Question de M. MASSON Jean Louis (Moselle - NI) publiée le 14/07/2022

Sa question écrite du 30 juin 2022 n'ayant pas obtenu de réponse, M. Jean-Louis Masson attire à nouveau l'attention de M. le ministre de l'intérieur et des outre-mer sur le cas d'un conseil régional qui délibère sur un dossier où un élu a un intérêt direct ou indirect.
Il lui demande s'il suffit que cet élu s'abstienne d'intervenir lors des débats et ne participe pas au vote ou si l'élu doit quitter la séance pendant toute la durée de l'examen du dossier.

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Transmise au Ministère auprès du ministre de l'intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé des collectivités territoriales et de la ruralité


Réponse du Ministère auprès du ministre de l'intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé des collectivités territoriales et de la ruralité publiée le 02/02/2023

En application des articles 1er et 2 de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique, les personnes titulaires d'un mandat électif local veillent à prévenir ou à faire cesser tout conflit d'intérêts, défini comme toute situation d'interférence entre un intérêt public et des intérêts publics ou privés qui est de nature à influencer ou à paraître influencer l'exercice indépendant, impartial et objectif d'une fonction. Le décret n° 2014-90 du 31 janvier 2014, portant application de l'article 2 de la loi du 11 octobre 2013 précitée, précise les obligations de déport qui s'imposent à un élu local dans une telle hypothèse. Lors de l'examen de la légalité d'une délibération en vertu de ces dispositions, le juge administratif retient l'illégalité de celle-ci si l'élu a un intérêt qui ne se confond pas avec ceux de la généralité des habitants (Conseil d'État, 1er juillet 2019, req. n° 410714) et, de manière cumulative, s'il a été en mesure d'exercer une influence sur la délibération (Conseil d'État, 12 octobre 2016, req. n° 387308). A cet égard, si la seule présence de l'élu intéressé ne suffit pas à entacher d'illégalité la délibération, sa participation aux travaux préparatoires et aux débats précédant l'adoption de celle-ci est susceptible de vicier sa légalité, même en l'absence de participation au vote, si le conseiller municipal intéressé a été en mesure d'exercer une influence sur la délibération (Conseil d'Etat, 12 octobre 2016, req. n° 388232). A ainsi été jugée illégale une délibération prise par la commune sur le rapport de l'élu intéressé, qui a également présidé la séance et pris part activement aux débats, exerçant ainsi une influence sur cette décision (Cour administrative d'appel de Lyon, 29 avril 2021, req. n° 19LY02640). Par ailleurs, la participation à une délibération d'un élu en situation de conflit d'intérêts est susceptible de fonder le délit de prise illégale d'intérêts. Aux termes de l'article 432-12 du code pénal, ce délit est constitué par « le fait, par une personne […] investie d'un mandat électif public, de prendre, recevoir ou conserver, directement ou indirectement, un intérêt de nature à compromettre son impartialité, son indépendance ou son objectivité dans une entreprise ou dans une opération dont elle a, au moment de l'acte, en tout ou partie, la charge d'assurer la surveillance, l'administration, la liquidation ou le paiement ». La caractérisation de cette infraction suppose la réunion d'un élément matériel (un acte d'ingérence dans une entreprise ou une opération compromettant les exigences de neutralité qui s'imposent à l'action publique) et d'un élément intentionnel (l'élu doit avoir pris sciemment un intérêt dans une affaire soumise à son contrôle ou sa surveillance, cette intention n'impliquant cependant pas forcément que l'élu ait voulu retirer un avantage personnel de cette prise d'intérêt). Le juge pénal a ainsi jugé que la participation, même exclusive de tout vote, d'un conseiller d'une collectivité territoriale à un organe délibérant d'une association, lorsque la délibération porte sur une affaire dans laquelle il a un intérêt, vaut surveillance ou administration de l'opération au sens de l'article 432-12 du code pénal (Cour de cassation, chambre criminelle, 9 février 2011, req. n° 10-82988). Le délit de prise illégale d'intérêts peut être constitué lorsque l'élu participe aux seules étapes du processus de décision (Cour de cassation, chambre criminelle, 5 avril 2018, req. n° 17-81.912) ou à une réunion informelle (Cour de cassation, chambre criminelle, 20 janvier 2021, req. n° 19-86.702). Dès lors, et d'une manière générale, afin d'éviter tout risque administratif et pénal, il appartient aux élus intéressés à une affaire de s'abstenir d'intervenir dans les travaux préparatoires de la délibération et de prendre part au vote de celle-ci. La sortie de salle en tant que telle ne constitue pas une obligation fixée par la loi mais une possibilité permettant de prévenir toute suspicion de conflit d'intérêts.

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