Question de M. MOGA Jean-Pierre (Lot-et-Garonne - UC) publiée le 06/10/2022

M. Jean-Pierre Moga attire l'attention de M. le ministre de la santé et de la prévention concernant l'aggravation de l'état des soignants.

Le personnel soignant français, notamment hospitalier, ne se porte pas bien. Un vaste sondage Odoxa pour la mutuelle nationale des hospitaliers et le Figaro santé permet de mettre des chiffres sur ce ressenti, et ceux-ci sont éloquents... En effet, les difficultés rapportées par les médecins, infirmières et aides-soignants ont empiré depuis la précédente étude de ce type il y a quatre ans.

La part des professionnels hospitaliers satisfaits de leur travail a ainsi reculé de 10 points depuis 2018. Travailler de nuit, faire des horaires importants certains jours ou semaines ou des heures supplémentaires sont des contraintes qui pèsent davantage sur leur quotidien que les autres actifs (différence de 12,5 points). Ils sont aussi plus nombreux à considérer que leur travail est fatiguant pour leur âge (26 points de plus que les autres actifs). Quant à l'équilibre vie privée - vie professionnelle, il est insuffisamment respecté pour près de la moitié d'entre eux (46 %), deux fois plus que les autres actifs (23 %).

Soigner est une vocation, comportant une part d'idéal, mais la réalité actuelle est souvent brutale et décevante. Les médecins n'ont en effet pas les moyens qu'ils souhaiteraient pour répondre aux besoins des patients et sentent l'insatisfaction de ces derniers, ce qui les atteint. Découragement et fatigue conduisent à davantage d'absentéisme et à des démissions qui augmentent la charge de travail de ceux qui restent, renforçant un cercle vicieux. Sans oublier l'absence de perspectives financières et démographiques... rendant de fait difficile la vie d'un service.

Épuisement professionnel, perte de sens du métier... les soignants ont tout donné pendant la crise sanitaire de la covid-19, malgré les difficultés et le manque de matériel.

Il lui demande les actions concrètes relatives au travail des soignants qu'il compte mettre en œuvre rapidement (charge, conditions, durée..), également sur les effectifs dans leur emploi, en associant davantage les paramédicaux et les médecins à la gouvernance des hôpitaux, à l'exemple de l'hôpital de Valenciennes, mais aussi sur la revalorisation de leur salaire et des heures supplémentaires / astreintes afin de remédier aux conséquences d'un désenchantement de la part de la profession dévouée à la santé de tous.

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Réponse du Ministère de la santé et de la prévention publiée le 09/02/2023

Tout d'abord, s'agissant des personnels médicaux, en application de la loi relative à l'organisation et à la transformation du système de santé (OTSS) du 24 juillet 2019, deux grandes réformes statutaires ont été menées : la fusion des statuts de praticien hospitalier à temps plein et de praticien des hôpitaux à temps partiel en un statut unique de praticien hospitalier et la substitution du statut de praticien contractuel aux statuts de praticien attaché, de clinicien et de praticien contractuel. Ces réformes traduisent la volonté de mieux reconnaître la spécificité des carrières hospitalières et de moderniser le cadre d'exercice des praticiens, notamment en facilitant les exercices mixtes de praticiens. De surcroît, de nombreuses mesures de revalorisation salariale et indemnitaire ont été mises en œuvre ces derniers mois. En effet, la mise en œuvre des accords du Ségur de la santé a permis notamment de modifier la grille des émoluments des praticiens hospitaliers afin d'accélérer les carrières des jeunes praticiens et d'offrir des perspectives de carrière à ceux déjà présents dans le corps, et de revaloriser l'indemnité d'engagement de service public exclusif. S'agissant des praticiens contractuels, ils ont pu bénéficier d'une revalorisation de leurs contrats à l'occasion de l'entrée en vigueur du nouveau statut de praticien contractuel. Par ailleurs, pour valoriser l'implication des personnels médicaux dans les responsabilités managériales, des indemnités de fonctions pour les présidents de commission médicale de groupement et pour les chefs de service ont été créées et les indemnités de fonctions des présidents de commission médicale d'établissement et de chef de pôle ont été revalorisées. La possibilité pour un praticien d'exercer dans plusieurs établissements, en dehors des obligations de service, au titre de la solidarité entre établissements de santé a été également reconnue par la création de la prime de solidarité territoriale. Enfin, afin de faire face aux fortes tensions sur l'offre de soins en raison de la crise sanitaire de la Covid-19, des majorations de l'indemnisation du temps de travail additionnel et des indemnités de gardes des personnels médicaux exerçant à l'hôpital public sont intervenues à plusieurs reprises depuis 2020 et ont fait l'objet de compensations financières aux établissements par des crédits ministériels dédiés. Le dispositif de majoration des indemnités de garde a été à nouveau mis en œuvre durant l'été 2022, aux vues des tensions sur les ressources humaines hospitalières. S'agissant des personnels non médicaux, les mesures relatives à la fonction publique hospitalière du Ségur de la santé se sont traduites par une revalorisation socle de la rémunération, des mesures d'attractivité sur la filière soignante et par des dispositifs d'intéressement, de sécurisation et d'adaptation des organisations de travail (surmajoration d'heures supplémentaires forfaitisées, valorisation de la prime d'engagement collectif, résorption de l'emploi précaire et créations de postes).  La revalorisation socle de la rémunération consiste en l'attribution d'un complément de traitement indiciaire à l'ensemble des personnels non médicaux des établissements de santé et des établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD, publics comme privés). Elle a été plus récemment étendue à l'ensemble des établissements médico-sociaux publics (personnes âgées et handicap).  Les mesures d'attractivité consistent en la revalorisation des grilles indiciaires de certains personnels (soignants, médico-techniques et de la rééducation). Elles correspondent notamment pour les aides-soignants à une modification de catégorie hiérarchique (passage de la catégorie C à la catégorie B) et pour les corps infirmiers à une intégration dans la grille dite "A-type". L'ensemble de ces revalorisations sont effectives depuis le 1er janvier 2022.  Ces mesures de revalorisation des carrières et des rémunérations ont été transposées dans le secteur privé (lucratif et non lucratif) par des accords de branche ou des décisions unilatérales et ont fait l'objet de compensations financières publiques. Les mesures relatives à la sécurisation des organisations et des environnements de travail font l'objet d'un accompagnement financier progressif sur 3 ans. Elles ont pour objectif de donner aux gestionnaires de nouveaux leviers pour améliorer les conditions de travail, valoriser l'engagement collectif et optimiser le temps de travail.  En outre, en complément des accords du Ségur de la santé, le Gouvernement a souhaité créer l'équivalent de 15 000 emplois en 3 ans afin de renforcer les services qui en ont le plus besoin et ainsi alléger la charge de travail des établissements où les tensions sont les plus fortes. Cette mesure doit se traduire par la création nette de 7 500 postes et la couverture de 7 500 postes aujourd'hui vacants (par l'intermédiaire de l'incitation financière à la réalisation d'heures supplémentaires dans un premier temps).  Enfin, parallèlement aux mesures prises en faveur des personnels médicaux en raison de la crise sanitaire de la Covid-19, plusieurs dispositifs en matière de temps de travail ont été mis en place depuis 2020. En particulier, des majorations de l'indemnisation des heures supplémentaires sont intervenues, allant de 50% à 100%, selon des périodes différentes pendant la crise sanitaire.  Au titre de la période de tensions en matière de ressources humaines à l'été 2022, le même type de majoration de cette indemnisation a été mis en place.  A la suite de la mission sur les soins non programmés, l'ensemble des taux des indemnités de nuit perçues par les fonctionnaires de la fonction publique hospitalière a été doublé entre le 1er juillet et le 30 septembre 2022. S'agissant d'une meilleure association des personnels médicaux et paramédicaux à la gouvernance des établissements de santé, une grande partie des mesures proposées dans le rapport de la mission CLARIS consacrée à la gouvernance et la simplification hospitalière de juin 2020 ont trouvé une traduction législative, notamment dans la loi Rist du 26 avril 2021. Des mesures telles que la réaffirmation du service comme échelon de référence en matière d'encadrement de proximité des équipes médicales et paramédicales, l'élargissement de la composition du directoire ou encore l'obligation pour les établissements d'élaborer un projet de gouvernance et de management participatif participent à une meilleure association des personnels à la gouvernance des établissements de santé. Parallèlement, plusieurs textes en 2021 ont renforcé la médicalisation de la gouvernance avec des mesures telles que l'élargissement des compétences des commissions médicales d'établissement et la codécision pour la nomination des chefs de pôle. De plus, le rapport CLARIS et la circulaire du 6 août 2021 mettent en avant une série de bonnes pratiques et d'exemples réussis en matière de gouvernance, dont les hôpitaux peuvent directement s'inspirer. A l'occasion de ses vœux le 6 janvier 2023, le Président de la République a indiqué que ce mouvement de médicalisation de la gouvernance des établissements de santé devait désormais permettre de faire évoluer l'actuel binôme pour identifier un tandem administratif et médical. L'ensemble de ces mesures témoigne ainsi d'une attention constante du gouvernement pour l'attractivité des carrières hospitalières et induit un soutien financier important à l'hôpital public. 

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