Question de M. KAROUTCHI Roger (Hauts-de-Seine - Les Républicains) publiée le 13/10/2022

M. Roger Karoutchi attire l'attention de Mme la ministre de l'Europe et des affaires étrangères concernant la position de la France sur les décisions iraniennes.

En effet, depuis le retrait unilatéral de l'accord en mai 2018, les États-Unis ont rétabli toutes les sanctions américaines qui avaient été levées au titre du plan d'action global commun contre l'Iran.

Pourtant, après la présentation de plusieurs textes permettant à l'Iran de remplir de nouveau ses obligations au titre de l'accord de Vienne sur le nucléaire iranien (joint comprehensive plan of action, ou JCPoA) et aux États-Unis de revenir à « l'accord », la situation semblait s'améliorer dans la région.

Cependant, début aout 2022, l'Iran a décidé de ne pas saisir cette opportunité diplomatique et poursuit son programme nucléaire malgré les condamnations internationales.

Téhéran s'est alors affranchi des termes de l'accord, notamment sur l'enrichissement de l'uranium. D'après le dernier rapport trimestriel de l'agence internationale de l'énergie atomique (AIEA), la République islamique a augmenté ses stocks d'uranium enrichi jusqu'à 60 %, ce qui permettrait à l'Iran de lancer la fabrication d'une bombe atomique. Une nouvelle demande de Téhéran, concernant la clôture d'une enquête de l'agence internationale de l'énergie atomique à cause de traces d'uranium enrichi retrouvées sur différents sites non déclarés, soulève des inquiétudes sur l'intention de l'Iran.

Paris, Berlin et Londres ont exprimé leurs « sérieux doutes » sur l'engagement de Téhéran à parvenir à un résultat positif dans les négociations en cours pour sauver l'accord de Vienne sur le nucléaire iranien.

Compte tenu du manque de coopération diplomatique de l'Iran, il lui demande quelles sont les intentions de la France face à cette escalade nucléaire.

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Réponse du Ministère de l'Europe et des affaires étrangères publiée le 29/12/2022

La France n'a cessé d'œuvrer, avec l'Allemagne et le Royaume-Uni en particulier (E3), à la mise en œuvre et à la préservation de l'accord sur le nucléaire iranien, le Plan d'Action Global Commun ou PAGC (JCPOA en anglais), en particulier après le retrait des Etats-Unis en mai 2018 et le désengagement de l'Iran depuis mai 2019 qui nous a conduits à saisir la Commission conjointe le 14 janvier 2020 dans le cadre du mécanisme de règlement des différends.


L'arrivée en janvier 2021 d'une nouvelle administration américaine favorable à un retour des États-Unis au PAGC a marqué un tournant important. La France a joué tout son rôle dans les discussions engagées depuis avril 2021 avec l'Iran,  les autres participants au PAGC et les États-Unis, dans le but d'obtenir le retour robuste à la mise en œuvre rapide de ses engagements nucléaires par l'Iran. Après un an et demi de négociations, le Coordonnateur du PAGC a présenté début août 2022 un ensemble de textes définitifs qui représentaient la meilleure proposition possible.     


Malheureusement, l'Iran a choisi de ne pas mettre à profit cette opportunité diplomatique décisive. En lieu et place de cela, il a continué de développer son programme nucléaire bien au-delà de toute justification civile plausible. L'Iran poursuit ainsi son escalade nucléaire, récemment en accroissant ses capacités de production à Fordo et Natanz et en accélérant sa production d'uranium enrichi, bien au-delà des limitations du PAGC. La décision de l'Iran d'accroître sa production d'uranium hautement enrichi sur le site d'enrichissement souterrain de Fordo est particulièrement préoccupante. Nous avons condamné cette nouvelle expansion du programme nucléaire qui vide le PAGC de son contenu et emporte des risques significatifs de prolifération. Nos préoccupations sont renforcées par le fait que l'Iran a substantiellement réduit les accès de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA), en se désengageant des arrangements de vérification et de suivi prévus par le PAGC, notamment en cessant l'application du Protocole additionnel.


L'Iran a rouvert des questions distinctes, liées à ses obligations internationales juridiquement contraignantes en vertu de son accord de garanties conclu avec l'AIEA. Ces exigences soulèvent des doutes sérieux quant à ses intentions et quant à sa détermination à aboutir à un résultat favorable sur le PAGC. La France, l'Allemagne et le Royaume-Uni se sont exprimés conjointement à ce sujet le 10 septembre. Le PAGC ne peut en aucun cas être utilisé pour permettre à l'Iran de ne pas honorer ses obligations internationales juridiquement contraignantes, qui sont essentielles au régime international de non-prolifération. En 2022, le Conseil des Gouverneurs de l'AIEA a adopté deux résolutions, que la France a soutenues, le 8 juin et le 17 novembre, en réponse à la coopération insuffisante de l'Iran avec l'AIEA.


Nous demeurons déterminés à empêcher l'Iran de se doter de l'arme nucléaire et à trouver une solution diplomatique à la situation actuelle. Nous consultons nos partenaires internationaux sur la meilleure manière de répondre à l'escalade nucléaire de l'Iran. Nous continuons à rappeler à l'Iran le caractère urgent qui s'attache à ce qu'il cesse son escalade et respecte ses engagements et obligations nucléaires, y compris au titre de son accord de garanties généralisées.


La France demeure également mobilisée, avec ses partenaires internationaux, pour répondre à la poursuite par l'Iran de ses activités déstabilisatrices au plan régional et international, en particulier le développement de son programme balistique et de ses transferts de missiles et également de drones, qui permettent aujourd'hui à la Russie de poursuivre son agression contre l'Ukraine, en violation de la résolution 2231 du Conseil de sécurité des Nations Unies.


A cet égard, la France salue et a soutenu le signal d'unité et de fermeté de l'Union européenne et de ses États membres que constitue l'adoption le 12 décembre par le Conseil des Affaires étrangères de l'Union européenne de conclusions substantielles sur l'Iran, ainsi que l'adoption de sanctions contre des personnes et entités iraniennes impliquées dans la livraisons de drones à la Russie. 

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