Question de Mme LUBIN Monique (Landes - SER) publiée le 03/02/2022

Question posée en séance publique le 02/02/2022

M. le président. La parole est à Mme Monique Lubin, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme Monique Lubin. Monsieur le ministre des solidarités et de la santé, depuis la sortie du livre Les Fossoyeurs, chaque jour apporte son lot de témoignages à peine croyables et totalement insoutenables.

Vous avez annoncé des inspections de l'IGAS et de l'IGF (inspections générales des affaires sociales et des finances). Dont acte.

En 2020, la presse épinglait déjà des Ehpad appartenant à un groupe financier bien connu sur le marché du vieillissement. Entre ces deux épisodes, deux années se sont écoulées.

Dans ce laps de temps, quels contrôles avez-vous mandatés dans ce type de structures ? Quelles décisions avez-vous prises ? Faut-il que l'horreur soit à ce point documentée pour que vous réagissiez enfin ?

Par ailleurs, ce dossier met en lumière les agissements de ces groupes financiers et les moyens employés. Rendements compris entre 5 % et 9 %, rémunérations extravagantes de leurs dirigeants, fortunes colossales amassées : avec quelles méthodes ?

Moins de personnels que dans les Ehpad publics : je m'inscris en faux contre les propos que vous avez tenus tout à l'heure, car, si dans le public il y a 70,6 agents pour 100 résidents, le taux d'encadrement n'est même pas de 55 % dans le privé ; rationnements des soins apportés aux résidents, induisant la captation d'une partie de l'argent public versé par l'assurance maladie et les départements ; rétrocessions versées par des fournisseurs ; rémunérations d'apporteurs d'affaires afin d'obtenir des agréments ; primes versées aux gestionnaires en fonction des résultats financiers de la structure, c'est-à-dire des économies réalisées.

Tout cela a un but : rémunérer des actionnaires, qui par ailleurs peuvent déduire jusqu'à 300 000 euros de leurs impôts sur neuf ans, grâce à une niche fiscale généreusement octroyée en 2009 !

Monsieur le ministre, maintenant que tout est connu de tous, allons-nous continuer à verser de l'argent public à ce type d'investisseurs et à leur donner des agréments ? Aurez-vous le courage d'annoncer que, dorénavant, le grand âge ne pourra plus être confié qu'au secteur privé non lucratif ou au secteur public ? (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE. – Mme Monique de Marco applaudit également.)


Réponse du Ministère des solidarités et de la santé publiée le 03/02/2022

Réponse apportée en séance publique le 02/02/2022

M. le président. La parole est à M. le ministre des solidarités et de la santé.

M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé. Madame la sénatrice, comme je l'ai dit tout à l'heure, les faits exposés sont extrêmement graves et bouleversants.

J'ai signé ce midi la saisine de l'inspection générale des affaires sociales, qui va diligenter une enquête massive globale sur l'ensemble du groupe incriminé. Je ne suis pas sûr qu'il ne faille pas d'ailleurs étendre le champ de l'inspection au-delà de ce groupe ; nous verrons. Nous menons également cette enquête avec l'ensemble des agences de santé dans les territoires et dans les départements.

De la même manière, comme vous le savez, une enquête de l'inspection générale des finances est diligentée, tenant compte tant du comportement allégué du dirigeant du groupe Orpéa que des mécanismes fiscaux ou financiers qui seraient à l'œuvre. Évidemment, nous voulons mettre ces faits en plein jour, surtout s'ils devaient être condamnables, moralement ou par la loi.

Madame la sénatrice, vous pouvez donc compter sur notre engagement total.

Le débat peut éternellement être refait sur la différence entre les établissements publics et privés, Ehpad ou hôpitaux, entre les médecins salariés et les médecins libéraux. Mais les soignants, quel que soit leur secteur, travaillent avec conviction, leur vocation chevillée au corps, et s'engagent au service des malades et des personnes âgées en perte d'autonomie.

Je vous garantis que les soignants du secteur privé sont très fiers d'aller travailler le matin. En revanche, il leur faut des moyens pour travailler dans de bonnes conditions.

Ils partagent avec les salariés du public une revendication juste et légitime, que le Gouvernement et la majorité entendent depuis maintenant plusieurs années, d'où la mise en place de la cinquième branche de l'assurance maladie. (MM. Vincent Éblé et Pascal Savoldelli protestent.) L'ensemble de ces salariés demande des moyens et davantage de personnel pour mieux soigner et mieux prendre en charge.

M. Pascal Savoldelli. Et alors ?

M. Olivier Véran, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, je rappelle que nous travaillons sur la gouvernance dans les Ehpad, que nous y avons créé 10 000 postes médicalisés et facilité le recours à des infirmières de nuit au sein des réseaux de santé.

M. Vincent Éblé. Il ne s'agit pas des salariés des Ehpad mais des dirigeants !

M. Olivier Véran, ministre. Pour faire tout cela, nous n'avons pas attendu la parution d'un livre. Ce sont les actions que nous déclinons depuis des années maintenant.

Madame la sénatrice, j'ai été socialiste, vous êtes socialiste. Je me souviens comme vous du rapport de la Cour des comptes de 2017, qui indiquait qu'il y avait eu, sous la présidence socialiste et notamment dans les départements dirigés par les socialistes, un très fort boom des Ehpad privés. (Protestations sur les travées des groupes SER et CRCE.)

Mme Martine Filleul. Ce n'est pas le sujet !

M. Vincent Éblé. Vous étiez où, à l'époque ?

M. Olivier Véran, ministre. Si vous changiez vos convictions, peut-être qu'un jour vous auriez également l'occasion de changer la politique que vous avez menée jusqu'ici ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Nouvelles protestations sur les travées des groupes SER et CRCE.)

M. le président. La parole est à Mme Monique Lubin, pour la réplique.

Mme Monique Lubin. Monsieur le ministre, votre exemple est fort mal choisi. Je suis l'élue d'un département dont vous avez bien connu le président, Henri Emmanuelli, et où tous les Ehpad sont publics ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe SER. – Mmes Laurence Cohen et Marie-Claude Varaillas applaudissent également.)

M. Olivier Véran, ministre. C'est le seul !

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