Question de Mme FÉRAT Françoise (Marne - UC) publiée le 20/10/2022

Mme Françoise Férat attire l'attention de Mme la ministre de la culture sur la crise de fréquentation des salles de cinéma françaises.

Jeudi 6 octobre 2022, à l'institut du monde arabe, plus de 2 000 personnes se sont jointes à l'appel des états généraux du cinéma adressé aux pouvoirs publics par un collectif de professionnels et d'organisations du cinéma (cinéastes, producteurs, techniciens, distributeurs, scénaristes, festivaliers, exploitants…).

Selon les chiffres du centre national du cinéma (CNC), on assiste à un écroulement de la fréquentation des salles de cinéma par les Français. La fréquentation atteint 7,38 millions d'entrées au mois de septembre 2022. C'est un net recul par rapport à septembre 2021 (- 20,7 %). C'est aussi un fort recul de - 34,3 % par rapport à septembre 2019 avant la crise de la covid-19.

Il s'agit du niveau le plus bas enregistré pour un mois de septembre depuis 1980 où le CNC a lancé ses statistiques mensuelles après 2020 avec 5,62 millions de spectateurs. Depuis le début de l'année 2022, les salles de cinéma totalisent 104,97 millions d'entrées. C'est un recul de moins 30 % par rapport à la même période de 2019, avant la crise de la covid-19.

Elle lui demande quelles mesures le Gouvernement compte prendre pour enrayer ce déclin de fréquentation.

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Réponse du Ministère de la culture publiée le 02/02/2023

La fréquentation cinématographique demeure en recul par rapport aux années précédant la crise sanitaire. En effet, selon les derniers chiffres publiés par le centre national du cinéma et de l'image animée (CNC), les salles françaises totalisent, en 2022, 152 millions d'entrées, soit une baisse de 26,9 % par rapport à la moyenne des années 2017-2019. Il convient toutefois de rappeler, d'une part, que le cinéma a connu d'autres crises liées notamment, pendant les années 90, à la multiplication des chaines de télévision et au développement de la vidéo. En 1992, la fréquentation avait ainsi chuté jusqu'à n'atteindre que 116 millions d'entrées. Or, lorsqu'il a été confronté à de nouveaux défis, le secteur cinématographique a toujours su se réinventer. Ainsi, par la modernisation continue des salles et par le système des obligations d'investissement des diffuseurs mis en place en 1986, le cinéma a su développer avec l'aide des pouvoirs publics une offre attractive conduisant la fréquentation à dépasser les 210 millions d'entrées en 2019. Autrement dit, la situation actuelle n'est pas inédite et la baisse de fréquentation n'est en aucun cas irréversible. D'autre part, il est également nécessaire de rappeler que la fin des dernières restrictions sanitaires dans les salles ne date que de mars 2022. Peu à peu, le public retrouve l'habitude d'aller dans les salles de cinéma, comme en témoignent notamment le dernier trimestre de l'année dernière. Cette reprise de la fréquentation est due au succès d'une grande diversité de films. Certes, comme toujours, les blockbusters américains continuent à attirer les foules, mais ces derniers mois ont aussi vu des films d'auteurs, notamment français, connaître des succès indéniables, qu'il s'agisse de « Simone – le voyage du siècle » d'Olivier Dahan qui a dépassé les 2,2 millions d'entrées, « Novembre » de Cédric Jimenez qui a conquis 2,3 millions de spectateurs ou « L'Innocent » de Louis Garrel qui frôle 700 000 entrées. Il est cependant vrai qu'une partie du secteur cinématographique, même s'il a pu traverser la crise sans qu'aucune salle ne ferme et sans qu'aucune entreprise de production ou de distribution ne fasse faillite, grâce au soutien massif dont il a bénéficié de la part de l'État, manifeste une inquiétude sur son avenir. Celle-ci s'est manifestée dans un appel à la tenue d'états généraux du cinéma, lancé par un petit nombre d'organisations du secteur. Aucun groupement de producteurs, pas plus que la fédération des exploitants de salles, ni les organisations de gestion collective d'auteurs ne s'y sont associées. Les auteurs de cet appel ont tenu des propos qui ne correspondent pas à la réalité de la politique poursuivie par l'État, dont il est nécessaire de rappeler quatre grands axes. En premier lieu, l'action du CNC, conduite sous la tutelle du ministère de la culture, n'est en rien livrée, comme l'expriment ces professionnels, à une nouvelle logique marchande ou supposée libérale. Il n'est pas non plus exact que le CNC mêlerait désormais cinéma et audiovisuel dans une seule et unique action. Les données budgétaires du CNC prouvent, en effet, que depuis au moins une dizaine d'années, la part du budget du CNC allouée au cinéma est constante, de même que la part des aides dites sélectives (au premier rang desquelles l'avance sur recettes) qui sont les plus orientées vers le soutien à la création. Ces équilibres n'ont aucune raison de changer et le budget du CNC, dont il est important de rappeler que 20 % seulement proviennent de la taxe sur les entrées réalisées dans les salles, sera, pour les années à venir, peu ou prou constant. En deuxième lieu, l'action de l'État – notamment via le CNC – à l'égard des plateformes de vidéo à la demande étrangères vise à intégrer celles-ci à l'écosystème français de financement de la création, pour le plus grand bénéfice des talents et des producteurs français. Là encore, cette action est cohérente par rapport à celle déjà conduite, par le passé, à l'égard d'autres diffuseurs alors émergents – par exemple la télévision payante ou les éditeurs de vidéo physique. Cette intégration passe à la fois par la fiscalité – les plateformes acquittent une taxe qui contribue désormais au financement du CNC à hauteur de 16 % de son budget – et par les obligations d'investissement qui ont été mises à leur charge depuis le 1er juillet 2021 par le décret dit « SMAD ». Cette intégration se matérialise, aussi, par la nouvelle place reconnue aux plateformes dans la chronologie des médias signée le 24 janvier dernier. En somme, il ne s'agit pas, aujourd'hui, d'affaiblir les piliers structurant ce dispositif singulier qui fait la force du cinéma français, mais bien au contraire de le renforcer par l'intégration des nouveaux acteurs. Pour mener à bien cette évolution majeure, la concertation avec le secteur cinématographique, sous l'égide du CNC, est et restera constante grâce à un dialogue permanent avec les différents syndicats professionnels représentant les auteurs, les producteurs, les distributeurs, les exploitants et les techniciens. En troisième lieu, au-delà de la question de l'intégration des plates-formes au système de financement du cinéma et de l'audiovisuel, l'action du CNC s'attache aussi à la question du renouvellement des publics. Pour garantir une fréquentation durable, il est en effet primordial que les jeunes générations ne perdent pas le chemin des salles de cinéma et qu'elles aient également un appétit pour les films français et les œuvres les plus diverses en général. Dans ce but, les initiatives des pouvoirs publics, notamment du ministère de la culture mais aussi du ministère de l'éducation nationale et de la jeunesse, sont nombreuses et convergentes : le Pass Culture, les programmes scolaires d'éducation à l'image qui s'étendent désormais de la maternelle au lycée et, à titre expérimental à ce jour, à l'université, le soutien aux structures associatives et à plus de 160 festival. En quatrième lieu enfin, pour que la création cinématographique en France continue à rayonner dans le monde entier et pour que la France continue à être une terre de cinéma, il faut que les infrastructures françaises de tournage soient au niveau des plus performantes sur le plan international et que suffisamment d'auteurs et de techniciens de haut niveau puissent être formés chaque année. C'est à ces deux objectifs que l'appel à projet France 2030 « La grande fabrique de l'image » sur les studios et la formation entend répondre, grâce à un financement exceptionnel de l'État à hauteur de 350 M€, qui vient s'ajouter aux financements publics traditionnels du secteur. L'ambition est ainsi de positionner la France en pays leader des tournages et de la production numérique, dans le contexte de la forte augmentation de la demande d'œuvres sur les marchés du cinéma, de l'audiovisuel et du jeu vidéo, et du besoin de renforcement de l'indépendance culturelle et industrielle de la filière. Sur ce point, contrairement à ce qui a pu être soutenu par les auteurs de l'appel à des états généraux, il est important de souligner que ces nouvelles capacités ont vocation à bénéficier à toute la filière : les subventions accordées au titre de France 2030 seront en effet subordonnées à la condition que les structures aidées s'ouvrent à tous les types d'œuvres, et non seulement aux grosses productions. Ces priorités sont de nature à permettre que le secteur cinématographique retrouve au plus vite la vitalité et la croissance qui sont tant enviées et saluées dans le monde entier.

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