Question de Mme PONCET MONGE Raymonde (Rhône - GEST) publiée le 14/07/2022

Question posée en séance publique le 13/07/2022

M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

Mme Raymonde Poncet Monge. Monsieur le ministre de la santé et de la prévention, faut-il confier le ministère de la santé à des médecins ? La question est légitime quand on constate le risque accru d'effondrement de l'hôpital public, tel qu'il a été laissé par votre confrère et prédécesseur. Dans mon interrogation, j'aurais pu préciser « à des médecins peu soucieux d'y défendre un service public universel de qualité ».

Votre traitement d'urgence fait de nouveau la part belle au libéral en multipliant les différences de rémunération entre ceux qui exercent et restent à l'hôpital, assurant quasiment seuls la pénibilité de la permanence des soins, et ceux à qui vous n'imposez aucune obligation de prendre enfin leur part, tout en leur octroyant des surrémunérations horaires, ce qui creuse le différentiel, dégrade l'attractivité de l'hôpital et alimente le cycle des démissions et vacances de postes.

Votre diagnostic est incomplet : il omet l'absence de lits d'hospitalisation, par exemple aux urgences pédopsychiatriques pour hospitaliser les enfants en détresse psychologique. En effet, vous continuez à fermer des lits !

Votre préconisation principale porte sur le tri des patients à l'entrée des urgences, alors que les SAMU sont déjà débordés et que 10 % des postes d'assistants de régulation médicale sont vacants. En Seine-Saint-Denis, depuis que l'on encourage à appeler le 15, seuls 8 % des appels peuvent être décrochés dans la minute. Un psychiatre dirait que cela revient à déplacer le symptôme plutôt que de traiter la maladie.

Rouvrez des lits ! C'est notre 42e proposition !

Monsieur le ministre, ma question est simple : ces mesures dites d'urgence s'inscrivent-elles dans votre vision des urgences, réduite aux seules urgences vitales – cela n'est pas notre conception –, ou bien, une fois l'été de tous les dangers passé, allez-vous enfin consentir à nous présenter un budget à la hauteur des besoins de santé des populations et des territoires ? (Applaudissements sur les travées du groupe GEST, ainsi que sur des travées des groupes SER et CRCE. – Mme Esther Benbassa applaudit également.)


Réponse du Ministère de la santé et de la prévention publiée le 14/07/2022

Réponse apportée en séance publique le 13/07/2022

M. le président. La parole est à M. le ministre de la santé et de la prévention.

M. François Braun, ministre de la santé et de la prévention. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, madame la sénatrice Poncet Monge, ma mission, en tant que ministre de la santé, c'est de permettre à chaque Français d'être pris en charge de manière adéquate lorsque cela est nécessaire. Cette mission ne se limite pas, bien entendu, à l'urgence vitale, vous l'aurez compris.

Je veux tout d'abord couper court à ce que j'entends parfois. Chaque Français continuera bien à être pris en charge dans le cadre de l'urgence et des soins non programmés là où ce sera le plus utile pour lui. En aucun cas je n'ai préconisé et ne préconise la fermeture de services d'urgence.

Le terme « triage » est particulièrement utilisé, mais à mauvais escient. Nous, professionnels, préférons le terme « qualification ». Il s'agit de procéder à une qualification du patient ou de sa famille et, en fonction de celle-ci, de l'orienter vers le parcours de soins le plus adapté. J'ai l'habitude de le dire : quand on a mal au genou depuis trois semaines, il vaut mieux aller voir son médecin traitant ou un médecin généraliste proche plutôt que d'aller dans un service d'urgence. (Exclamations sur plusieurs travées.)

Mme Laurence Cohen. Il n'y a pas assez de généralistes !

M. François Braun, ministre. Nos services d'urgence font face à une tension qui n'est pas seulement liée à leurs difficultés ou aux difficultés de l'hôpital. Il y a bien un enjeu systémique global d'organisation de l'offre de soins.

C'est dans cette perspective globale que nous travaillons : il s'agit de transformer un système fondé sur l'offre de soins en un système fondé sur la réponse aux besoins de santé de nos concitoyens.

Je ne reviendrai pas sur les 41 mesures. Vous en proposez, madame la sénatrice, une 42e, qui est de rouvrir des lits. Je vous rejoins totalement, mais, pour ouvrir des lits, il faut des soignants ; pour avoir des soignants, il faut qu'ils reviennent à l'hôpital ; pour qu'ils reviennent à l'hôpital, il faut qu'ils retrouvent du sens à leur métier. C'est là un objectif important.

J'ai signé dimanche l'instruction aux agences régionales de santé pour reprendre l'ensemble de ces mesures d'urgence, dont vous dites qu'elles privilégient le secteur privé. Je m'inscris en faux.

Ces mesures reposent sur deux éléments principaux.

Pour la première fois, on reconnaît la notion de pénibilité, en particulier la pénibilité du travail de nuit. C'est une porte ouverte. Bien entendu, il faut aller plus loin.

En ce qui concerne la permanence des soins, il ne vous aura pas échappé que nous préconisons qu'elle soit partagée entre le secteur privé et le secteur public en fonction des spécialités. On ne peut faire porter sur le secteur public seul cette pénibilité.

M. le président. Il faut conclure.

M. François Braun, ministre. Vous l'aurez compris, ma volonté est de faire travailler tout le monde ensemble : les soignants, les soignés, les élus, le privé et le public, en s'affranchissant des silos qui existent à ce jour. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées des groupes RDSE, INDEP et UC.)

M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour la réplique.

Mme Raymonde Poncet Monge. Monsieur le ministre de la santé, un indicateur simple nous permettra de juger de la réalisation de vos promesses : 200 000 infirmières ont quitté leur métier pour ne pas être maltraitées, pour ne pas devenir maltraitantes ; si vous ne traduisez pas ce que vous venez de dire dans vos politiques de santé, l'hémorragie continuera. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – M. Jean-Paul Prince applaudit également.)

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