Question de M. SUEUR Jean-Pierre (Loiret - SER) publiée le 07/07/2022

M. Jean-Pierre Sueur appelle l'attention de M. le ministre de l'intérieur et des outre-mer sur les termes de la circulaire du 14 décembre 2009 relative à la mise en œuvre de la loi n°2008-1350 du 19 décembre 2008. Cette circulaire dispose qu'« il n'existe pas de définition juridique de la notion de pleine nature », qu' « il peut être utile de se référer à la notion d'espace naturel non aménagé », et que la dispersion des cendres est prohibée « dans une propriété particulière » et donc dans un jardin privé. Il lui fait observer que les restrictions incluses dans cette circulaire sont contraires aux termes de la loi inscrits dans l'article L.2223-18 du code général des collectivités territoriales. Le législateur a, en effet, considéré que les cendres pouvaient être dispersées « en pleine nature » sans aucunement prohiber une dispersion dans un espace privé ni au sein d'un espace « aménagé », de nombreux espaces de « pleine nature » incluant en fait des « aménagements » dus à l'action des hommes (chemins, clôtures, édifices, etc.). La seule restriction explicitement prévue par le législateur concerne « les voies publiques ». Les débats parlementaires sont d'ailleurs clairs à cet égard. Si le législateur avait souhaité apporter d'autres restrictions, il l'aurait prévu de manière explicite, comme cela a été le cas pour les « voies publiques ». Il s'ensuit que la circulaire va, sans aucun fondement, au-delà des termes de la loi, et que certains citoyens interrogeant les préfets se voient répondre indument, en vertu des termes de la circulaire, que la dispersion des cendres dans certains « espaces naturels » est interdite. Il lui demande, en conséquence, à quelle date il compte abroger cette circulaire.

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Transmise au Ministère auprès du ministre de l'intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé des collectivités territoriales


Réponse du Ministère auprès du ministre de l'intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé des collectivités territoriales publiée le 24/11/2022

L'article L. 2223-18-2 du code général des collectivités territoriales prévoit que : "À la demande de la personne ayant qualité pour pourvoir aux funérailles, les cendres sont en leur totalité : – soit conservées dans l'urne cinéraire, qui peut être inhumée dans une sépulture ou déposée dans une case de columbarium ou scellée sur un monument funéraire à l'intérieur d'un cimetière ou d'un site cinéraire visé à l'article L. 2223-40 ; – soit dispersées dans un espace aménagé à cet effet d'un cimetière ou d'un site cinéraire visé à l'article L. 2223-40 ; – soit dispersées en pleine nature, sauf sur les voies publiques". La circulaire du 14 décembre 2009, afin d'apporter des précisions sur la notion de "dispersion en pleine nature", qui ne fait l'objet d'aucune définition juridique, se réfère à la notion "d'espace naturel non aménagé", afin de souligner l'incompatibilité de cette hypothèse de dispersion des cendres avec la notion de propriété particulière. La loi du 19 décembre 2008 a en effet introduit plusieurs dispositions dans le droit positif, visant à mettre en échec toute tentative d'appropriation privative des cendres, auxquelles sont dus, aux termes de l'article 16-1-1 du code civil : "respect, dignité et décence"et qui ne peuvent être conservées à domicile, ni divisées. Dans cette perspective, la dispersion des cendres en"pleine nature"a notamment pour objet de garantir la possibilité pour toute personne d'accéder au lieu auquel les cendres ont été dispersées, notamment aux fins de recueillement. Ainsi a été jugée fautive la décision unilatérale de dispersion des cendres dans une propriété particulière par le père d'un défunt, en l'absence de directives laissées par celui-ci avant son décès, privant de ce fait la veuve et le jeune fils du défunt de la possibilité de venir se recueillir sur le lieu de dispersion, du fait des relations conflictuelles existant au sein de la famille (CA Grenoble, 17 mai 2016,"M. T… c./ Mme G…", n° 15/00651). La circulaire prévoit par ailleurs certaines possibilités de dispersion sur une propriété particulière, sous réserve de l'accord du propriétaire du terrain, dans la mesure où il s'agit de grandes étendues accessibles au public, telles que des champs, prairies ou forêts. Dès lors, il n'apparaît pas que la circulaire du 14 décembre 2009 ait contrevenu à l'esprit de la loi du 19 décembre 2008 en se référant à la notion "d'espace naturel non aménagé"pour préciser l'hypothèse de"dispersion en pleine nature" des cendres prévue par l'article L. 2223-18-2 du code général des collectivités territoriales. Il ne semble d'ailleurs pas qu'elle a fait, jusqu'à ce jour, l'objet d'un contentieux. Son abrogation n'est donc pas envisagée.

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