Question de Mme BENBASSA Esther (Paris - NI) publiée le 28/07/2022

Question posée en séance publique le 27/07/2022

M. le président. La parole est à Mme Esther Benbassa, pour la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Esther Benbassa. Mes chers collègues, si les pouvoirs publics font des efforts, depuis la grande canicule de 2003, afin de lancer des campagnes de prévention pendant les pics de chaleur, le système pénitentiaire doit, seul, faire face à la crise, et les détenus se débrouiller avec le peu de moyens à leur disposition, alors même que la surpopulation carcérale atteint des sommets.

Depuis janvier 2022, j'ai visité sept prisons à travers la France. Le mardi 19 juillet, jour de canicule, je me suis rendue avec mon équipe, une représentante de l'Observatoire international des prisons (OIP) et un journaliste de l'Agence France Presse à la maison d'arrêt de Nanterre, laquelle connaît un taux d'occupation d'environ 150 % et se trouve confrontée aux mêmes problèmes de vétusté, d'insalubrité, de promiscuité et de manque d'hygiène que les autres établissements.

Les détenus ont seulement trois douches par semaine. Et qui peut s'acheter un ventilateur ? Même avec un ventilateur et un drap mouillé accroché aux barreaux, il faisait 37 à 38 degrés Celsius dans les cellules. Au dernier étage, dans la coursive à ciel ouvert, la température était de 45 degrés. Des détenus répandaient de l'eau par terre et marchaient pieds nus pour se rafraîchir. Ils parlaient de leur souffrance ; ils demandaient un peu d'humanité, plus de douches et moins de surpopulation pour commencer.

Monsieur le ministre, que compte faire l'État pour rénover nos prisons et les adapter au réchauffement climatique ? L'enfer, ce n'est pas les autres, comme Sartre l'écrivait. L'enfer, c'est la prison en temps de canicule. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – Mmes Marie-Pierre de La Gontrie et Michelle Meunier applaudissent également.)


Réponse du Ministère de la justice publiée le 28/07/2022

Réponse apportée en séance publique le 27/07/2022

M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, madame Esther Benbassa, depuis que la prison existe, le retour des beaux jours rend la détention plus difficile, et c'est encore pire par temps de canicule.

C'est vrai pour les personnels pénitentiaires, que je n'oublie pas et qui sont la troisième force de sécurité de notre pays ; c'est vrai également pour les détenus, que personne n'oublie. Le Sénat a d'ailleurs voté à l'unanimité le texte, proposé par M. le président de la commission des lois, à qui je rends hommage (Exclamations ironiques sur des travées du groupe Les Républicains.) – moi aussi, j'ai mon quart d'heure de fayotage ! (Applaudissements sur diverses travées.) –, qui portait sur les conditions indignes de détention.

Sur le plan national, quelque 130 millions d'euros ont été consacrés à la rénovation d'établissements pénitentiaires, soit le double de ce qui avait été accordé précédemment. Il s'agit des Baumettes, de Fresnes, de Fleury-Mérogis et de la Santé.

À l'échelle nationale, contrairement à ce qui a été dit tout à l'heure, nous construisons des prisons. Nous en aurons construit 49, ce qui représente une création nette de 15 000 places à la fin du quinquennat.

Concernant la prison de Nanterre, je vous fais part de quatre préconisations fortes, légitimement portées par l'administration pénitentiaire : tout d'abord, plus de médecins pour ceux qui sont en situation de fragilité – je pense aux détenus âgés ; ensuite, un rafraîchissement des locaux, en faisant appel à diverses solutions ; en outre, le remplacement des réfrigérateurs, 45 ayant été mis en place la semaine dernière ; enfin, permettre davantage de douches que ce que prévoit la réglementation.

La prison, on le sait, est faite pour punir et pour mettre la société à l'abri d'un individu dangereux, mais elle sert également à réinsérer.

Il faut faire preuve de fermeté, sans démagogie, et d'humanisme, sans angélisme. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à Mme Esther Benbassa, pour la réplique.

Mme Esther Benbassa. Monsieur le ministre, quelque chose doit tout de même être fait ! Ces actions ne sont pas suffisantes. S'il faut construire plus de prisons, il faut les construire autrement, tout comme il faut incarcérer autrement.

Concédez tout de même que le système pénitentiaire requiert des réformes, encore plus de réformes.

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