Question de M. GAY Fabien (Seine-Saint-Denis - CRCE) publiée le 27/10/2022

M. Fabien Gay attire l'attention de Mme la ministre déléguée auprès du ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion et du ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse, chargée de l'enseignement et de la formation professionnels sur le projet de réforme de la voie professionnelle, dont le Gouvernement prévoit l'entrée en vigueur en septembre 2023.

Construit dans l'idée de rapprocher le lycée professionnel du modèle de l'alternance, ce projet de réforme se fonde essentiellement sur le doublement des périodes de stage que les élèves sont tenus d'accomplir dans l'année. Cette réorganisation induit nécessairement une révision du programme scolaire des lycées professionnels.

De toute évidence, il est certain que l'accroissement du temps dédié aux stages professionnels conduira en contrepartie à la diminution des heures d'enseignement. Or, les élèves scolarisés en lycée professionnels ont, comme tout autre lycéen ou lycéenne, besoin de maîtriser les savoirs fondamentaux que ces heures d'enseignement leur permettent précisément d'acquérir.

À cet égard, il est important de rappeler que ces heures d'enseignement équipent les élèves de lycée professionnel d'un bagage de connaissances qui leur permet, dans la suite de leur parcours de vie, de faire le choix d'une réorientation si telle est un jour leur volonté. En outre, la maîtrise de ces savoirs leur confère la possibilité de s'inscrire par la suite dans un cursus d'études (BTS, licence, etc) et de se réorienter si ils ou elles se le souhaitent.

Or, en l'état actuel du projet de réforme, le doublement des périodes de stage aura pour conséquence d'hyperspécialiser les élèves et ce, dès leurs années de lycée. Dans un contexte de sélectivité des études supérieures toujours plus accrue, en particulier du fait de la mise en place de Parcoursup, la possibilité pour les élèves de lycée professionnel de s'inscrire en BTS ou en licence s'en trouvera dès lors considérablement affectée.

À cela s'ajoute la perspective revendiquée par le projet de réforme de faire correspondre la formation des élèves de lycée professionnel avec les secteurs de l'économie les plus touchés par un déficit de personnel. Il s'agit notamment des métiers de l'aide à la personne, de la restauration et du bâtiment.

Or, la pénurie de personnel rencontrée dans ces secteurs ne vient aucunement des modalités actuelles d'enseignement en lycée professionnel. Elle est intrinsèquement liée aux rémunérations précaires imposées à ces travailleurs et travailleuses, en comparaison des conditions de travail difficiles qui caractérisent pourtant leurs métiers.

Dès lors, la perte d'attractivité de ces métiers ne peut avoir pour solution qu'une revalorisation conséquente des salaires et une amélioration des conditions de travail. Or, le projet de réforme du lycée professionnel semble plutôt tendre vers la mise à disposition de lycéennes et lycéens – dont les stages ne sont pas rémunérés – dans ces secteurs en tension, comme en témoigne l'importante augmentation de leur volume d'heures de stages.

À cela s'ajoute la réduction de leurs chances d'accéder à des études supérieures et à des réorientations, qui limitera indéniablement leur possibilité de changer de métier si ils et elles le souhaitent un jour.

Au regard de ces éléments, il semblerait que ce projet de réforme soit davantage réfléchi pour pallier la perte d'attractivité de certains secteurs sans augmenter les salaires. Ce constat est d'ailleurs renforcé par l'opposition unanime des syndicats de l'enseignement professionnel à ce projet de réforme.

Il souhaite ainsi savoir si le Gouvernement compte faire aboutir ce projet de réforme.

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Réponse du Ministère auprès du ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion et du ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse, chargé de l'enseignement et de la formation professionnels publiée le 26/01/2023

Le travail à mener pour réformer le lycée professionnel a donné lieu à l'installation le 21 octobre 2022, par la ministre déléguée à l'enseignement et à la formation professionnels, de 4 groupes de travail portant respectivement sur la question de la lutte contre le décrochage scolaire dans la voie professionnelle, une poursuite d'études réussie pour les lycéens professionnels qui souhaitent continuer après l'obtention de leur diplôme, une meilleure insertion professionnelle des lycéens professionnels après l'obtention de leur diplôme, et réfléchir aux marges de manœuvre dont pourraient disposer les lycées professionnels pour mieux faire réussir les élèves tout en conservant le caractère national des diplômes. Chacun de ces groupes, piloté par un recteur accompagné par un inspecteur général de l'éducation, du sport et de la recherche, est ouvert à tous les acteurs de la voie professionnelle : organisations syndicales, élèves, enseignants, personnels de direction, personnels d'inspection, parents d'élèves, représentants du monde économique, … Les mesures à engager autour de ces 4 thématiques ne sont aujourd'hui pas arrêtées : les groupes de travail se sont réunis à plusieurs reprises en novembre et décembre 2022 et se réunissent pour certains début janvier 2023 afin de rendre les conclusions de leurs travaux au premier trimestre 2023. Au-delà de ces 4 thématiques, le Président de la République a souhaité que soit étudiée la possibilité de faire bénéficier les lycéens professionnels des évolutions en termes d'image qui ont permis l'essor de l'apprentissage lors du précédent mandat. Nous ne souhaitons pas mettre en concurrence ces deux voies qui sont complémentaires. Au contraire, nous souhaitons faciliter des passerelles entre ces deux voies. Est à l'étude également une meilleure prise en compte des compétences professionnelles développées par les lycéens professionnels, notamment au travers d'une gratification qui pourrait leur être versée lors de leurs périodes de formation en milieu professionnel. Dans le prolongement des travaux engagés, des réflexions autour des cartes des formations professionnelles en région sont également en cours afin de répondre aux grands enjeux de notre nation : transitions écologique et énergétique, mobilités propres, meilleur accompagnement du bien vieillir ou du handicap, … L'objectif est de faire de la voie professionnelle une voie attractive, permettant de proposer des parcours de réussite du bac-3 à l'enseignement supérieur, et de permettre à tous les jeunes de la voie professionnelle scolaire de disposer de compétences solides qui leur permettront de progresser et d'évoluer tout au long de leur vie professionnelle. L'ensemble de ces initiatives vise donc à faciliter la mise en place de parcours de formation adaptés aux élèves et aux besoins de notre économie, tout en renforçant l'attractivité de la filière professionnelle dans son ensemble.

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