Question de Mme NOËL Sylviane (Haute-Savoie - Les Républicains) publiée le 11/08/2022

Mme Sylviane Noël attire l'attention de Mme la ministre déléguée auprès du ministre de l'intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales sur l'absence d'une stratégie de financement de l'objectif zéro artificialisation inscrit dans la loi climat et résilience.

La loi 2021-114 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et le renforcement de la résilience face à ses effets a mis en place un objectif de diminution de moitié de l'artificialisation des sols d'ici 2030 en vue de parvenir à zéro terre artificialisée d'ici 2050.

Pourtant considéré par le Gouvernement comme l'une des causes principales du changement climatique et de l'érosion de la biodiversité, plus d'un an après l'adoption du texte, le rythme de l'artificialisation n'a toujours pas de cap économique.

Pour parvenir à cet objectif, la loi invite les collectivités territoriales à modifier les documents d'urbanisme que sont les plans locaux d'urbanisme (PLU), les schémas de cohérence territoriale (SCOT) et les schémas régionaux d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires (SRADDET). Or, ni la loi climat et résilience, ni la loi n° 2021-1900 du 30 décembre 2021 de finances pour 2022, ni les décrets d'application pris à la hâte par le Gouvernement, ne leur donnent les outils et les moyens d'y parvenir, alors même que leurs ressources ne sont absolument pas adaptées à l'atteinte de cet objectif.

En effet, la suppression de la taxe d'habitation ou encore les injonctions contradictoires de l'État visant d'un côté les communes à accroître leurs stocks de logements sociaux et de l'autre à réduire leur consommation de foncier, ne font que fragiliser leurs finances.

Comme trop souvent, l'État se borne à fixer des grands objectifs aux collectivités sans considérer les aspects pratiques et locaux.

Avec un financement des communes en grande partie basé sur le foncier et le développement urbain, l'application du « zéro artificialisation nette » (ZAN) va créer de vrais problèmes sur le terrain. C'est tout un modèle économique qui est ici remis en question et toute une politique fiscale qu'il faut revoir.

Si la lutte contre le changement climatique et l'atteinte aux paysages sont une priorité pour le Gouvernement, il est nécessaire que celui-ci mette en place un soutien aux collectivités et un financement sur le long terme pour permettre cet objectif.

Aussi, elle lui demande quel est le modèle économique du ZAN, par quels leviers économiques et fiscaux l'État compte-t-il répondre présent aux côtés des collectivités dans la mise en place de l'objectif fixé par la loi.

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Transmise au Ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires


Réponse du Ministère auprès du ministre de l'intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé des collectivités territoriales et de la ruralité publiée le 30/11/2022

Réponse apportée en séance publique le 29/11/2022

Mme la présidente. La parole est à Mme Sylviane Noël, auteure de la question n° 116, transmise à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Mme Sylviane Noël. Madame la ministre, alors que la conférence des SCOT (schémas de cohérence territoriale) a rendu sa copie voilà quelques semaines et que la révision des Sradett (schémas régionaux d'aménagement et de développement durable du territoire) s'amorce, le dispositif du zéro artificialisation nette (ZAN) est toujours dépourvu à ce jour de cap économique.

Ni la loi Climat et résilience, ni les textes budgétaires qui ont suivi, ni encore moins les décrets d'application pris à la hâte par le Gouvernement et faisant l'objet d'un grave contentieux ne donnent aux collectivités locales une vision claire sur les outils et les moyens d'y parvenir, alors même que l'impact pour les collectivités s'annonce majeur.

Leurs ressources et leurs modes de financement actuels ne sont absolument pas adaptés à l'atteinte de cet objectif. La définition d'un modèle économique s'avère ainsi d'une impérieuse et urgente nécessité.

En effet, la suppression de la taxe d'habitation ou encore les injonctions contradictoires de l'État incitant, d'un côté, les communes à accroître leur stock de logements sociaux et, d'un autre côté, à réduire leur consommation de foncier, ne font que fragiliser leurs finances. La pression foncière joue en défaveur des terres naturelles et agricoles et il est moins coûteux de construire des logements neufs éloignés des centres-villes que de reconstruire « la ville sur la ville ».

Comme trop souvent, l'État se borne à adresser de grandes injonctions aux collectivités, sans considérer les impacts pratiques et locaux.

Avec un financement des communes en grande partie artificialisant, puisque fondé sur le foncier et le développement urbain – rappelons que sur les 230 milliards d'euros collectés au titre de la fiscalité locale, les deux tiers reposent sur le foncier –, l'application du ZAN enrayera la dynamique économique des collectivités locales. C'est tout un modèle économique qui est ici remis en question et toute une politique fiscale qu'il faut revoir.

Après l'excellent rapport rendu par mon collègue Jean-Baptiste Blanc sur ce sujet, je souhaiterais donc savoir par quels leviers économiques et fiscaux l'État compte répondre présent aux côtés des collectivités dans la mise en œuvre de cet objectif.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l'intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Madame la sénatrice Sylviane Noël, chaque année, 20 000 hectares d'espaces agricoles, naturels et forestiers sont consommés en moyenne en France, soit près de cinq terrains de football par heure. Les conséquences sont écologiques, mais aussi socioéconomiques.

La France s'est donc fixé l'objectif d'atteindre le « zéro artificialisation nette » des sols en 2050, avec un objectif intermédiaire de réduction de moitié de la consommation d'espaces naturels, agricoles et forestiers dans les dix prochaines années, à l'horizon de 2030.

Pour accompagner les territoires engagés vers la sobriété foncière, plusieurs dispositifs d'aides ont été déployés : le fonds pour le recyclage des friches, les programmes Action cœur de villes et Petites Villes de demain, ainsi que les aides de la Banque des territoires.

Les établissements publics fonciers peuvent aussi acquérir le foncier, le remettre en état et le porter avant revente à une collectivité, en mobilisant les recettes de la taxe spéciale d'équipement (TSE).

Des aménagements des dispositifs fiscaux ont par ailleurs été mis en œuvre pour inciter à une plus grande sobriété foncière : abattement de plus-value immobilière pour les opérations de surélévation, ainsi que les opérations de recyclage urbain dans des secteurs de contrats entre l'État et les collectivités.

Mais il faut sans doute aller plus loin, notamment en s'appuyant sur les travaux du Parlement, en lien étroit avec les collectivités territoriales. Je l'ai indiqué en répondant à la question du sénateur Vaugrenard, le Gouvernement travaille pour mieux adapter la fiscalité locale aux exigences de sobriété foncière. La Première ministre a ainsi annoncé, en clôture du salon des maires du 24 novembre 2022, que le Gouvernement est prêt à travailler pour « mieux adapter la fiscalité locale aux exigences de sobriété foncière ».

Mme la présidente. La parole est à Mme Sylviane Noël, pour la réplique.

Mme Sylviane Noël. Je vous remercie, madame la ministre, de votre réponse. Celle-ci me semble toutefois incomplète.

Le financement du ZAN constitue le nerf de la guerre. Sans moyens pour réhabiliter le bâti, recycler les friches, assurer la renaturation et sans adaptation de la fiscalité, nous ne pourrons pas basculer vers un modèle du ZAN économiquement viable. Vous ne pourrez pas faire l'économie d'une réforme profonde de la fiscalité des collectivités au regard de cet objectif.

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