Question de Mme FÉRET Corinne (Calvados - SER) publiée le 07/07/2022

Mme Corinne Féret attire l'attention de M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires sur le nécessaire soutien technique et financier à apporter aux communes calvadosiennes aujourd'hui contraintes d'élaborer des stratégies locales de gestion du trait de côte.

Un cinquième du littoral français est soumis à l'érosion. Cette dernière est un phénomène naturel, amplifié aujourd'hui par le changement climatique, avec la hausse du niveau des mers et l'augmentation de l'intensité des phénomènes extrêmes comme les tempêtes. Elle se traduit par un risque de submersion progressive du littoral menaçant les espaces naturels, mais aussi les zones urbanisées.

Le décret n° 2022-750 établissant la liste des communes, dont l'action en matière d'urbanisme et la politique d'aménagement doivent être adaptées aux phénomènes hydrosédimentaires entrainant l'érosion du littoral, a été publié le 29 avril 2022. Dans le Calvados, des communes comme Asnelles, Bernières-sur-Mer, Courseulles-sur-Mer ou Saint-Côme-de-Fresné sont concernées et devront donc réaliser des cartes du risque de recul du littoral à 30 ans et à 100 ans, qui se traduiront potentiellement par de nouvelles règles d'aménagement.

En pratique, ce recul du trait de côte rend nécessaire la recomposition de certains territoires en anticipant la relocalisation progressive de l'habitat et des activités affectés par l'érosion. La loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets (dite « Climat et Résilience ») a prévu plusieurs dispositions pour mieux appréhender ce phénomène et renforcer l'information des acquéreurs comme des locataires. L'ordonnance n° 2022-489 du 6 avril 2022 relative à l'aménagement durable des territoires littoraux exposés au recul du trait de côte complète ces mesures.

En effet, celle-ci s'articule autour de quatre titres, notamment dédiés à l'adaptation des outils de maîtrise foncière ou à la définition d'une méthode d'évaluation des biens exposés. Adoptée en urgence, après un avis défavorable du conseil national d'évaluation des normes (CNEN), ainsi qu'une alerte de l'association des maires de France (AMF) et de l'association nationale des élus du littoral (ANEL), cette ordonnance n'est malheureusement toujours pas accompagnée d'une proposition de création d'un modèle économique et financier adapté, garantissant l'effectivité des mesures. Elle n'a fait l'objet d'aucune évaluation financière des indemnisations liées aux opérations de relocalisation qui pèseront pourtant lourdement sur les communes et intercommunalités visées.

Dans le Calvados comme ailleurs, beaucoup d'élus s'interrogent. Hormis le financement par l'État de 80 % des études, aucun fonds pérenne n'est prévu pour financer les projets d'accompagnement, notamment l'acquisition par préemption ou expropriation des biens menacés. Par ailleurs, la loi « Climat et Résilience » de 2021 entérine la distinction entre la submersion, considérée comme un risque majeur, et l'érosion côtière, considérée comme un phénomène lent et prévisible. Si la garantie catastrophe naturelle et le fonds de prévention des risques naturels majeurs (FPRNM) permettent d'indemniser les risques liés à la submersion marine, tel n'est pas le cas pour ceux relevant de l'érosion côtière.

Tous les acteurs locaux s'accordent à dire que l'enjeu est aujourd'hui celui des moyens dédiés à l'action et non pas celui de la multiplication des procédures administratives. En conséquence, elle souhaiterait savoir si le Gouvernement a établi un cadre financier, pérenne, qui trouverait une traduction dès la prochaine loi de finances pour 2023, afin d'accompagner au mieux les collectivités impactées par le recul du trait de côte.

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Réponse du Ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires publiée le 10/08/2023

Les mesures proposées dans le cadre de la loi « Climat et Résilience » du 22 août 2021 poursuivent des objectifs majeurs comme l'anticipation de l'érosion littorale pour ne pas aggraver le nombre de personnes et de biens exposés. La loi propose de nouveaux outils qui étaient attendus par les collectivités : règles d'urbanisme adaptées pour l'évolution des usages, nouveau droit de préemption spécifique, méthode d'évaluation des biens et dérogation encadrée à la loi Littoral. En complément de ces nouvelles dispositions et de l'accompagnement technique mis en place par l'Etat, des moyens financiers ont été déployés pour financer les premiers travaux. Ainsi, l'Etat s'est engagé à financer jusqu'à 80% du coût des cartes locales de projection du recul du trait de côte. Le cadre contractuel du projet partenarial d'aménagement (PPA) permet un cofinancement par l'Etat des projets de recomposition spatiale. France relance a engagé 10 millions d'euros dès 2021, pour les trois PPA pilotes de Coutances, Lacanau et Saint-Jean-de-Luz. En outre, 5 millions d'euros par an sont dorénavant réservés pour les PPA "trait de côte". 'Destination France'prévoit 4 millions d'euros pour accompagner les campings exposés à l'érosion. Enfin, l'année 2023 a renforcé les moyens déjà en place grâce au Fonds vert et la Banque des territoires est mobilisée. Mais surtout, à la suite de son annonce aux journées de l'ANEL de l'automne 2022, la secrétaire d'Etat à l'Ecologie a lancé une année de concertation afin d'aboutir à un modèle de financement de la recomposition des territoires littoraux à la hauteur des enjeux. Cette réflexion concertée se déroulera au sein du comité national trait de côte -CNTC. Une mission IGEDD-IGA-IGF est désignée pour l'appuyer. L'érosion du littoral sous l'effet de l'action de la mer est anticipable, progressif et irréversible. Elle ne relève donc pas du fonds de prévention des risques naturels majeurs -FPRNM. Toutefois, la question du financement de l'adaptation de nos territoires à ce phénomène est au centre de nos travaux.

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