Question de M. MONTAUGÉ Franck (Gers - SER) publiée le 11/08/2022

M. Franck Montaugé appelle l'attention de Mme la ministre de la transition énergétique sur un enjeu décisif de notre politique énergétique et de l'avenir de notre entreprise publique EDF. Lors des débats parlementaires sur le projet de loi « pouvoir d'achat », il l'a interrogée, comme de nombreux parlementaires, sur la conformité au droit européen de l'augmentation du volume de l' « accès régulé à l'électricité nucléaire historique » (ARéNH). En effet, qu'il s'agisse du volume global maximal fixé par la loi ou par décret mettant en oeuvre, dès 2022, un volume supérieur à 100 TWh, ce mécanisme fragilise lourdement les finances d'EDF parce qu'il ne couvre pas les coûts réels de production. Son inefficacité a été mise en exergue par la Cour des comptes, la Commission européenne et de nombreux acteurs du secteur. Annoncée en janvier 2022, l'augmentation de 100 à 120 TWh a été prétendument mise en oeuvre par le décret n° 342-2022 du 11 mars 2022. « Prétendument », car ce décret a en réalité instauré un mécanisme d' « achat-revente » d'électricité qui a obligé EDF à vendre son électricité à 46,2 euros et à la racheter immédiatement à 257 euros. Ce qu'impose ce décret est très éloigné du mécanisme originel de l'ARéNH. Il revient dans les faits à opérer un transfert financier direct d'EDF d'un montant de 4,2 milliards d'euros vers ses concurrents, fournisseurs alternatifs, et vers les entreprises électro-intensives. Ainsi, à l'heure où la Commission européenne incite les États-membres à taxer les superprofits des grandes entreprises du secteur de l'énergie, le Gouvernement a décidé, au contraire, d'obliger EDF à verser de fait des subventions à des opérateurs qui font d'importants bénéfices avec la flambée des prix de l'énergie. Cette décision est d'autant plus problématique qu'elle semble bien avoir été prise en méconnaissance du droit européen. En effet, la décision de la Commission du 12 juin 2012 a encadré l'ARéNH, ce dernier ayant été introduit comme condition d'autorisation des régimes d'aides des tarifs réglementés de vente d'électricité (TRVE) « jaune » et « vert », depuis supprimés. Or, la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne est constante sur ce point : un État-membre ne peut modifier unilatéralement une condition d'autorisation de régimes d'aides, sous peine de remettre en cause leur compatibilité avec le marché commun. La Commission a rappelé spécifiquement ce point en 2019 sur le plafond de l'ARéNH fixé à 100 TWh en indiquant que la France ne pouvait l'augmenter sans obtenir préalablement son autorisation. Le ministre a lui-même confirmé à l'Assemblée nationale avoir obtenu l'accord formel de la Commission européenne dans le cadre d'une réponse à une députée en février 2022. Toutefois, aucune réponse de la Commission européenne n'a encore été publiée au Journal officiel de l'Union européenne. De plus, la Commission européenne elle-même a confirmé à un député européen qu'elle avait été simplement informée et non avoir officiellement reçue une notification de la part du Gouvernement, seule procédure pouvant amener à la décision d'autorisation requise. Il lui demande donc si le Gouvernement a obtenu l'autorisation formelle de la Commission européenne pour augmenter le plafond d'ARéNH au-delà du volume global maximal 100 TWh autorisé dans le cadre de la décision du 12 juin 2012. Il lui rappelle qu'en cas de défaut d'autorisation, la Commission pourrait enjoindre la France de récupérer ces milliards de subventions publiques, auprès des fournisseurs en ayant bénéficié indûment et des entreprises électro-intensives.

- page 4232


Réponse du Ministère de la transition énergétique publiée le 03/08/2023

L'ARENH contribue de manière essentielle à la protection de tous les consommateurs français vis-à-vis de la hausse des prix sur les marchés de gros de l'électricité, puisqu'il permet aux fournisseurs d'électricité de proposer des offres de fourniture dont les prix ne dépendent pas uniquement des fluctuations du marché de gros de l'électricité. L'ARENH ne bénéficie pas aux fournisseurs alternatifs. Il est répercuté aux clients, et c'est bien à eux, comme la loi le prévoit, et comme la Commission de régulation de l'énergie a pu le confirmer s'agissant des volumes d'ARENH exceptionnels attribués en 2022, que cet approvisionnement à prix réduit bénéficie. Les pouvoirs de la CRE sur le contrôle de l'Arenh ont d'ailleurs été renforcés en 2022. Face à l'envolée des prix des marchés de l'énergie, le Gouvernement avait exceptionnellement augmenté, pour l'année 2022, le volume maximum d'ARENH que les fournisseurs peuvent acquérir auprès d'EDF en le portant de 100 à 120 TWh. Le Conseil d'Etat (CE) a été saisi de plusieurs recours pour excès de pouvoir portant sur le décret n° 2022-342 du 11 mars 2022 définissant les modalités spécifiques d'attribution d'un volume additionnel d'électricité pouvant être alloué en 2022, à titre exceptionnel, dans le cadre de l'ARENH. Dans sa décision n° 462840 du 3 février 2023, le Conseil d'Etat a jugé que les dispositions attaquées ne créaient pas un nouveau dispositif et se contentaient d'augmenter, dans le cadre de l'ARENH, le volume global maximal d'électricité susceptible d'être cédé par EDF au titre de l'année 2022. Selon le Conseil d'Etat, ce rehaussement de 100 à 120 TWH du volume global maximal d'électricité répond aux objectifs de la loi de 2010, à savoir garantir le libre choix du fournisseur et la stabilité des prix. Il estime que le dispositif mis en place n'est pas excessif pour atteindre ces objectifs compte tenu du contexte exceptionnel. Il estime, en outre, que ces mesures ne portent pas d'atteinte disproportionnée à la liberté d'entreprendre d'EDF. En outre la Commission européenne a bien été informée du mécanisme mis en place en 2022, les autorités françaises l'ayant informée de leur intention de procéder à un rehaussement du plafond de l'ARENH et à la revalorisation de son prix de manière exceptionnelle dans le contexte de crise. La Commission n'avait, à ce titre, pas demandé une notification formelle au regard du contexte dans lequel cette évolution temporaire avait été mise en oeuvre.

- page 4807

Page mise à jour le