Question de M. MASSON Jean Louis (Moselle - NI) publiée le 29/09/2022

M. Jean Louis Masson attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur et des outre-mer sur le cas d'un maire qui a divorcé et qui après le divorce embauche son ex-épouse en tant qu'employée de la mairie afin de ne pas être obligé de lui payer une pension alimentaire. Il lui demande si cette embauche est susceptible de caractériser une situation de prise illégale d'intérêt.

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Réponse du Ministère de l'intérieur et des outre-mer publiée le 02/02/2023

Les conditions de recrutement au sein de la fonction publique territoriale sont en premier lieu régies par le principe constitutionnel d'égal accès aux emplois publics et par les dispositions du code général de la fonction publique (CGFP). Au-delà du respect des règles s'imposant au recrutement d'agents publics, le fait pour un maire d'embaucher l'un de ses proches en qualité d'agent de la commune n'est pas exempt de risque pénal, et en particulier de la qualification de prise illégale d'intérêts, d'autant plus si l'élu en tire un avantage personnel. Aux termes de l'article 432-12 du code pénal, ce délit est défini comme « Le fait, par une personne dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une mission de service public ou par une personne investie d'un mandat électif public, de prendre, recevoir ou conserver, directement ou indirectement, un intérêt de nature à compromettre son impartialité, son indépendance ou son objectivité dans une entreprise ou dans une opération dont elle a, au moment de l'acte, en tout ou partie, la charge d'assurer la surveillance, l'administration, la liquidation ou le paiement ». Si la qualification pénale de prise illégale d'intérêts relève, au cas par cas, de la seule appréciation du juge, ce délit peut être caractérisé en cas de liens patrimoniaux (gains, avantages personnels) mais aussi de liens moraux, tels que des liens familiaux ou d'affection (Cass., Crim., 5 avril 2018, n° 17-81.912). Il peut être constitué même si l'auteur de l'infraction n'en tire aucun profit personnel ou qu'aucun préjudice n'en résulte pour la collectivité (Cass. Crim., 22 octobre 2008, n° 08-82.068). Pour apprécier la prise illégale d'intérêts dans le cas d'un recrutement, le juge prend notamment en considération le respect de la procédure de recrutement (publicité de la vacance de poste, délai raisonnable préalable au recrutement), l'adéquation entre la formation et l'expérience professionnelle de l'agent et l'emploi à pourvoir et la part prise par l'élu dans le processus de recrutement (Cass., Crim., 5 décembre 2012, n° 12 80.032 ; CAA de Lyon, 11 février 2021, n° 19LY00472). Toutefois, dans le cas de recrutements par un maire de membres de sa famille, le juge judiciaire a notamment considéré que le respect des règles de recrutement instaurées par la loi était sans incidence sur la caractérisation du délit de prise illégale d'intérêt dès lors qu'il était intervenu à tous les stades de la procédure ayant abouti au recrutement, et ce quelles que soient les compétences professionnelles de l'intéressé (Cass., criminelle, 4 mars 2020, n° 19-83.390 ; 26 novembre 2019, n° 18-87.046).

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