Question de Mme SCHILLINGER Patricia (Haut-Rhin - RDPI) publiée le 07/07/2022

Mme Patricia Schillinger attire l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique sur la question de la responsabilité, envers les consommateurs, des plateformes d'achats en ligne, plus communément appelées marketplaces.
L'activité de ces plateformes consiste à permettre aux consommateurs de conclure des contrats à distance avec d'autres professionnels. N'occupant pas directement la position du vendeur de produits, certaines plateformes se réfugient derrière leur qualité d'intermédiaire, ne proposant qu'un service de mise en relation, pour s'exonérer de toute responsabilité quant aux biens vendus.
Or certaines plateformes, comme la marketplace américaine Wish, profiteraient de cette qualité pour écouler sur le territoire français des produits ne répondant pas aux exigences de qualité et de sécurité en vigueur sur le sol européen.
Ainsi, la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) a relevé que parmi 140 produits vendus sur Wish, 90 % des appareils électriques, 62 % des bijoux fantaisie et 45 % des jouets analysés, étaient en effet considérés comme dangereux et représentaient une menace pour la santé et la sécurité des consommateurs.
Si la loi n° 2020-1508 du 3 décembre 2020, portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne en matière économique et financière, dite DDADUE, qui transpose une directive européenne de 2017, a permis de sanctionner la plateforme en exigeant des moteurs de recherche le déréférencement du site de vente en ligne, il n'a pas pour autant été mis explicitement un terme, en France, à ces agissements.
Cette situation est l'illustration d'un problème qui dépasse largement la question de la plateforme américaine : celui de la responsabilité des marketplaces concernant les produits qui y sont vendus.
En effet, en tant qu'hébergeur des offres, elles ne sont pas tenues de vérifier, en amont, la conformité de l'ensemble des produits.
En conséquence, elle lui demande quelles sont ses intentions en vue de responsabiliser davantage ces plateformes vis-à-vis des offres qu'elles hébergent et s'il entend veiller à ce que celles-ci s'assurent de la conformité aux normes en vigueur des produits qu'elles proposent.

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Réponse du Ministère de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique publiée le 01/12/2022

La question de la responsabilité des places de marché de commerce électronique envers les consommateurs au regard des offres de produits non conformes qu'elles contribueraient à diffuser sur le marché français représente un enjeu de sécurité pour les consommateurs la concurrence entre les vendeurs basés dans des pays tiers et les opérateurs économiques en France et en Europe. Il convient de rappeler tout d'abord que le cadre juridique applicable à ce type d'acteurs est de niveau européen, la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique (LCEN) ayant transposé en la matière la directive européenne 2000/31/CE du 8 juin 2000 dite « e-commerce ». Ce cadre juridique assimile les places de marché précitées à des hébergeurs de contenus numériques, ce qui leur permet de revendiquer le bénéfice d'une exonération de responsabilité quant aux contenus hébergés, dès lors qu'elles agissent promptement pour retirer les contenus illicites quand elles en ont connaissance. Dans ce cadre, les services du ministère de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, et notamment ceux de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, veillent à ce que toute offre de produit non-conforme détectée sur le marché, qu'il s'agisse d'un problème de sécurité ou de non-respect des droits des consommateurs, soit retirée sans délai par les places de marché. Dans certains cas, comme celui de la plateforme Wish, les investigations sur le modèle économique de ces acteurs et leurs pratiques ont pu conduire à requalifier leur statut et à leur refuser le statut d'hébergeur, ou à démontrer leur implication dans des pratiques pénalement sanctionnées. Ainsi, c'est notamment parce que la plateforme Wish s'est révélée avoir mis en place un contrôle étroit sur les offres des vendeurs tiers et sur leurs interactions avec les consommateurs que cet opérateur a été requalifié de distributeur. C'est à ce titre qu'une injonction a été émise à son encontre face à de multiples défaillances quant aux produits dangereux présents sur son site et à des lacunes en matière de rappels de produis dangereux. Face à son refus de s'y conformer, une mesure de déréférencement, rendue possible par la loi n° 2020-1508 du 3 décembre 2020 (qui a introduit l'article L. 521-3-1 du code de la consommation), a ensuite été adressée à divers prestataires de la société de l'information (moteurs de recherche et magasins d'applications) pour réduire l'audience de Wish sur le territoire français. Le choix de cette option d'un déréférencement, plutôt qu'un blocage total, a été dicté par des considérations de proportionnalité, de rapidité et d'efficacité. Plus généralement, les autorités françaises partagent l'idée d'un renforcement ciblé des obligations des places de marché de commerce électronique afin de mieux protéger les consommateurs contre la mise en ligne d'offres illicites. La France a œuvré en ce sens lors de sa présidence de l'Union européenne durant le premier semestre 2022, d'une part en menant à bien la négociation du « Digital Services Act », qui vise à améliorer la gouvernance de toutes les grandes plateformes numériques, et d'autre part dans le cadre des discussions en vue de la réforme de la directive sur la sécurité générale des produits 2001/95/CE, mise en chantier par la Commission européenne pour adapter le cadre juridique de la sécurité des produits aux enjeux des produits connectés et de l'essor du commerce électronique.

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