Question de M. DÉTRAIGNE Yves (Marne - UC) publiée le 04/08/2022

M. Yves Détraigne souhaite appeler l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire sur l'accord de libre-échange, conclu le 30 juin 2022, entre l'Union européenne et la Nouvelle-Zélande.
L'objectif dudit accord est de faciliter les échanges entre ces deux acteurs en permettant l'augmentation des quotas d'exportation de viande, soit 10 000 tonnes supplémentaires de viande bovine, 38 000 tonnes de viande ovine ainsi qu'à une augmentation des volumes pour l'agneau, le beurre et le fromage.
Pourtant les agriculteurs néo-zélandais ne soumettent pas leurs exportations aux mêmes normes environnementales et sanitaires que celles de l'Union européenne. En effet, ce pays utilise des herbicides et des insecticides tels que l'atrazine et le diflubenzuron, respectivement interdits en 2003 et 2021 sur le sol européen, ou encore les tourteaux de palmites dont la Nouvelle-Zélande est le premier importateur mondial afin de compléter l'alimentation de ses vaches laitières.
Considérant qu'il est nécessaire d'imposer une réciprocité des normes de production agricole dans la politique commerciale européenne, l'ouverture du marché européen à des viandes produites à des milliers de kilomètres sans conditionner leur importation au respect des « clauses miroir » est donc incompréhensible.
Cet accord va, de fait, porter préjudice aux agriculteurs européens, et notamment français, en les soumettant à une concurrence déloyale avec des prix plus bas. Il interroge aussi quant aux encouragements adressés généralement aux populations de privilégier l'achat de proximité et les circuits courts...
Par conséquent, il lui demande de quelle manière il entend s'opposer à cet accord et permettre ainsi d'encourager la souveraineté alimentaire et protéger les consommateurs en Europe et en France.

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Réponse du Ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire publiée le 06/10/2022

L'ouverture de marchés dans les pays tiers offre des débouchés supplémentaires aux filières et constitue un relais de croissance important. Le Gouvernement est donc favorable aux accords de libre-échange et au commerce, pour autant que les accords signés soient équilibrés et respectent les filières sensibles. Tout produit importé dans l'Union européenne (UE) doit être sûr, ne représenter aucun danger pour la santé des consommateurs et être conforme à la législation sanitaire et phytosanitaire (SPS) de l'UE. Cependant, pour répondre aux interrogations légitimes des agriculteurs et de la société civile, le Gouvernement est attaché à obtenir une meilleure application des normes liées aux procédés et aux modes de production afin de renforcer la protection de la santé ou de l'environnement à la plus grande échelle possible, dans le respect des règles de l'organisation mondiale du commerce (OMC). Le Gouvernement a ainsi fait de la thématique de la réciprocité des normes une priorité de la présidence française du Conseil de l'UE au premier semestre 2022. Un échange de vues a été organisé dans ce cadre en février 2022 au conseil agriculture et pêche, sur la nécessité de renforcer la cohérence entre le pacte vert, la politique agricole commune et la politique commerciale pour soutenir la transition vers des systèmes alimentaires durables. La publication, le 3 juin 2022, d'un rapport de la Commission européenne sur l'application des normes sanitaires et environnementales de l'UE aux produits agricoles et agroalimentaires importés représente une avancée notable car il confirme la possibilité d'agir aux niveaux multilatéral et bilatéral mais également au niveau unilatéral, sous certaines conditions, via l'adoption de mesures miroirs visant à appliquer les normes de production européennes aux produits importés. Le Gouvernement veillera à ce que les travaux de la Commission, du Conseil et du Parlement européens se poursuivent, notamment afin de mettre en place, à chaque fois que cela est nécessaire et pertinent, des mesures miroirs dans la législation sectorielle de l'UE. Ces mesures doivent notamment être légitimes, nécessaires, proportionnées et non discriminatoires pour être conformes aux règles de l'OMC. Elles s'appliquent à tous les flux commerciaux, y compris à ceux qui s'inscrivent dans le cadre d'un accord de commerce. L'accord avec la Nouvelle-Zélande présente une avancée inédite en matière de cohérence des politiques européennes en conditionnant l'accès au contingent bilatéral de viande bovine au respect de standards de durabilité, qui exclut les bovins élevés en parcs d'engraissement (feedlots). Cela n'aurait pas été possible sans la mobilisation constante du Gouvernement pour l'introduction de conditionnalités tarifaires relatives à des modes de production durables dans les accords commerciaux. En outre, l'accord protège les filières sensibles, en particulier bovine, ovine, laitière, contre des ouvertures trop importantes en prévoyant des contingents aux volumes limités, qui sont ouverts progressivement avec maintien des droits de douane pour la majorité d'entre eux. Par ailleurs, la Nouvelle-Zélande est un partenaire qui partage les ambitions européennes en matière de développement durable, permettant à l'accord d'être le plus ambitieux jamais négocié sur ce point : il intègre l'accord de Paris comme clause essentielle et comporte un chapitre nouveau sur les systèmes alimentaires durables permettant de coopérer davantage notamment en matière de réduction des pertes et gaspillages, de fertilisation ou de produits phytosanitaires. La Nouvelle-Zélande est consciente des enjeux de déforestation. Plus de 60 % de la forêt naturelle du pays est protégée et n'admet aucune exploitation. Les produits forestiers néozélandais proviennent essentiellement de forêts de plantation. Le futur règlement européen sur la lutte contre la déforestation s'appliquera à la Nouvelle-Zélande et devrait interdire bientôt la mise sur le marché européen de tourteaux de palmiste issus de la déforestation ou les importations indirectes de tourteaux de palmistes via celles de produits animaux couverts par le règlement, comme la viande de bœuf. Pour l'instant, les produits laitiers ne sont pas intégrés dans le règlement, mais le périmètre de ce dernier pourra être révisé deux ans après son entrée en vigueur, si cela est jugé nécessaire. Enfin, cet accord, comme tous les accords de commerce de l'UE, ne remet pas en cause le principe selon lequel tout produit qui entre dans l'UE doit être conforme à ses normes et standards. Ainsi, les limites maximales de résidus pour l'atrazine et le diflubenzuron (produits phytopharmaceutiques) ont été fixées dans l'UE au seuil de quantification. Le Gouvernement évaluera le projet d'accord avec la Nouvelle-Zélande de manière exhaustive en vue de sa présentation au Conseil. Il sera invité à se prononcer à la majorité qualifiée sur la décision de signature de l'accord, puis après approbation du Parlement européen, sur la décision de conclusion de l'accord en vue de son entrée en vigueur.

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