Question de Mme PLUCHET Kristina (Eure - Les Républicains) publiée le 22/09/2022

Mme Kristina Pluchet attire l'attention de M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires sur la nécessité de réexaminer l'exigence de retraitement des boues d'épandage que la crise sanitaire a imposé aux communes depuis 2020, en raison de leurs conséquences financières et techniques difficilement soutenables.
En effet, la crise sanitaire et les risques de propagation du SRAS-Cov-2 ont imposé une hygiénisation des boues d'épandage par diverses techniques détaillées et réglementées par l'arrêté interministériel du 30 avril 2020 précisant les modalités d'épandage des boues issues du traitement des eaux usées urbaines pendant la période de covid-19, pris après avis de l'agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES). Cette réglementation prise dans l'urgence et par précaution imposait des techniques de traitement lourdes et coûteuses pour le budget des communes. Cet arrêté a été modifié le 20 avril 2021, également après avis de l'ANSES, et a étendu les techniques admises et efficaces préalablement à l'épandage. Parallèlement avait été mis en place, dans le cadre du plan de relance avec les agences de l'eau, un dispositif d'aides exceptionnelles pour les communes jusqu'au 31 décembre 2021 seulement, qui permettait de subventionner à hauteur de 80 % le surcoût imposé par l'hygiénisation des boues.
Dans le même temps, alors même que le suivi de l'épidémie s'affinait par la détection de la présence du virus dans les eaux usées, son caractère infectieux dans ces boues urbaines n'était toujours pas mis en évidence.
Dès lors, comment justifier le maintien des restrictions d'épandage comme au premier jour de l'épidémie, alors que la vie normale de nos concitoyens a repris, avec la fin de l'état d'exception au 1er août dernier ?
Le surcoût occasionné par l'exigence de traitement se trouve par ailleurs actuellement renchéri par la hausse des coûts de l'énergie, l'hygiénisation impliquant de nombreuses opérations très énergivores (transport, chaulage, incinération). Cela grève d'autant le budget des collectivités et même celui de l'eau.
En effet les restrictions à l'épandage emportent également des conséquences préjudiciables pour le bon état des masses d'eau en particulier dans les stations de type lagunage, type fortement représenté dans l'Eure, en raison du recours accru aux filières alternatives au mode de traitement habituel de ces stations, difficile à mettre en œuvre.
Compte tenu de ces perspectives financières et techniques préoccupantes, elle lui demande donc de réexaminer la pertinence des exigences réglementaires en vigueur et d'étudier le recours à d'autres solutions, plus adaptées aux besoins et aux moyens des territoires ruraux, ainsi qu'au service de l'économie circulaire, permettant à minima de limiter l'exposition aux aérosols lors des épandages.

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Réponse du Ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires publiée le 08/12/2022

Les boues urbaines ont vu leurs conditions d'épandage modifiées suite à l'épidémie de COVID-19 (traitement complémentaire ou hygiénisation au sens de l'arrêté ministériel du 8 janvier 1998). Compte-tenu de l'évolution favorable de l'épidémie, du manque d'études prouvant le risque infectieux du virus ou des traces de virus présents dans les boues et les eaux usées et de l'impact financier de ces mesures sur le budget assainissement des collectivités, le ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires a entrepris plusieurs actions. En premier lieu, une étude de parangonnage a été réalisée auprès de 7 pays européens. Cette étude a notamment mis en évidence qu'aucun des pays consultés ne semble avoir pris de mesures spécifiques du fait de l'épidémie. En effet, certains États ont estimé que les traitements requis avant épandage (notamment hygiénisation) et en vigueur avant le début de la pandémie permettent de prévenir du risque de propagation du virus. Cette information conforte les mesures prises au niveau national qui tendent à s'aligner sur celles appliquées dans ces États en situation courante. Par ailleurs, certains États ont estimé qu'aucune preuve scientifique ne documentait clairement que le COVID-19 se transmettait par la voie fécale-orale et donc via les boues (seules des traces de matériel génétique apparaissent dans l'eau mais celles-ci ne présentent pas de capacité infectieuse). Cette approche n'apparaît pas applicable en France, au regard du principe de précaution inscrit dans la charte de l'environnement annexée à la Constitution française. En parallèle, le ministère a lancé un état des lieux concernant la mise en œuvre des mesures réglementaires et des éventuelles difficultés soulevées. Il ressort des premiers retours que l'essentiel des dysfonctionnements constatés au niveau des stations préexistaient à l'épidémie de COVID-19 et n'ont donc pas de lien direct avec cette dernière. Au niveau des stations, le stockage des boues, préalablement à leur traitement ou leur épandage, semble la principale difficulté à laquelle les collectivités doivent faire face. L'envoi des boues vers des plateformes de compostage ou d'autres stations de traitement des eaux usées pour y être traitées ressortent comme les deux voies les plus privilégiées. Les stations d'épuration par lagunage et filtres plantés de roseaux sont particulièrement impactées. Pour le moment, les collectivités concernées ont majoritairement décidé de reporter l'extraction des boues issues de ces installations. Sur la base de ces éléments, le ministère a sollicité l'avis du Haut Conseil de la Santé Publique (HCSP) sur l'opportunité de lever ou assouplir les restrictions actuellement en vigueur concernant l'épandage des boues et, le cas échéant, les conditions de mise en œuvre de ces mesures. Dans son projet d'avis qui sera rendu public d'ici la fin de l'année, le HCSP recommande de ne pas maintenir les mesures restrictives d'épandage des boues liées à l'épidémie de COVID-19, actuellement en vigueur. Ces éléments devraient donc permettre aux ministères chargés de l'environnement, de la santé et de l'agriculture d'abroger l'arrêté du 30 avril 2020 modifié qui précise les modalités d'épandage de boues pendant la crise de COVID-19. Les consultations nécessaires à la publication du texte d'abrogation seront lancées dès que cet avis sera officiellement publié. L'aide exceptionnelle versée par les agences de l'eau ayant pour but d'accompagner les collectivités pour les dépenses liées à l'hygiénisation ou au traitement préalable des boues avant épandage en période d'épidémie de Covid-19 a été renouvelée en partie sur les bassins en 2022, selon les priorités définies par leurs instances de gouvernance. Ainsi, seule l'agence de l'eau Adour-Garonne a intégralement prolongé ce dispositif d'aides exceptionnelles. Les agences de l'eau Rhone Mediterranée Corse, Loire Bretagne et Rhin-Meuse ont décidé de poursuivre le financement des investissements relatifs à l'hygiénisation des boues (dispositifs de déshydratation, y compris achat d'unités mobiles pour Rhone Mediterranée Corse, d'hygiénisation et de stockage des boues). Les agences de l'Eau Seine Normandie et Artois Picardie ont elles cessé les aides exceptionnelles liées au COVID-19.

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