l'article L. 4132-6 du CGCT : « Le conseil régional établit son règlement intérieur dans les trois mois qui suivent son renouvellement. Le règlement intérieur précédemment adopté continue à s'appliquer jusqu'à l'établissement du nouveau règlement. Le règlement intérieur peut être déféré devant le tribunal administratif. ». De plus, le premier alinéa de l'article L. 2121-19 du CGCT dispose que : "Les conseillers municipaux ont le droit d'exposer en séance du conseil des questions orales ayant trait aux affaires de la commune. Dans les communes de 1 000 habitants et plus, le règlement intérieur fixe la fréquence ainsi que les règles de présentation et d'examen de ces questions. À défaut de règlement intérieur, celles-ci sont fixées par une délibération du conseil municipal.". Les articles L. 3121-20 et L. 4132-20 du CGCT prévoient des dispositifs similaires respectivement pour les départements et les régions. Le Conseil d'État a consacré au profit des conseillers municipaux, et par analogie au profit des conseillers départementaux et régionaux, un droit d'expression sur les questions portées à l'ordre du jour et mises en discussion (CE, 22 mai 1987, Tête c/ Commune de Caluire-et-Cuire, n° 70085), reconnu comme une liberté fondamentale susceptible de faire l'objet d'un référé liberté (CE, 10 avril 2009, Commune de Vif, n° 319971). En application de ce principe, les élus disposent, dans les conditions définies par les règlements intérieurs, du droit de déposer des amendements et les assemblées doivent être attentives à ne pas porter atteinte à l'exercice effectif de ce droit. Le tribunal administratif de Lille a d'ores et déjà jugé que, compte tenu de l'importance de la commune en question, ayant une population de 95 000 habitants, et des modalités d'envoi des convocations des conseillers municipaux fixées à six jours francs avant la séance, le règlement intérieur pouvait organiser les modalités du droit d'amendement en exigeant le dépôt des amendements, par écrit, 72 heures avant la séance du conseil municipal sans que cela ne constitue un obstacle à ce que les conseillers soient en mesure de proposer des modifications aux textes examinés (TA Lille, 29 mai 1997, Carton c. Commune de Roubaix, n° 96-532). Il a également été jugé qu'un article du règlement intérieur du conseil départemental qui subordonne la recevabilité d'un amendement ou d'un sous-amendement à son dépôt préalable en commission, et qui a pour effet de rendre irrecevable tout amendement ou sous-amendement soumis directement au conseil général lors d'une séance, « porte atteinte à l'exercice effectif du droit d'amendement » (CAA Paris, 12 févr. 1998, Tavernier, n° 96PA01170). En ce sens, la cour administrative d'appel de Versailles a considéré que les dispositions du règlement intérieur « ne sauraient avoir pour objet ni pour effet de ne pas soumettre au vote chaque projet inscrit à l'ordre du jour ainsi que les amendements afférents, sauf à porter atteinte au droit d'amendement qui constitue un élément intrinsèque du pouvoir délibérant des membres du conseil municipal » (CAA Versailles 6 juill. 2006, M. X., n° 05VE01393). Ces jurisprudences, transposables à l'ensemble des règlements intérieurs des assemblées délibérantes, permettent au règlement intérieur de limiter le droit d'amendement, en imposant par exemple un délai au-delà duquel les amendements ne peuvent plus être déposés pour la bonne tenue des débats. Toutefois, il convient de s'assurer, compte tenu des circonstances de l'espèce, que les limitations apportées ne portent pas atteinte à l'exercice effectif de ce droit.

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