Question de M. MAUREY Hervé (Eure - UC) publiée le 20/10/2022

M. Hervé Maurey attire l'attention de Mme la ministre déléguée auprès du ministre de l'intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales sur l'accroissement du risque pénal pour les élus locaux.

Ce faisant, il lui rappelle les termes de la question écrite n° 24002 publiée au Journal officiel des questions du Sénat le 29 juillet 2021 (p. 4676 ) qui, n'ayant pas obtenu de réponse malgré la question de rappel n° 25262, est devenue caduque du fait du changement de législature.

Selon l'observatoire des risques de la vie territoriale et associative, le nombre de mises en cause en matière pénale d'élus locaux a atteint un niveau jamais égalé durant la mandature 2014-2020. Ainsi, plus de 1 700 élus ont été poursuivis dans l'exercice de leurs fonctions dans cette période, soit 32 % de plus que la précédente mandature. Ces poursuites ont abouti à 339 condamnations. La même tendance est observée en matière de poursuites pénales contre les collectivités territoriales (+34 %).
Cette judiciarisation croissante de la vie publique a des conséquences préjudiciables sur l'exercice du mandat d'élu local et la gestion publique.
Si le taux de condamnation reste faible, elle participe à un sentiment d'insécurité parmi les élus qui conduit à une réticence à agir ou au contraire à prendre des précautions parfois lourdes et coûteuses afin de se prémunir des risques de poursuite. Le contexte de crise sanitaire a mis en lumière la grande inquiétude des élus locaux en la matière.
Cette prise en compte du risque pénal dans chaque décision publique est rendue d'autant plus difficile par la multiplication et la complexification des règles à respecter. Alors que celles-ci sont les mêmes pour toutes les collectivités, les communes et établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) de petite taille sont bien souvent démunis de moyens juridiques internes et n'ont pas les ressources pour faire appel à un appui extérieur.
Par ailleurs, la mise en cause pénale d'un élu a bien souvent des conséquences humaines et politiques particulièrement préjudiciables pour celui-ci. Même en cas d'absence de renvoi devant la juridiction ou de relaxe, les conséquences sont réelles pour l'élu, d'autant que les procédures sont souvent très longues. On constate par ailleurs que la mise en examen d'élus est de plus en plus systématique.
Aussi, il lui demande les mesures qu'elle compte prendre afin de mieux protéger les élus locaux des risques pénaux notamment ceux de communes de petite taille.

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Transmise au Ministère auprès du ministre de l'intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé des collectivités territoriales et de la ruralité


Réponse du Ministère auprès du ministre de l'intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé des collectivités territoriales et de la ruralité publiée le 10/08/2023

Lorsque le maire - ou l'élu municipal le suppléant ou ayant reçu une délégation - est directement à l'origine du dommage, quelle que soit la gravité de la faute ou l'importance de l'obligation de sécurité méconnue, sa responsabilité n'est susceptible d'être engagée, conformément aux dispositions de l'article L. 2123-34 du code général des collectivités territoriales (CGCT), qu'à la condition qu'il n'ait pas accompli les diligences normales compte tenu de ses compétences, du pouvoir et des moyens dont il disposait ainsi que des difficultés propres aux missions que la loi lui confie. Lorsque le dommage est indirect, la responsabilité pénale de cet élu ne peut être mise en oeuvre sur le fondement de l'article 121-3 du code pénal qu'en cas de violation manifestement délibérée d'une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, ou de faute caractérisée qui exposait autrui à un risque d'une particulière gravité ne pouvant être ignorée. S'agissant plus particulièrement du délit de prise illégale d'intérêts prévu à l'article 432-12 du code pénal, une disposition spécifique aux élus a été instaurée par la loi n° 2022-217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale, dite loi « 3 DS ». L'article L. 1111-6 du CGCT, issu de cette loi, pose le principe selon lequel la seule désignation d'un élu local, représentant sa collectivité territoriale ou un groupement de collectivités au sein de l'instance décisionnelle d'une autre personne morale en application de la loi, ne suffit pas à considérer que l'élu a un intérêt, notamment au sens de l'article 432-12 du code pénal, lorsque la collectivité territoriale ou le groupement de collectivités délibère sur une affaire concernant cette personne morale. Le même article précise également les situations dans lesquelles l'élu est tenu de se déporter. Cette évolution est de nature à permettre aux élus d'identifier plus facilement les situations de prise d'intérêts condamnables. Enfin, dans l'objectif de renforcer l'accompagnement des élus lorsqu'ils font l'objet de poursuites pénales, la loi n° 2019-1461 du 27 décembre 2019 relative à l'engagement dans la vie locale et à la proximité de l'action publique a permis la mise en oeuvre effective de la protection fonctionnelle que la commune est tenue d'accorder à l'élu local faisant l'objet de poursuites pénales à l'occasion de faits qui n'ont pas le caractère de faute détachable de l'exercice de ses fonctions. En effet, cette loi a instauré une obligation pour les communes de souscrire, dans un contrat d'assurance, une garantie visant à couvrir le conseil juridique, l'assistance psychologique et les coûts qui résultent de la mise en oeuvre de leur protection à l'égard du maire, de ses adjoints et des conseillers municipaux délégués. Dans les communes de moins de 3 500 habitants, cette souscription est compensée financièrement par l'État, selon un barème fixé par décret (article D. 2123-29 du CGCT).

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