Question de M. LE RUDULIER Stéphane (Bouches-du-Rhône - Les Républicains) publiée le 21/10/2021

Question posée en séance publique le 20/10/2021

M. le président. La parole est à M. Stéphane Le Rudulier, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Stéphane Le Rudulier. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.

Des « crimes inexcusables pour la République » : tels sont les propos tenus, samedi dernier, par le Président de la République à l'occasion de la commémoration du massacre du 17 octobre 1961 à Paris, un sujet extrêmement sensible et délicat, dès lors que l'on touche aux relations franco-algériennes et tout particulièrement à la période coloniale.

Or l'itinérance mémorielle du Président de la République devient, à masure que son quinquennat avance, une forme d'errance mémorielle. Ce nouvel acte de repentance sur l'Algérie, en dehors de toute contextualisation, introduit une nouvelle fracture au sein de notre société. Cette propagande victimaire semble des plus inconvenantes et revêt une forme d'indécence.

Aussi, monsieur le Premier ministre, ma question est somme toute assez simple : pourquoi devoir s'excuser en permanence de notre histoire ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Murmures sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.)


Réponse du Ministère de l'intérieur publiée le 21/10/2021

Réponse apportée en séance publique le 20/10/2021

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'intérieur.

M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur. Monsieur le sénateur Le Rudulier, une grande nation est sans doute celle qui regarde son histoire avec vérité. (Ah ! sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Nadia Hai, ministre déléguée auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargée de la ville. Eh oui !

M. Gérald Darmanin, ministre. Par ailleurs, je n'ai pas de leçons de patriotisme à recevoir, moi dont le grand-père a choisi la France ! (Marques d'ironie sur les mêmes travées.)

Monsieur le sénateur, une grande nation est celle qui fait la vérité pour elle-même et non pour plaire aux autres, parce qu'elle exige justement des autres de faire la vérité également sur leur histoire.

Vous avez regretté que cela se soit fait « en dehors de toute contextualisation », mais il y a bien eu, le 17 octobre 1961, des milliers de personnes – des femmes, des enfants, des hommes – qui ont manifesté ; il y a bien eu des blessés par centaines et il y a bien eu des dizaines de morts du fait d'agents publics français. C'est une vérité historique ! (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et SER.)

Mme Catherine Conconne. Tout à fait !

M. Gérald Darmanin, ministre. Dire cette vérité et reconnaître ses crimes, ce qu'a fait le Président de la République, comme l'avait fait avant lui Bertrand Delanoë en tant que maire de Paris. Ce n'est en aucun cas une errance, monsieur le sénateur ; c'est considérer que nous devons regarder notre histoire en face et que nous demandons à tous les pays de faire de même.

Aussi, devant la vérité – les années 1960 relèvent désormais du temps des historiens –, il faut peut-être que nous soyons tous unis et que nous ne cherchions pas à faire de la politique politicienne, surtout quand autant de morts relèvent de la responsabilité de la République ! (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, SER et GEST.)

M. le président. La parole est à M. Stéphane Le Rudulier, pour la réplique.

M. Stéphane Le Rudulier. Monsieur le ministre, toute histoire nationale a sa part d'ombre et de lumière, mais, quand on considère notre roman national, on y trouve fort heureusement plus de lumière que d'ombre.

Mme Catherine Conconne. N'importe quoi !

M. Stéphane Le Rudulier. Nous devons tous, ici, être fiers de notre histoire nationale.

Or la repentance à répétition du Président de la République,…

Mme Éliane Assassi. Cessez de dire cela !

M. Stéphane Le Rudulier. … c'est la porte ouverte à la concurrence des mémoires, qui dressent les Français les uns contre les autres en fonction de leur origine. (Huées sur les travées des groupes CRCE et GEST.)

Le chemin de la réconciliation avec l'Algérie est semé d'embûches, mais, pour se réconcilier, monsieur le ministre, il faut être deux. Cette réciprocité est indispensable à l'apaisement de nos relations. Or nous sommes aujourd'hui dans un système de mémoire « hémiplégique » (Mêmes mouvements.),…

Mme Éliane Assassi. On ne peut pas utiliser n'importe quels mots !

M. Stéphane Le Rudulier. … dans lequel seule la France consent à l'effort de vérité historique, alors même que, dans cette histoire douloureuse, les torts sont partagés.

M. le président. Il faut conclure !

M. Stéphane Le Rudulier. Pour conclure, je voudrais citer Marc Bloch, selon lequel « l'anachronisme est le pire péché de l'historien ». Cela vaut aussi, monsieur le ministre, pour le Président de la République… (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Huées sur les travées des groupes CRCE et GEST.)

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