Question de Mme MORIN-DESAILLY Catherine (Seine-Maritime - UC) publiée le 07/07/2022

Mme Catherine Morin-Desailly attire l'attention de Mme la ministre déléguée auprès du ministre de l'intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales, sur la gestion des boues d'épuration urbaine dans le contexte de covid-19 et des modifications règlementaires concernant le secteur.
Les collectivités et groupements de collectivités compétents en matière d'assainissement collectif subissent depuis maintenant deux ans un durcissement des règles relatives à la gestion des boues d'épuration urbaine et à leur évacuation, entrainant un impact technique et financier pour les structures de gestion des boues d'épuration urbaine.
En effet, différents arrêtés sur la gestion des boues d'épuration urbaine dans le contexte de crise sanitaire (arrêté du 30 avril 2020 précisant les modalités d'épandage des boues issues du traitement des eaux usées urbaines pendant la période de covid-19 et arrêté du 20 avril 2021 modifiant l'arrêté du 30 avril 2020) ont abouti à la mise en place de nouvelles contraintes pour les services d'assainissement collectif, à savoir l'impossibilité de retour au sol (épandage agricole) des boues liquides non hygiénisées.
Or, il s'agit de la principale filière utilisée par les services publics d'assainissement pour des questions de coût et de logique d'économie circulaire. Par conséquent, les collectivités et leurs exploitants ont dû mettre en place des solutions alternatives qui sont plus coûteuses (déshydratation et chaulage avant épandage agricole, déshydratation et envoi en filière de compostage, déshydratation et envoi en filière de méthanisation, etc.).
Si, dans un premier temps, le financement d'une partie des surcoûts d'exploitation a pu être pris en charge par les Agences de l'Eau en 2020 et 2021, l'aide n'existe plus à ce jour et les collectivités sont contraintes de continuer de se doter de ces solutions alternatives et d'en supporter intégralement le coût, ce qui est très difficile pour elles.
La filière a souhaité bénéficier des investissements locaux de méthanisation (agricole ou non) pour permettre la digestion des boues d'épuration en mélange avec les déchets verts et ainsi contribuer à l'accroissement de la production de biogaz. Cependant, au regard de plusieurs instructions, le mélange des déchets en tête d'une unité de méthanisation est proscrit pour des questions de lisibilité de la stratégie de tri des déchets par les citoyens.
En parallèle, d'autres modifications règlementaires ont été ou sont toujours en cours de mise en œuvre : plafonnement des taux d'incorporation de boues d'épuration urbaines aux déchets verts, loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018 pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous (EGALIM), loi n° 2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire (AGEC), l'ordonnance du 29 juillet 2020 relative au socle commun d'innocuité et d'efficacité pour les matières fertilisantes et supports de culture (MFSC) et enfin la révision des critères d'innocuité de ces MFSC par une consultation sur un projet de décret au 29 octobre 2021.
Ce contexte de modifications règlementaires et de contraintes techniques et financières ont pour conséquence d'empêcher les collectivités de prendre des décisions éclairées sur des investissements lourds dont la durée d'amortissement est de 20 à 30 ans.
Aussi, elle souhaite savoir quelles sont et quelles seront les mesures que le Gouvernement entend prendre afin de garantir un accompagnement de la filière.

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Transmise au Ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires


Réponse du Ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires publiée le 08/12/2022

Les boues urbaines ont vu leurs conditions d'épandage modifiées suite à l'épidémie de COVID-19 (traitement complémentaire ou hygiénisation au sens de l'arrêté ministériel du 8 janvier 1998). Compte-tenu de l'évolution favorable de l'épidémie, du manque d'études prouvant le risque infectieux du virus ou des traces de virus présents dans les boues et les eaux usées et de l'impact financier de ces mesures sur le budget assainissement des collectivités, le ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires a entrepris plusieurs actions. En premier lieu, une étude de parangonnage a été réalisée auprès de 7 pays européens. Cette étude a notamment mis en évidence qu'aucun des pays consultés ne semble avoir pris de mesures spécifiques du fait de l'épidémie. En effet, certains États ont estimé que les traitements requis avant épandage (notamment hygiénisation) et en vigueur avant le début de la pandémie permettent de prévenir du risque de propagation du virus. Cette information conforte les mesures prises au niveau national qui tendent à s'aligner sur celles appliquées dans ces États en situation courante. Par ailleurs, certains États ont estimé qu'aucune preuve scientifique ne documentait clairement que le COVID-19 se transmettait par la voie fécale-orale et donc via les boues (seules des traces de matériel génétique apparaissent dans l'eau mais celles-ci ne présentent pas de capacité infectieuse). Cette approche n'apparaît pas applicable en France, au regard du principe de précaution inscrit dans la charte de l'environnement annexée à la Constitution française. En parallèle, le ministère a lancé un état des lieux concernant la mise en œuvre des mesures réglementaires et des éventuelles difficultés soulevées. Il ressort des premiers retours que l'essentiel des dysfonctionnements constatés au niveau des stations préexistaient à l'épidémie de COVID-19 et n'ont donc pas de lien direct avec cette dernière. Au niveau des stations, le stockage des boues, préalablement à leur traitement ou leur épandage, semble la principale difficulté à laquelle les collectivités doivent faire face. L'envoi des boues vers des plateformes de compostage ou d'autres stations de traitement des eaux usées pour y être traitées ressortent comme les deux voies les plus privilégiées. Les stations d'épuration par lagunage et filtres plantés de roseaux sont particulièrement impactées. Pour le moment, les collectivités concernées ont majoritairement décidé de reporter l'extraction des boues issues de ces installations. Sur la base de ces éléments, le ministère a sollicité l'avis du Haut Conseil de la Santé Publique (HCSP) sur l'opportunité de lever ou assouplir les restrictions actuellement en vigueur concernant l'épandage des boues et, le cas échéant, les conditions de mise en œuvre de ces mesures. Dans son projet d'avis qui sera rendu public d'ici la fin de l'année, le HCSP recommande de ne pas maintenir les mesures restrictives d'épandage des boues liées à l'épidémie de COVID-19, actuellement en vigueur. Ces éléments devraient donc permettre aux ministères chargés de l'environnement, de la santé et de l'agriculture d'abroger l'arrêté du 30 avril 2020 modifié qui précise les modalités d'épandage de boues pendant la crise de COVID-19. Les consultations nécessaires à la publication du texte d'abrogation seront lancées dès que cet avis sera officiellement publié. L'aide exceptionnelle versée par les agences de l'eau ayant pour but d'accompagner les collectivités pour les dépenses liées à l'hygiénisation ou au traitement préalable des boues avant épandage en période d'épidémie de Covid-19 a été renouvelée en partie sur les bassins en 2022, selon les priorités définies par leurs instances de gouvernance. Ainsi, seule l'agence de l'eau Adour-Garonne a intégralement prolongé ce dispositif d'aides exceptionnelles. Les agences de l'eau Rhone Mediterranée Corse, Loire Bretagne et Rhin-Meuse ont décidé de poursuivre le financement des investissements relatifs à l'hygiénisation des boues (dispositifs de déshydratation, y compris achat d'unités mobiles pour Rhone Mediterranée Corse, d'hygiénisation et de stockage des boues). Les agences de l'Eau Seine Normandie et Artois Picardie ont elles cessé les aides exceptionnelles liées au COVID-19.

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