Question de Mme BONFANTI-DOSSAT Christine (Lot-et-Garonne - Les Républicains) publiée le 06/10/2022

Mme Christine Bonfanti-Dossat attire l'attention de M. le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse sur les atteintes, de plus en plus fréquentes, au principe de laïcité, qui sont à déplorer, en particulier dans les établissements du secondaire.

En juin 2022 était révélé dans la presse le contenu partiel d'une note rédigée par le service central du renseignement territorial et datée du 8 juin 2022. S'il est regrettable que le Gouvernement n'ait pas lui-même dévoilé le contenu de cette note, la presse précise que 144 entorses à la loi n° 2004-228 du 15 mars 2004 encadrant, en application du principe de laïcité, le port de signes ou de tenues manifestant une appartenance religieuse dans les écoles, collèges et lycées publics, ont été recensées au deuxième trimestre 2022 contre 97 les trois premiers mois de l'année, soit une hausse frôlant les 50 %. Des faits portant une atteinte grave à la laïcité sont en cause et notamment une multiplication des élèves refusant d'ôter leur voile islamique ou portant des tenues traditionnelles, jouant sur la frontière parfois ténue existante entre le culturel et le cultuel. Au passage, ces chiffres, pourtant effrayants, ne traduisent pas toute l'ampleur du phénomène. En effet, comme le précise un écrivain, auteur d'essais consacrés à la question de l'immigration, les statistiques ne correspondent qu'aux seuls signalements transmis à l'échelon national. Or il est établi que des établissements ne remontent pas tous les incidents qu'ils observent. À cela s'ajoute l'autocensure de nombreux enseignants qui souvent, par peur, n'osent parler. D'après un sondage réalisé en septembre 2020 par l'IFOP, 40 % d'entre-eux déclarent se censurer pour ne pas créer des problèmes avec les élèves. Ce pourcentage atteint même les 50 % dans les zones d'éducation prioritaire. Face à ces événements, le nouveau ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse, lors d'une conférence de presse à l'issue du conseil des ministres du 14 juin 2022, a déclaré de manière assez légère et désinvolte : « Nous sommes en train de collecter et de faire remonter les informations pour avoir une vision synthétique de la situation, pour pouvoir la caractériser calmement et l'évaluer à l'échelle nationale ». À l'heure où les enfants des écoles sont exposés à des dérives toujours plus nombreuses, en particulier liées à l'idéologie woke et aux atteintes grandissantes à la laïcité, il est urgent de poser un constat sans concession et d'agir.

Elle lui demande donc, d'une part, pour chaque département français, le nombre et la nature des incidents connus dans les établissements, d'autre part, comment faire pour limiter l'autocensure des enseignants et notamment disposer de données statistiques plus précises et, en dernier lieu, ce qu'il entend faire pour que les lois républicaines, en particulier celle de 2004, soient enfin strictement respectées dans chaque établissement.

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Réponse du Ministère de l'éducation nationale et de la jeunesse publiée le 08/12/2022

On assiste effectivement en cette rentrée 2022 à une augmentation du port des signes et tenues religieuses dans les établissements scolaires : 313 signalements d'atteinte au principe de laïcité ont été recensés dans les 59 260 écoles et établissements du second degré durant le mois de septembre 2022, 904 d'avril à juillet 2022 et 636 au 1er trimestre. Cela confirme donc la tendance à la hausse, même s'il faut bien envisager ce nombre de cas en regard des 12 millions d'élèves scolarisés dans les établissements scolaires et qu'en tout état de cause, les remontées chiffrées n'ont pas de valeur statistique. Elles témoignent d'un usage plus systématique de l'application « Faits établissements » par les personnels de direction. La moitié des faits signalés à la rentrée 2022 se concentrent dans 6 académies (Créteil, Toulouse, Nice, Versailles, Normandie et Paris), souvent dans des communes et des établissements jusqu'ici non concernés. 51 % des faits sont survenus dans les lycées, alors que les collèges étaient les plus touchés au cours des périodes précédentes. 54 % de ces faits concernent le port de signes et tenues religieuses (contre 41 % sur la période précédente). Cette augmentation du port de signes et tenues religieuses est à mettre en lien avec l'apparition des robes longues noires (abayas), vêtements féminins couvrant l'ensemble du corps, à l'exception de la tête, des pieds et des mains, des qamis (ou khamis, vêtements masculins longs) et des bandanas destinés à remplacer le port du voile. Il faut cependant souligner que les signalements pour refus de participer à une activité ou contestation d'enseignement sont plus faibles et en diminution (autour de 7 % chacun). Face à ce phénomène, relayé et amplifié par les réseaux sociaux, la réponse de l'institution a été ferme. Une note a été envoyée aux recteurs le 16 septembre 2022 pour rappeler le cadre législatif de la loi n° 2004-228 du 15 mars 2004 et renvoyer à la fiche n° 3 du vadémécum sur la laïcité à l'école. La circulaire du 18 mai 2004 précise que la loi sur l'interdiction des signes religieux à l'école « est rédigée de manière à pouvoir s'appliquer à toutes les religions et de manière à répondre à l'apparition de nouveaux signes, voire à d'éventuelles tentatives de contournement de la loi ». Quant au vadémécum, il fait référence aux situations : « lorsque les signes ou tenues ne sont pas par nature des signes d'appartenance religieuse, mais le deviennent indirectement et manifestement compte tenu de la volonté de l'élève de leur faire produire cette signification, au regard de son comportement. Un signe ou une tenue qui n'est pas, à proprement parler, religieux peut ainsi être interdit s'il est porté pour manifester ostensiblement une appartenance religieuse ». Plusieurs éléments d'appréciation sont ainsi mis en avant : « la permanence du port du signe ou de la tenue », et « la persistance du refus de l'ôter quelles que soient les circonstances », la conclusion étant que « le fait qu'il s'agisse de tenues traditionnelles portées lors de fêtes religieuses constitue un élément d'appréciation de la manifestation ostensible de convictions religieuses ». Le vadémécum rappelle la nécessité de l'organisation d'un dialogue avec l'élève et sa famille, dialogue qui aboutit dans la plupart des cas au règlement du problème. Mais il envisage également la possibilité de l'enclenchement d'une procédure disciplinaire si l'élève persiste dans son refus. Dans la dernière circulaire du 10 novembre 2022, le ministre annonce un plan relatif à la laïcité dans les établissements scolaires du 1er et du 2d degrés, structuré autour de quatre axes : Sanctionner systématiquement et de façon graduée le comportement des élèves portant atteinte à la laïcité lorsqu'il persiste après une phase de dialogue ; Renforcer la protection et le soutien aux personnels ; Appuyer les chefs d'établissement en cas d'atteinte à la laïcité ; Renforcer la formation des personnels et en premier lieu celle des chefs d'établissement. Sanctionner systématiquement et de façon graduée le comportement des élèves portant atteinte à la laïcité lorsqu'il persiste après une phase de dialogue Lorsqu'il constate un comportement susceptible de porter atteintes à la laïcité, le chef d'établissement entame une phase de dialogue avec l'élève et ses représentants légaux lorsqu'il est mineur. Ce seul dialogue peut à lui seul, dans de nombreux cas, permettre de dissiper toute tension ou incompréhension et ainsi de débloquer des situations. Toutefois, lorsque les comportements constituent bien des manquements aux obligations des élèves et qu'ils persistent après cette phase de dialogue, le chef d'établissement doit engager une procédure disciplinaire. S'agissant de la difficulté à qualifier certains faits, et notamment le port des tenues à connotation religieuse, les chefs d'établissement sont invités à s'appuyer plus systématiquement sur l'expertise des équipes académiques des valeurs de la République (EAVR) et de nouvelles fiches pratiques seront diffusées à leur intention. Renforcer la protection et le soutien aux personnels En cas d'atteinte à la laïcité et aux valeurs de la République, il arrive que des personnels soient mis en cause ou menacés, parfois gravement. Il est indispensable d'apporter un soutien sans faille et immédiat aux personnels afin qu'ils puissent exercer leur métier dans un cadre protecteur. Dans ce cadre, toute attaque, de quelque nature que ce soit, ou toute menace d'un personnel doit donner lieu à une réaction de l'institution scolaire, consistant à signaler les faits, à prendre les mesures conservatoires et à accorder la protection fonctionnelle. Toute infraction pénale doit donner lieu à une plainte ou à un signalement au Procureur de la République sur le fondement de l'article 40 du code de procédure pénale. A cet égard, il est rappelé que la loi du 24 août 2021 confortant le respect des principes républicains a créé des infractions nouvelles pour garantir le respect de la laïcité et renforcer la protection des personnels et des agents publics. Les services de police et de gendarmerie seront systématiquement appelés en cas de danger imminent et prévenus de l'ensemble des incidents graves. Ces mesures doivent être de nature à rassurer les personnels afin qu'ils fassent remonter les difficultés auxquelles ils pourraient être confrontés. Appuyer les chefs d'établissement en cas d'atteinte à la laïcité La mobilisation et le rôle de conseil des équipes académiquesvaleurs de la République en soutien des chefs d'établissement seront complétés si besoin par les services juridiques des rectorats qui devront être en mesure d'apporter des réponses rapides en cas d'urgence manifeste. Les services ministériels (direction des affaires juridiques et service de défense et de sécurité) restent également mobilisables à tout moment.  Renforcer la formation des personnels et en premier lieu celle des chefs d'établissement Pour mieux accompagner les chefs d'établissement, en complément des formations proposées à l'ensemble des personnels, une formation spécifique sera organisée pour eux, dispensée dans chaque académie par les EAVR qui auront, elles-mêmes, reçu une formation générale nationale dans les meilleurs délais. En outre, la formation à la laïcité engagée pour l'ensemble des personnels de l'éducation nationale, qui a déjà bénéficié à 130 000 personnels, doit se poursuivre sur le même rythme. Tous les personnels, titulaires ou contractuels, doivent avoir été formés au cours des trois prochaines années. Les équipes valeurs de la République, présentes dans chaque académie, peuvent de plus être sollicitées par les chefs d'établissement pour les accompagner dans la phase de dialogue ou pour organiser des formations à la laïcité dans leur établissement. Le plan de formation national de 1 000 formateurs « Laïcité/Valeurs de la République », lancé à la rentrée 2021, prévoit par ailleurs la formation de tous les personnels de l'éducation nationale sur quatre ans. Ce plan de formation a déjà permis de former 130 000 agents dans toutes les académies en 2021-2022. Cette année, l'objectif est d'accentuer la dynamique engagée afin de former plus de 300 000 personnels. En parallèle, 100 formateurs reçoivent une formation renforcée de 120 à 150 heures, sanctionnée par un diplôme universitaire. Ces formateurs viennent en appui des équipes académiques valeurs de la République, notamment pour accompagner des équipes éducatives confrontées à des situations complexes et requérant une expertise particulière. De même, la nouvelle épreuve orale pour les concours de recrutement de l'enseignement, dont la deuxième partie porte sur les valeurs et principes de la République, la parution de l'arrêté relatif au continuum de formation obligatoire et la mise en place d'un module de 36 heures, dès cette rentrée, au sein des masters « Métiers de l'enseignement, de l'éducation et de la formation » (MEEF) complètent ces évolutions. L'opérateur de l'éducation nationale Canopé se mobilise aussi autour des valeurs de la République en proposant un événement national à distance pour l'ensemble de la communauté éducative : « Valeurs de la République - Rencontres 2022 : comprendre, partager, incarner » du 17 octobre au 9 décembre 2022 avec des conférences d'expert et des webinaires. Enfin, la plateforme de formation en ligne du ministère, m@gistère, permet aux personnels de s'auto-former. Est proposé, depuis le printemps 2021, un parcours « Faire vivre les valeurs de la République », conçu pour créer une culture de base commune à l'ensemble des personnels de l'éducation nationale, qui a déjà été suivi par plus de 10 000 personnels. Ce parcours a pour objectif de clarifier le cadre réglementaire et institutionnel, de renforcer la culture commune des personnels à partir d'études de cas et de permettre aux enseignants de mutualiser et partager leurs pratiques de classe, leur permettant ainsi de mieux répondre à d'éventuelles atteintes aux valeurs et principes de notre République.

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