Question de M. KANNER Patrick (Nord - SER) publiée le 13/10/2022

Question posée en séance publique le 12/10/2022

M. le président. La parole est à M. Patrick Kanner, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Patrick Kanner. Madame la Première ministre, nous nous sommes rencontrés pour la première fois, sur votre demande, le 27 juillet dernier. Je vous avais alors fait part de ma grande préoccupation quant à la situation sociale de la rentrée de septembre et vous avais proposé une revalorisation significative du Smic ainsi que l'organisation d'une grande conférence salariale, afin d'anticiper les difficultés financières prévisibles pour l'immense majorité de nos concitoyens. Vous m'aviez répondu que tel ne serait pas votre choix et que vous privilégieriez la solution des accords de branche.

Aujourd'hui, le désordre s'installe, la colère gronde et les premières victimes de cette situation sont les salariés obligés d'utiliser leur voiture. La crise des carburants que traverse notre pays constitue le premier étage d'une crise sociale généralisée installée sur son pas de tir. Les inégalités se creusent et ce n'est qu'un début…

Faire preuve d'autoritarisme en réquisitionnant les salariés sans responsabiliser les employeurs ne permettra pas de revenir à la paix sociale à laquelle nous aspirons tous. Aucune prime, même dite « Macron », limitée dans le temps et dans l'espace, ne remplacera une revalorisation durable des salaires.

Vous n'anticipez plus. Vous ne faites plus que corriger, et mal, au moyen de rustines extrêmement coûteuses pour la solidarité nationale, que vous convoquez pour mieux exonérer les plus aisés de nos concitoyens.

Les pompes à essence s'assèchent, le pouvoir d'achat est siphonné par l'inflation, mais les dividendes, eux, continuent de ruisseler.

Madame la Première ministre, cette situation est absurde : certaines entreprises peuvent tripler leurs bénéfices en profitant de la crise actuelle, sans pour autant augmenter leurs salariés, sans contribuer à l'effort national.

Ma question est donc simple : face à cette aberration, allez-vous choisir le camp de la résignation ou celui du combat pour la justice sociale ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur des travées du groupe CRCE.)


Réponse du Première ministre publiée le 13/10/2022

Réponse apportée en séance publique le 12/10/2022

M. le président. La parole est à Mme la Première ministre.

Mme Élisabeth Borne, Première ministre. Je vous remercie, monsieur le président Kanner, de vos propos parfaitement équilibrés et modérés… (Sourires sur quelques travées.)

En ce qui concerne les profits exceptionnels, j'ai le plaisir de vous indiquer que, dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances pour 2023, vous aurez à vous prononcer sur une disposition permettant de taxer les profits exceptionnels, notamment ceux des compagnies pétrolières. (Ah ! sur les travées du groupe SER et applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées des groupes RDSE et UC. – Mme Monique de Marco applaudit également.) Aussi aurez-vous à cœur, je n'en doute pas, de voter pour cette disposition.

Par ailleurs, je vous précise que, moi aussi, j'échange régulièrement avec des salariés ou des fonctionnaires, avec les Français qui travaillent, de même qu'avec les organisations syndicales et des chefs d'entreprise. Or tous me disent la même chose : les Français veulent vivre de leur travail. Cette conviction, c'est aussi la mienne et c'est celle de mon gouvernement ; le travail, c'est la dignité, c'est l'émancipation.

M. Patrice Joly. Et les salaires ?

Mme Élisabeth Borne, Première ministre. Et c'est bien pour protéger le pouvoir d'achat des Français que nous avons pris des mesures fortes. Je pense notamment au bouclier tarifaire, mesure la plus protectrice d'Europe.

En outre, depuis plus de cinq ans, nous agissons pour que le travail paye toujours mieux. Je pense notamment à la suppression de certaines cotisations sociales ou à l'augmentation de la prime d'activité.

Plusieurs sénateurs du groupe SER. Et les salaires ?

Mme Élisabeth Borne, Première ministre. J'y viens, messieurs les sénateurs.

De plus, nous avons pris, l'été dernier, des mesures supplémentaires, en revalorisant la prime d'activité, en créant la prime de partage de la valeur et en facilitant le déblocage de l'épargne salariale. Au travers de ces dispositifs, entreprises et salariés avancent ensemble et ces derniers bénéficient des richesses qu'ils contribuent à créer.

Vous me parlez de salaire, monsieur le président Kanner. Or, je vous le rappelle, nous avons, en France, à l'échelon interprofessionnel, le dispositif de salaire minimal le plus protecteur et, à la suite des hausses automatiques, le Smic a été revalorisé, en un an, de 8 %, avec une inflation de 6 % ; or, sauf erreur de ma part, 8 %, c'est plus que 6 %. (Applaudissements sur des travées des groupes RDPI et UC.)

M. David Assouline. En Espagne, c'est 20 % !

M. François Patriat. Le salaire minimal y est beaucoup plus faible !

Mme Élisabeth Borne, Première ministre. Naturellement, cette revalorisation automatique du Smic doit conduire les branches professionnelles à revoir leur grille salariale. Depuis le début de l'année, plus de 500 accords de branche sur les salaires ont ainsi été signés, alors qu'il n'y en avait eu que 418 sur toute l'année 2019.

Par ailleurs, le Parlement a adopté l'été dernier, je le rappelle également, une disposition accélérant les négociations dans les branches dont les minima sont inférieurs au Smic.

Ainsi, la dynamique est là. Elle doit sans doute se prolonger, car, je suis d'accord, toutes les entreprises qui le peuvent doivent augmenter les salaires, a fortiori dans la période d'inflation que nous connaissons.

Néanmoins, vous le savez, monsieur Kanner, c'est du dialogue social que viendra la réponse. Pour ma part, j'y crois profondément, mais cela exige de se mettre autour d'une table, de respecter les accords majoritaires et de chercher des compromis, cela ne consiste pas à bloquer le pays.

Donc, oui, mon gouvernement croit au dialogue social, il prend ses responsabilités pour que celui-ci puisse exister et pour que ses résultats soient respectés. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, INDEP, du RDSE et sur des travées du groupe UC.)

M. le président. La parole est à M. Patrick Kanner, pour la réplique.

M. Patrick Kanner. D'abord, madame la Première ministre, vous le savez très bien, pour les ménages les plus modestes, l'inflation n'est pas de 6 %, elle est de 13 % ou 14 %, eu égard à la composition de leur panier moyen.

Ensuite, vous me parlez de dialogue social, mais comment voulez-vous faire comprendre à des salariés de TotalEnergies qui demandent une revalorisation de 10 % – 7 % pour tenir compte de l'inflation et 3 % pour tenir compte des profits de l'entreprise – que leur patron, M. Pouyanné, a augmenté de 52 % son salaire en 2021 afin d'atteindre 500 000 euros par mois ? (Mmes Laurence Cohen et Cathy Apourceau-Poly, ainsi que MM. Vincent Éblé et Victorin Lurel, applaudissent.) Voilà ce qui est injuste et que vous ne combattez pas ! Vous êtes faible avec les forts et forte avec les faibles ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.)

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