Question de Mme JASMIN Victoire (Guadeloupe - SER) publiée le 01/09/2022

Mme Victoire Jasmin souhaite interpeller Mme la ministre de la culture sur le taux de location des films commandés par les exploitants de salles cinématographiques en outre-mer.
Au sein des territoires ultramarins, ce taux correspond à 35 % en moyenne, calculé sur la base d'un pourcentage du chiffre d'affaires réalisé par le film. En hexagone, il représente 46 %.
Suite à la crise sanitaire et aux nombreux impacts qui en ont résulté dans le domaine culturel, les sociétés nationales détentrices des droits et distributrices des films ont annoncé leurs intentions d'augmenter le taux de location des films en outre-mer, afin qu'il atteigne 46 %, comme dans l'hexagone.
Cette action ô combien préjudiciable pour les petites salles de nos territoires fragiliserait un secteur qui peine déjà à retrouver une activité économique d'avant crise, et conduirait inexorablement à :
- une offre limitée des productions en salles,
- une augmentation du prix du billet de cinéma,
- une offre moins accessible au public
- la disparition des distributeurs locaux du cinéma,
- la fermeture de certaines salles de cinéma,
- des pertes d'emplois.
L'accès à la culture prôné comme une composante nécessaire de la vie des Français, pour garantir l'épanouissement et une ouverture au monde, semble une fois de plus menacée, dans les territoires ultramarins.
Elle souhaite connaitre les mesures envisagées par le Gouvernement, pour que le taux de location des films commandés par les exploitants soit fixé, encadré, et plafonné dans les Outre-mer, conformément aux recommandations du rapport TIROT (2018).

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Réponse du Ministère de la culture publiée le 06/10/2022

Le ministère de la culture est pleinement conscient des spécificités de l'exploitation et de la distribution cinématographique dans les territoires ultra-marins. Le Gouvernement a ainsi décidé de plafonner en 2019 le taux de la taxe sur les billets de cinéma applicable dans les départements d'Outre-mer, à 5 % au lieu de 10,72 % en métropole, tout en maintenant l'accès de plein droit des exploitants domiens aux dispositifs d'aide du centre national du cinéma et de l'image animée (CNC) financés par cette même taxe. De surcroît les mêmes exploitants ont pu bénéficier, de 2016 à 2021, d'un plan exceptionnel de modernisation de leurs salles, doté par le CNC d'un budget de près de 4,5 millions d'euros qui est venu s'ajouter aux dispositifs généraux de soutien à l'exploitation. S'agissant du sujet du « taux de location », il est éclairant de procéder au préalable à quelques rappels. Le distributeur d'un film est l'intermédiaire – en aval de la production et en amont de la diffusion en salles de cinéma – qui assume, en principe, trois missions : l'achat des droits d'exploitation du film auprès du producteur, la diffusion de ce film auprès des salles et, enfin, la promotion du film auprès du public lors de sa sortie (organisation d'événements tels que les avant-premières, relations avec la presse, bandes annonces et affiches, etc.). Le distributeur est rémunéré par l'exploitant de la salle sous la forme d'une participation proportionnelle à la recette brute d'exploitation hors taxes. Le pourcentage de cette participation – appelé couramment « taux de location » – est librement débattu entre les parties, à l'intérieur toutefois d'une fourchette fixée entre 25 % et 50 % par l'article L. 213-11 du code du cinéma et de l'image animée. Encore cette fourchette ne s'applique-t-elle qu'en métropole et dans les départements d'outre-mer, faute de compétence de l'État en la matière en Nouvelle-Calédonie. Au regard de ce schéma général, les départements d'outre-mer et la Nouvelle-Calédonie se caractérisent par une spécificité : l'existence d'un échelon intermédiaire, le « sous-distributeur », en charge de la promotion locale du film en lieu et place du distributeur. C'est ce sous-distributeur qui reçoit de l'exploitant une fraction de la recette brute calculée par application du taux de location. Après déduction des frais de promotion qu'il engage et du prélèvement de sa propre rémunération, le sous distributeur reverse une fraction de cette recette, environ la moitié, au distributeur. La majorité des circuits d'exploitation de ces territoires – mais en aucun cas la totalité – pratiquent un taux de location réduit par rapport à la métropole, où la moyenne avoisine les 50 %, puisqu'il peut s'établir jusqu'à 35 %. Enfin, il est essentiel de préciser que l'échelon de la sous-distribution est occupé, de fait, par les exploitants locaux eux-mêmes et plus particulièrement par trois entreprises qui réalisent 80 % des entrées en salles dans les départements d'outre-mer : le groupe Elizé (à travers sa filiale Filmdis) dans la zone Antilles-Guyane et le duopole Holding Ethève (filiale Mauréfilms) et ICC (filiale Drotkowski) à La Réunion. En d'autres termes, dans ces territoires, pour les circuits d'exploitation qui pratiquent le taux de location le plus réduit, la répartition de la recette peut représenter jusqu'à 85 % pour les exploitants (en incluant leur rôle de sous-distributeurs), tandis que les distributeurs perçoivent un pourcentage trois fois inférieur à celui de Métropole. L'opportunité d'un plafonnement législatif du taux de location dans les départements d'outre mer et en Nouvelle-Calédonie ne semble pas, à ce stade, présenter toutes les garanties pour préserver l'accès du public de ces territoires à une offre de films diversifiée. En effet, en premier lieu, aucune augmentation du taux de location n'a pour l'instant été effectivement constatée à l'égard de quelque circuit d'exploitation que ce soit. En deuxième lieu, imposer une contrainte législative à la négociation du taux de location entre exploitants et distributeurs n'est pas sans présenter, si elle est mal calibrée, un risque d'éviction de certaines œuvres des territoires concernés : faute de modèle économique les distributeurs cesseraient d'y sortir leurs films, au détriment du public ultra-marin. Enfin, et en tout état de cause, la mesure législative envisagée n'est pas possible en Nouvelle-Calédonie pour les raisons constitutionnelles rappelées plus haut. Une telle décision, que n'appelle aucune urgence, devrait, à tout le moins, faire l'objet d'une concertation préalable approfondie avec toutes les parties prenantes : circuits d'exploitation locaux dans leur ensemble, distributeurs, collectivités territoriales. C'est pourquoi il a été demandé au CNC, à toutes fins utiles, de poursuivre le dialogue entamé depuis plusieurs mois avec tous les exploitants domiens et les distributeurs afin de contribuer, aux côtés de la médiatrice du cinéma, à un apaisement des négociations commerciales entre ces différents acteurs dans l'intérêt du public ultra-marin qui est de voir se maintenir, ou mieux encore se développer, la diversité de l'offre de films dans ces territoires.

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