Question de M. BRISSON Max (Pyrénées-Atlantiques - Les Républicains) publiée le 14/07/2022

M. Max Brisson appelle l'attention de Mme la ministre de la transition énergétique quant aux possibles conséquences du projet Hercule sur la complémentarité entre les énergies nucléaire et hydro-électrique.

En effet, l'hydro-électricité est la deuxième source de production électrique derrière la production nucléaire et la première source d'électricité renouvelable en France. Avec 25,5 GW installés, sa puissance représente 18,9 % de l'ensemble des centrales électriques du territoire national. Ainsi, le parc hydro-électrique français se classe au deuxième rang européen derrière la Norvège. Il représente 10,2 % de la production hydro-électrique européenne. La France en est également le dixième producteur mondial.

Jusqu'à présent le régime juridique de la loi du 16 octobre 1919 relative à l'utilisation de l'énergie hydraulique régissait le régime de concessions hydro-électriques. Le projet Hercule prévoit de concentrer le secteur de l'hydro-électricité entre les mains d'une filière du groupe EDF, baptisée EDF Azur. Celle-ci concèderait ensuite la gestion des barrages hydro-électriques à des prestataires privés, après ouverture de la procédure à la concurrence. Ce projet interroge à plusieurs égards.

La France compte près de 400 concessions hydro-électriques qui représentent plus de 95 % du total de la puissance hydro-électrique installée, soit environ 24 GW. Produisant une électricité de pointe ou d'appoint, les barrages hydro-électriques génèrent une électricité renouvelable décarbonnée, mobilisable à la demande et livrée instantanément sur le réseau électrique français. Sa souplesse de fonctionnement en fait le levier d'ajustement privilégié face aux brusques fluctuations de consommation, la constituant en source d'énergie complémentaire à l'énergie atomique.

Le potentiel brut hydro-électrique techniquement exploitable de la France est estimé par le Conseil mondial de l'énergie à 100 TWh/an, dont 70 TWh/an sont considérés comme économiquement exploitables. Or, les installations nationales produisent déjà 63 TWh en moyenne sur la décennie 2010-2019, représentant 90 % de l'énergie exploitable. Par conséquent, l'hydro-électricité revêt donc une importance clef pour l'autonomie énergétique du pays, entrant directement dans des considérations relevant de la souveraineté nationale.

Parallèlement, le report des travaux de maintenance des réacteurs nucléaires, conséquence de la pandémie de la Covid-19, laisse présager l'inquiétude d'un « black-out ». Selon la société gestionnaire du réseau de transport d'électricité, celui-ci serait causé par les arrêts de 13 réacteurs d'ici fin février sur les 56 du parc nucléaire, donnant lieu à une baisse de production de 10 GW. Ce risque rend d'autant plus stratégique la production hydro-électrique qui permettrait de compenser les défaillances du secteur nucléaire, tout en distribuant une énergie renouvelable décarbonnée. La filière hydro-électrique est donc aujourd'hui essentielle pour l'équilibre et la sécurisation du réseau électrique français.

Aussi, il souhaiterait connaître les mesures que le Gouvernement entend mettre en oeuvre pour préserver l'importance stratégique de la production hydro-électrique dans le cadre du projet Hercule, ainsi que la complémentarité de la production d'énergie entre les secteurs nucléaire et hydro-électrique, clef de l'autonomie énergétique nationale.

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Réponse du Ministère de la transition énergétique publiée le 03/08/2023

Le Gouvernement porte une grande attention à l'énergie hydroélectrique et à son développement. Cette énergie renouvelable et pilotable est essentielle à l'atteinte de nos objectifs climatiques, à la sécurité d'approvisionnement des Français ainsi qu'à la bonne gestion de la ressource en eau. En 2021, l'hydroélectricité a couvert près de 12,4% de la consommation électrique totale et a représenté la moitié de la production électrique renouvelable. Comme vous le savez, la Commission européenne a engagé un précontentieux vis-à-vis de la France, portant notamment sur l'absence de renouvellement par mise en concurrence des concessions hydroélectriques échues. Une telle situation nuit aux investissements dans le secteur, et est source d'incertitude pour les entreprises, les agents, la population et les élus. C'est dans ce contexte que le Gouvernement explore plusieurs scénarios pour le renouvellement des concessions hydroélectriques. Le Gouvernement a étudié, parmi d'autres solutions, la voie permise par le droit des concessions, consistant à attribuer sans mise en concurrence les concessions à une structure publique dédiée et contrôlée par l'État : une gestion des concessions effectuée en quasi-régie. Il n'a jamais été question que cette entité « concède ensuite la gestion des barrages hydro-électriques à des prestataires privés, après ouverture de la procédure à la concurrence » comme vous l'indiquez. Le projet Hercule, qui intégrait un volet sur l'organisation d'EDF, dont le schéma de quasi-régie hydroélectrique, a été abandonné comme l'a rappelé publiquement le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique le 9 décembre 2022. Comme indiqué par le Président de la République à Belfort le 10 février 2022, le principal impératif des autorités françaises consiste en la poursuite des investissements dans les barrages hydroélectriques, en évitant les mises en concurrence : « nos barrages hydroélectriques […] font la richesse de nos vallées et […] nous allons continuer d'investir […] tout en gardant la pleine maîtrise, et en évitant les mises en concurrence ». Aucune décision n'a été prise aujourd'hui concernant l'éventuelle mise en place d'une quasi-régie et les discussions se poursuivent avec la Commission européenne et d'autres pistes sont également à l'étude comme la cession des ouvrages détenus par l'Etat et le passage à un régime d'autorisation. En revanche, quelle que soit la solution retenue, passant ou non par une quasi-régie, les objectifs sont clairement établis : - relancer rapidement des projets de développement du parc hydraulique français actuellement bloqués par le contentieux européen, dont des projets de station de transfert d'énergie par pompage (STEP) ; - garder la pleine maîtrise de notre parc hydroélectrique en évitant les mises en concurrence ; - favoriser les synergies dans les multi-usages de l'eau, au regard des activités nucléaires de la gestion de la ressource, dans un contexte de dérèglement climatique et de nécessaire conciliation des usages de cette ressource ; - faire en sorte que l'ensemble des bénéfices générés par l'exploitation des concessions bénéficient in fine à la collectivité : - disposer de contrats souples, avec des possibilités de modifications assez vastes, pour adapter ces derniers aux évolutions des besoins. Le Gouvernement sera particulièrement attentif à ce que la solution retenue permette également la pérennisation et le développement des emplois liés au secteur de l'hydroélectricité.

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