Question de Mme LIENEMANN Marie-Noëlle (Paris - CRCE-R) publiée le 30/09/2021

Mme Marie-Noëlle Lienemann attire l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de la relance sur la situation de l'entreprise « la Coop des masques ». À Grâces, près de Guingamp dans les Côtes-d'Armor, la Coop des masques produit en moyenne 350 000 à 400 000 unités par mois. Lancée en début d'année en Bretagne, elle croule aujourd'hui sous les stocks en raison de la concurrence asiatique. En manque de trésorerie, la société coopérative est aujourd'hui menacée de dépôt de bilan et lance un appel à l'aide avec une grande opération de déstockage pour écouler six millions de masques.
Comment en est-on arrivé là alors que le projet suscitait pourtant tellement d'espoir et d'enthousiasme quand la production a démarré courant janvier ? Le Gouvernement poussait alors pour une production de masques « made in France » pour réduire notre dépendance. Si une filière française a rapidement vu le jour, les achats n'ont, eux, pas suivi : près de 98 % des achats français de masques se tournent vers des produits importés depuis le marché asiatique.
Mme Lienemann souhaite rappeler à M. le Ministre que notre pays a été confronté à une situation critique : frappé de plein fouet par la crise sanitaire, alors que nos stocks de masques avaient été détruits les années précédentes par centaines de millions, nous avions subi une terrible pénurie de masques – la production asiatique était à l'arrêt et que le site de production de masques en France étaient quasi-inexistants. Cette pénurie a largement orienté le discours officiel sur l'efficacité du port du masque, avant que la mobilisation de nos entreprises permette, grâce à une réorientation des chaînes de production, de fournir à nouveau des masques en nombre.
On aurait pu penser que le Gouvernement aurait tiré la leçon de cet épisode critique. Il n'en est rien ! Mme Lienemann a interpellé par des questions écrites tout au long des deux années précédentes le Gouvernement sur ces sujets : elles n'ont reçu que des réponses dilatoires (n° 15413, 15607, 16669). Sa question n° 20400 à M. le Ministre de l'économie (publiée le 4 février 2021) qui interrogeait le Gouvernement sur les achats publics massifs de masques fabriqués à l'étranger est, elle, restée sans réponse !
La nécessité de relocaliser ce type de production, indispensable à notre autonomie stratégique et à notre souveraineté sanitaire, imposait de nous doter de règles nouvelles et d'une volonté politique efficiente, car si la règle est toujours celle du moins-disant, les entreprises françaises qui pourraient répondre à cet enjeu ne pourront pas rivaliser avec les masques chinois à trois centimes. Ce serait un cercle vicieux car nous détruirions à nouveau une filière essentielle (et ses emplois) en recréant une dépendance dangereuse au marché asiatique.
Mme Lienemann demande donc à M. le Ministre de bien vouloir lui indiquer si le Gouvernement compte mobiliser la commande publique pour constituer des stocks de masques dont l'achat permettrait de pérenniser l'activité des entreprises françaises, comme la Coop des masques.
Comme dans sa question n° 20400 de février 2021, elle demande à M. le Ministre quelle mesure compte prendre le Gouvernement pour mettre fin à cette aberration économique qui conduit notre production de masques à être stockée sans débouchés suffisants en pleine pandémie. Elle lui demande également si le Gouvernement compte à nouveau suspendre les règles européennes de la concurrence pour permettre aux pouvoirs publics de privilégier la production française, au moins dans le secteur sanitaire. Elle lui demande enfin si des dispositions sont à l'étude pour réviser en ce sens le code des marchés publics.

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Réponse du Ministère de l'économie, des finances et de la relance publiée le 18/11/2021

La crise sanitaire a mis en lumière notre dépendance en matériels de santé indispensables comme les masques, le paracétamol ou encore les gants en nitrile. Cette dépendance ne date pas de mars 2020. En effet entre 2005 et 2015, la part de marché mondiale de la France en production de produits de santé a été divisée par deux. Sous l'impulsion du président de la République, le Gouvernement a réagi très fortement pour mobiliser les industriels. Leur mobilisation a été exemplaire, rapide, agile et d'une grande ampleur. Pour preuve le niveau de production de masques : en mars 2020, la France produisait 3,5 M de masques sanitaires par semaine, elle en a produit près de 100 M par semaine au plus fort de la crise. Cette mobilisation révèle le formidable potentiel de notre tissu industriel et contribue, dans le même temps, à sécuriser les approvisionnements de notre pays.  Le Gouvernement a aussi fait le choix de sécuriser notre production de matière première, et c'est tout le sens de l'appel à manifestation d'intérêt qui soutient depuis octobre 2020, 11 projets à hauteur de 23 M€ pour la réalisation d'unités de production de matériaux filtrants pour masques sanitaires. Ils permettront de créer près de 250 emplois sur le territoire. Il est essentiel de prendre collectivement des responsabilités pour maintenir et soutenir la filière nationale et poursuivre cette dynamique. La stratégie d'achat des masques sanitaires par les services publics (État, hôpitaux, …) est un élément parmi d'autres qui contribuent à permettre l'émergence d'une filière souveraine de masques sanitaires. Un travail interministériel est engagé sur le sujet technique des critères de choix dans les appels d'offres pour prendre en compte non seulement le prix, mais aussi les différents éléments de qualité des offres soumises. Le Gouvernement va poursuivre, en collaboration avec le syndicat des fabricants français de masques, les travaux actuellement en cours dans les appels d'offre avec le ministère des solidarités et de la santé pour parvenir à un équilibre satisfaisant pour nos producteurs français en accord avec le droit européen. Enfin, pour poursuivre le soutien à la filière, une réponse favorable à la demande des producteurs français de masques, le taux de TVA à 5,5 %, sera prolongée au-delà du 31 décembre 2022. Concernant le cas spécifique de la Coop des masques, les services travaillent aujourd'hui étroitement avec l'entreprise afin qu'une solution puisse être trouvée pour pallier ses difficultés à court terme, tout en étant veillant que l'entreprise puisse avoir un modèle économique viable qui lui permette de pérenniser son activité de production de masques sur les prochaines années. 

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