Question de Mme HERZOG Christine (Moselle - UC-R) publiée le 08/09/2022

Mme Christine Herzog interroge M. le garde des sceaux, ministre de la justice sur les conséquences de la réponse n° 24046 relative à la loi interpellative. La réponse du ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales consiste à valider un fait inéquitable qui revient à traiter différemment deux catégories de locataires pour les mêmes faits et à invalider l'égalité de traitement. Ainsi le principe est-il violé lorsqu'un traitement différent est réservé à des situations identiques, en l'occurrence le principe d'option, réservé aux seuls locataires qui ont vu leur immeuble racheté après la promulgation de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (dite loi Elan), article 88 relatif à l'application de l'article L. 353-7 du code de la construction et de l'habitation (CCH). Les premiers locataires dont les immeubles sont rachetés avant 2018 sont privés de l'application de cet article L. 353-7, qui reflète leur situation au moment du rachat d'un immeuble. Cela leur permettait d'obtenir une juste indemnisation à leur perte de droit de préemption. Les seconds locataires, pour les mêmes faits, y ont accès sans que l'article concerné soit nouveau. Ils profitent d'une option qu'on refuse aux premiers pour un même article hormis un délai qui passe de 6 à 3 ans. Le ministre a tenu à préciser que les locataires d'après 2018 bénéficiaient du choix de l'option, soit rester dans les lieux pendant 3 ans selon leur bail initial, soit accepter un nouveau bail d' habitation à loyer modéré (HLM), mais pas les premiers. Elle lui demande si cette discrimination (la discrimination est une attitude de différenciation objectivement injustifiée, consistant à refuser à certaines personnes les droits ou avantages qui sont reconnues aux autres, ce qui est contraire au principe d'égalité) hautement préjudiciable financièrement aux premiers, car les bailleurs leur ont infligé des surloyers et loyers à des montants constituant entre 30 et 50 % de la valeur de leur logement pendant de nombreuses années, est constitutionnelle ou s'il s'agit d'éviter des remboursements préjudiciables aux finances des bailleurs HLM.

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Réponse du Ministère de la justice publiée le 16/03/2023

Le conventionnement à l'aide personnalisée au logement (APL) d'un logement donné à bail a pour conséquence de soumettre celui-ci au corpus législatif applicable aux logements des bailleurs HLM ayant signé avec l'Etat cette convention. Cette bascule sous un régime spécial concerne également les logements acquis par les organismes HLM, qui relevaient auparavant du parc privé et pouvaient être occupés par des titulaires de baux d'habitation soumis à la loi du 6 juillet 1989. Or en matière contractuelle et en l'absence de disposition transitoire, le principe est celui de l'application de la loi sous l'empire de laquelle le contrat a été conclu. Dès lors, les effets d'un contrat conclu antérieurement à la loi nouvelle demeurent régis par la loi ancienne même si leur exécution se poursuit postérieurement à cette loi. Ainsi, la loi nouvelle, qui ne dispose que pour l'avenir en application de l'article 2 du code civil, ne peut modifier les effets légaux d'une situation juridique définitivement réalisée lors de son entrée en vigueur. Au cas présent, la prise d'effet du conventionnement APL constitue le fait générateur du nouveau régime applicable. L'article 88 de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique dite « loi ELAN » a modifié les dispositions de l'article L. 353-16 du code de la construction et de l'habitation (CCH) portant notamment sur la fixation d'un nouveau loyer et celles de l'article L. 441-3 du même code relatif au supplément de loyer de solidarité (SLS). Les modifications apportées ont consisté à exclure du champ d'application du régime spécial découlant du conventionnement les locataires qui n'acceptent pas de signer un nouveau bail conforme à la convention. Ces locataires, dont le contrat de bail se poursuit donc, ne peuvent plus se voir appliquer une modification du montant de leur loyer ou encore le SLS. La loi ELAN ne pouvant remettre en cause les situations juridiques définitivement réalisées avant son entrée en vigueur, cette exclusion ne vaut que pour les conventionnements postérieurs à son entrée en vigueur. Le régime antérieur demeure applicables aux baux d'habitation de biens placés sous conventionnement avant l'entrée en vigueur de la loi ELAN. Sous réserve de l'appréciation souveraine des juridictions, l'absence de rétroactivité apparaît donc conforme aux principes d'application de la loi dans le temps. En complément, il convient de se référer également à la réponse ministérielle (publiée au JO Sénat du 29/12/2022 p.6823) apportée à la question écrite n° 02473 (publiée au JO Sénat du 01/09/2022 p.4292), posée en des termes identiques à Madame la ministre déléguée auprès du ministre de l'intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales.

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