Question de Mme GRUNY Pascale (Aisne - Les Républicains) publiée le 13/10/2022

Mme Pascale Gruny attire l'attention de M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires sur la nécessaire protection et valorisation des ouvrages hydrauliques. Malgré la crise de l'eau et la crise énergétique que traverse notre pays, les administrations en charge de l'eau, de la biodiversité et de l'énergie placées sous sa tutelle continuent d'inciter à détruire les ouvrages hydrauliques et exigent des travaux de continuité écologique inaccessibles pour l'immense majorité des propriétaires, faute de financement public suffisant. Inciter à la destruction de ces ouvrages est incompréhensible lorsque l'on sait que plus de 100 milliards de m3 repartiraient à la mer chaque année et que le fait d'équiper ces ouvrages en conservant des plans d'eau et biefs aurait des fonctions bénéfiques face aux sécheresses et inondations. Aussi elle lui demande ce que le Gouvernement envisage pour mieux concilier protection de notre patrimoine et continuité écologique, avec notamment l'arrêt de la destruction des ouvrages et de l'assèchement des plans d'eau, un financement adéquat des aménagements au titre de la continuité écologique, ou encore une incitation à équiper les chutes exploitables en production électrique bas-carbone.

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Transmise au Secrétariat d'État auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé de l'écologie


Réponse du Secrétariat d'État auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé de l'écologie publiée le 02/03/2023

La politique de restauration de la continuité écologique concilie les enjeux de restauration des fonctionnalités des cours d'eau avec le déploiement de la petite hydroélectricité, la préservation du patrimoine culturel et historique, ou encore les activités sportives en eaux vives. Il ne s'agit en aucun cas d'une politique visant la destruction des moulins à eau et autres ouvrages en cours d'eau. À ce jour, la politique de priorisation mise en œuvre par le Gouvernement a permis d'identifier les cours d'eau sur lesquels il était important d'intervenir prioritairement pour procéder à de la restauration écologique, qui représentent 11 % des cours d'eau. Sur ces cours d'eau, la politique est de procéder prioritairement à des interventions sur environ 5 000 ouvrages sur les 25 000 ouvrages obstacles à l'écoulement qu'ils comptent. La solution technique retenue consiste majoritairement à aménager l'ouvrage (mise en place d'une passe à poisson, d'une rivière de contournement, abaissement du seuil…), plutôt qu'à le supprimer. Depuis 2012, environ 1 400 effacements d'ouvrages ont été financés par les Agences de l'eau sur ces 11 % de cours d'eau, soit 28 % des ouvrages à traiter, soit 1 % de l'ensemble des ouvrages obstacles à l'écoulement des cours d'eau français. Les petites retenues en cours d'eau n'ont pas d'effets protecteur contre les sécheresses. Le libre écoulement de l'eau au sein d'un bassin versant, notamment à travers son réseau de cours d'eau, est un processus structurant du grand cycle de l'eau : cette eau qui s'écoule jusqu'à la mer n'est donc pas perdue car elle contribue au bon fonctionnement de l'écosystème et du cycle de l'eau qui la renouvelle chaque année. De plus, la quantité d'eau dans une rivière se mesure par le débit, et ce débit n'est pas augmenté par les petites retenues en cours d'eau. Il est vrai, en revanche, que des petits ouvrages en rivière peuvent contribuer à maintenir une ligne d'eau plus haute, ce qui entretient l'illusion d'une eau disponible, mais tend à masquer le dysfonctionnement structurel et la gravité de la sécheresse en cours. Les petits ouvrages en rivière n'ont pas non plus d'effets protecteurs contre les crues. Seuls des ouvrages spécifiquement conçus à cet effet (grands barrages ou barrages « écrêteurs de crues »), caractérisés par de larges volumes de stockage et des modalités de gestion particulières, ont la capacité de jouer un rôle significatif dans la protection contre les inondations. En revanche, les seuils peuvent aggraver les petites inondations à leur amont car ils rehaussent la ligne d'eau. Ils peuvent aussi causer des sur-inondations en aval en cas de rupture. Les ouvrages mobiles sont d'ailleurs censés être « effacés » temporairement en manœuvrant les vannages en cas de crue, pour éviter ces aléas. Historiquement, les règlements d'eau imposaient également l'ouverture des vannages de moulins en période de fortes eaux, pour les mêmes raisons. D'autres idées dépourvues de fondement scientifique circulent régulièrement sur la continuité écologique, et ont fait l'objet d'éléments de réponse de la part du conseil scientifique de l'Office français de la biodiversité en avril 2018, sous la forme d'une note disponible à l'adresse suivante : https://professionnels.ofb.fr/sites/default/files/pdf/cdr-ce/2018_Delib_CS_AFB_Continuite.pdf. Concernant le coût des solutions de restauration de la continuité écologique, les Agences de l'eau ainsi que certaine collectivités (département, région) subventionnent les travaux afin de limiter autant que possible le reste à charge pour le proprétaire. On notera en revanche que depuis la loi "Climat et résiliance" du 22 août 2021, une des solutions les moins onéreuses, l'effacement, n'est plus accessible aux propriéraires de certain ouvrages (en particulier les moulins à eau) situés sur 11% de cours d'eau où une obligation de restaurer la continuité existes. De nombreux Propriétaires, et gestionnaire locaux le regrettent car l'effacement est aussi la solution qui induit le moins de contraintes et charges d'entretien (un seuil doit en effet être entretenu régulièrement, de même qu'une évantuelle passe à poissons ou rivière de contournement), et qui est le plus bénéfique pour la restauration des fonctionalités naturelles du cours d'eau.  Les propriétaires de ces ouvrages doivent donc envisager une nouvelle solution (passe à poisson ou rivière de contournement, par exemple), généralement plus coûteuse. La politique de restauration de la continuité écologique n'a pas entravé le développement de la petite hydroélectricité, qui a progressé significativement au cours des dernières années (plus de 150 MW supplémentaires entre 2018 et 2021), et n'est limité que par le faible potentiel restant. Selon les projets identifiés auprès de la filière, ce sont 250 MW qui pourraient être installés d'ici 2028 (en sites vierges comme sur ouvrages existants), toutes tailles d'installations confondues. Ces chiffres sont provisoires, en cours de discussion avec les acteurs de l'hydroélectricité. Ils représentent 1 % environ des objectifs nationaux d'installation d'ENR sur la même période (programmation plurianuelle de l'énergie 2023-2028). Le potentiel de développement peut donc objectivement être qualifié d'intrinsèquement limité. Le développement de la petite hydroélectricité doit être efficace, réaliste et planifiée, en cohérence avec la nécessité de préserver et restaurer les écosystèmes aquatiques fonctionnels, indispensables à l'adaptation au changement climatique. À cette fin, le ministère encourage la concertation locale sur ces sujets hydroélectricité et milieux, pour rechercher les solutions les plus pragmatiques aux situations de blocage. Pour les cas ne trouvant pas de solution satisfaisante à ce niveau, l'intervention d'un médiateur national de l'hydroélectricité est rendue possible par le décret n° 2022-945 du 28 juin 2022 instituant une expérimentation de médiateur de l'hydroélectricité, dont l'arrêté de nomination a été publié le 20 Décembre 2022. 

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