Question de Mme JOSEPH Else (Ardennes - Les Républicains) publiée le 11/08/2022

Mme Else Joseph interroge M. le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire sur les conséquences de l'application de certaines dispositions prévues par la loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018 pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous dite loi « Egalim ». En effet, au regard des témoignages, elles peuvent poser de sérieux problèmes dans le domaine de la restauration scolaire et collective. Tout d'abord, l'obligation d'un menu végétarien ainsi que celle d'un approvisionnement fixé à 50 % en denrées alimentaires dites durables constituent de véritables difficultés. Elles se heurtent aux habitudes socioculturelles des habitants qui, par exemple, continuent à donner une importance à la consommation de viandes et ne sont pas toujours familiers de l'alimentation « bio ». L'application d'un repas végétarien hebdomadaire est une solution trop rigide et devrait davantage relever de l'incitation et de la démarche volontaire que de l'obligation. On a également constaté une augmentation des déchets avec la mise en place des menus végétariens ce qui a, malheureusement, entraîné une relance du gaspillage alimentaire. Les filières bios ne sont pas toujours suffisantes dans certaines parties du territoire français. En raison de cette offre limitée, l'approvisionnement va se faire auprès de grossistes qui recourent en fait à des produits importés. Cette situation est paradoxale, alors que l'on affirme en même temps vouloir relocaliser les approvisionnements. Comme on peut le constater, les produits bios ou durables coûtent plus cher et peuvent fragiliser les syndicats intercommunaux à vocation unique et à vocation multiple (SIVU et SIVOM) qui risquent de devoir augmenter les tarifs au détriment des familles et aussi des finances des collectivités locales. Elle lui demande ce qu'il envisage pour que des adaptations locales soient trouvées pour les dispositions de la loi « Egalim » qui constituent de véritables problèmes.

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Réponse du Ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire publiée le 26/10/2022

Réponse apportée en séance publique le 25/10/2022

Mme la présidente. La parole est à Mme Else Joseph, auteure de la question n° 110, adressée à M. le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire.

Mme Else Joseph. Je m'interroge sur les conséquences de l'application de certaines dispositions de la loi du 30 octobre 2018 pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, dite Égalim.

En effet, au regard des témoignages locaux, ces dispositions peuvent poser de sérieux problèmes dans le domaine de la restauration scolaire et collective.

Tout d'abord, les obligations d'un menu végétarien et d'un approvisionnement composé à 50 % au moins de denrées alimentaires dites durables soulèvent de véritables difficultés. Elles se heurtent aux habitudes socioculturelles des habitants qui, par exemple, continuent à donner une importance à la consommation de viande et ne sont pas toujours familiers de l'alimentation « bio ». Le repas végétarien hebdomadaire est une solution trop rigide : une telle mesure devrait plutôt relever de l'incitation et de la démarche volontaire que de l'obligation.

On a également observé, avec la mise en place des menus végétariens, une augmentation des déchets, ce qui a malheureusement entraîné une relance du gaspillage alimentaire. Les filières bio ne sont pas toujours suffisamment présentes dans certaines parties du territoire français ; c'est le cas dans mon département, les Ardennes. En raison de cette offre limitée, l'approvisionnement se fait auprès de grossistes qui recourent en général à des produits importés. Cette situation est paradoxale à l'heure où l'on affirme vouloir relocaliser les approvisionnements…

Comme on peut le constater, les produits bio ou durables coûtent plus cher, ce qui peut fragiliser les syndicats intercommunaux à vocation unique (Sivu) et les syndicats intercommunaux à vocation multiple (Sivom). Ces derniers risquent de devoir augmenter les tarifs au détriment des familles, mais aussi des finances des collectivités locales.

Monsieur le ministre, envisagez-vous d'autoriser des adaptations locales des dispositions de la loi Égalim là où leur application pose de réels problèmes financiers à nos collectivités ?

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Marc Fesneau, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire. Madame la sénatrice, je vous remercie de me poser cette question. Ainsi m'est donnée l'occasion de refaire un point général sur ces questions alimentaires, qui sont des questions importantes. Ayant moi-même été maire et président d'une communauté de communes, je vois bien à quel type de difficultés vous faites référence.

L'objectif, comme vous le savez, est d'améliorer la qualité des repas via un taux d'approvisionnement de 50 % de produits durables et de qualité, dont 20 % de produits biologiques.

Vous évoquez les difficultés que peuvent susciter les menus végétariens. Or la panoplie existant en matière de recettes végétariennes me semble suffisamment fournie pour éviter le gaspillage – je pense aux œufs et aux produits laitiers – et pour favoriser l'introduction dans les repas d'ingrédients que les jeunes enfants ont moins l'habitude de consommer, mais qu'ils ne laisseront pas sur le côté de l'assiette.

Vous dites quelque chose de très juste à propos du gaspillage alimentaire. Mais le problème de gaspillage auquel est confrontée la restauration scolaire est un problème global ; il faut que nous y travaillions. Les projets d'alimentation durable peuvent d'ailleurs être eux-mêmes l'occasion de lutter avec succès contre le gaspillage. J'ai visité un lycée agricole qui, ayant beaucoup travaillé sur ces questions, avait réussi d'un même mouvement à faire évoluer les menus vers des produits de qualité et à combattre le gaspillage.

Se posent par ailleurs des problèmes de logistique. Vous l'avez dit en évoquant l'aspect pratique : le défi est parfois de réussir à trouver des producteurs dans les circuits. C'est un peu « la poule et l'œuf », cette affaire, si vous me pardonnez l'expression. (Sourires.) Il est nécessaire que des filières d'alimentation durable se développent, mais il arrive que les choses tardent un peu, pour des tas de raisons bien légitimes, y compris, donc, de logistique.

De ce point de vue, il me semble que les projets alimentaires territoriaux peuvent constituer un outil pertinent là où il s'agit de mieux coordonner la demande, de permettre à l'intercommunalité, au Sivu, au Sivom ou à la commune exerçant la compétence de trouver une offre répondant à un certain cahier des charges, mais aussi de lever les difficultés de logistique dans les relations avec les agriculteurs. Je salue les nombreuses initiatives prises par les collectivités en ce sens.

J'ajoute que nous avons créé, notamment dans le cadre du plan France Relance, des mécanismes de soutien aux collectivités destinés à la mise à niveau des cantines. La restauration de proximité est aussi une question d'investissement, et nous allons tâcher, dans les années qui viennent, de poursuivre ce travail de mise en adéquation de l'offre et de la demande.

Mme la présidente. La parole est à Mme Else Joseph, pour la réplique.

Mme Else Joseph. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse. Des problèmes se posent dans nos territoires. Nous sommes tous d'accord sur cet objectif ambitieux, mais il faut que nous travaillions ensemble pour que les mentalités changent dans les collectivités.

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