Question de Mme DARCOS Laure (Essonne - Les Républicains) publiée le 20/10/2022

Question posée en séance publique le 19/10/2022

M. le président. La parole est à Mme Laure Darcos, pour le groupe Les Républicains.

Mme Laure Darcos. Ma question s'adresse à monsieur le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse.

Monsieur le ministre, la République a toujours besoin de savants, elle doit donc commencer par favoriser les pépinières scientifiques.

La réforme du lycée a été bâclée, avec pour seul objectif une économie de moyens. Deux ans plus tard, le bilan que nous pouvons en dresser est bien inquiétant. Oui, l'heure est grave, monsieur le ministre, c'est toute une filière qui est en train de couler. Nous ne formons plus assez de scientifiques, alors même que la France a fait le choix de réinvestir massivement dans la recherche publique et dans l'innovation.

En deux ans, entre 2019 et 2021, le nombre d'élèves scientifiques en terminale a diminué de 24 % ; les élèves bénéficiant d'un enseignement renforcé en mathématiques sont de moins en moins nombreux ; la part des jeunes filles dans l'ensemble des parcours scientifiques est également en chute libre. Ainsi, vingt ans d'efforts pour les amener à s'engager dans des formations exigeantes, autrefois largement réservées aux garçons, ont été balayés d'un trait de plume.

Les mathématiques, la physique, la chimie, le numérique, les sciences informatiques, les sciences de l'ingénieur ont tous disparu du tronc commun et sont aujourd'hui relégués au rang d'enseignement de spécialité ou d'enseignement optionnel en première et en terminale.

Les mesures annoncées à la hâte à la fin de l'année scolaire 2021-2022 ne sont qu'un écran de fumée. On ne saurait former un ingénieur en ajoutant une heure trente de mathématiques dans le tronc commun en première et trois heures d'option « mathématiques complémentaires » pour tous en terminale.

C'est toute la structure du cycle terminal qu'il faut revoir sans délai, pour répondre à l'exigence scientifique des formations du supérieur et produire les compétences dont dépend notre économie.

Ma question est simple, monsieur le ministre, et dictée par l'urgence : allez-vous suspendre cette réforme et réunir toutes les parties prenantes afin de réfléchir à la mise en œuvre de solutions efficaces et durables pour renverser ce déclin dès la rentrée 2023 ?

À défaut, il est à craindre que notre compatriote Hugo Duminil-Copin, qui a reçu en juillet dernier la médaille Fields pour ses travaux en physique statistique et qui travaille à Bures-sur-Yvette, dans mon département, ne soit le dernier Français à recevoir cette prestigieuse récompense. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées des groupes SER et CRCE.)


Réponse du Ministère de l'éducation nationale et de la jeunesse publiée le 20/10/2022

Réponse apportée en séance publique le 19/10/2022

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse.

M. Pap Ndiaye, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse. Madame la sénatrice Laure Darcos, je vous remercie de cette question qui m'offre l'occasion de souligner deux points.

Le premier commence par un paradoxe : l'école française de mathématiques compte parmi les meilleures au monde, c'est un sujet de fierté pour notre pays : treize médailles Fields, des prix Nobel scientifiques, cette année encore.

D'un autre côté, le niveau moyen en mathématiques y est médiocre dans la population générale ainsi que dans la population scolaire, comme le démontrent les évaluations nationales, mais aussi les classements internationaux, dans lesquels la place en mathématiques de la France et de sa population scolaire n'est pas reluisante.

Face à cela, nous avons d'abord rapidement réintroduit une heure et demie de mathématiques dans le tronc commun pour les élèves de première, en réponse à une demande insistante des sociétés de mathématiques. Nous allons poursuivre cet effort l'année prochaine.

M. Max Brisson. Cela ne suffit pas !

M. Pap Ndiaye, ministre. Pour autant, je le reconnais, cela ne suffit pas. Nous devons porter un regard global sur l'enseignement des mathématiques. La solution ne dépend pas du volume d'heures,…

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Tout de même un peu !

M. Pap Ndiaye, ministre. … car la France se situe plutôt dans le haut du panier en la matière, cependant les résultats ne correspondent pas à ce niveau. Le sujet est donc la pédagogie de l'enseignement des mathématiques, comme le rapport de Charles Torossian et Cédric Villani l'a très clairement relevé. (Exclamations sur les travées du groupe CRCE.)

M. Max Brisson. Pas seulement !

M. Pap Ndiaye, ministre. Le second point que vous abordez concerne la baisse du nombre de filles dans ces enseignements, qui atteint 28 % entre 2019 et 2021. Je sais que Mme la Première ministre est très motivée par cette question et je vous annonce que, pour réfléchir et prendre des mesures fortes qui s'imposent en la matière, nous tiendrons cet automne des Assises nationales… (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Stéphane Piednoir. On est sauvés !

M. Pap Ndiaye, ministre. … sur la place des femmes dans l'enseignement et dans le monde scientifique.

M. Stéphane Piednoir. Sur tirage au sort ?

M. Pap Ndiaye, ministre. Mes collègues la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche et la ministre déléguée chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l'égalité des chances y participeront.

Je vous l'accorde, c'est désormais une priorité pour nous et nous devrons en tenir compte dans les retouches de la réforme du lycée que nous opérerons. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

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