Question de M. KANNER Patrick (Nord - SER) publiée le 24/11/2022

Question posée en séance publique le 23/11/2022

M. le président. La parole est à M. Patrick Kanner, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Patrick Kanner. Monsieur le président, madame la Première ministre, mes chers collègues, sur le plan financier, le climat entre l'exécutif et les collectivités territoriales est mauvais. Chaque début de quinquennat voit revenir les mêmes méthodes. Après la taxe d'habitation, vous vous attaquez aujourd'hui à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE).

En 2022 comme en 2017, votre formule reste la même : aucune négociation réelle avec les associations d'élus. La main de l'État recentralisateur s'abat sans que les principaux concernés aient leur mot à dire.

Chaque fois que vous appliquez votre dogme du « moins d'impôt », les collectivités passent à la caisse. Il faut le rappeler, celles-ci votent leur budget à l'équilibre : elles ne veulent pas être les variables d'ajustement de l'incurie budgétaire du Gouvernement.

M. Jean-Baptiste Lemoyne. Tout en nuance…

M. Patrick Kanner. Il n'est pas acceptable de fragiliser les collectivités, plus particulièrement les communes, qui ont souvent pallié les carences de l'État lors des crises précédentes.

Il n'est pas acceptable non plus d'opposer artificiellement la dépense publique, qui pour vous ne serait qu'une charge, à la richesse créée par les entreprises. Les collectivités territoriales créent également de la richesse par le dynamisme de leurs investissements. Elles créent des emplois de services pérennes, qualifiés et non délocalisables. Ces services publics de qualité sont un choix de société – le seul bien de ceux qui ne possèdent rien.

La disparition programmée de la fiscalité locale, remplacée par des dotations aléatoires de l'État, est contraire au principe de libre administration des collectivités territoriales.

Nos 500 000 élus locaux, serviteurs de la République, ont besoin de respect et de lisibilité. Aussi, dans sa sagesse et sa diversité, le Sénat s'est opposé à la suppression de la CVAE en début de semaine. (Applaudissements sur des travées du groupe SER.)

Ma question est simple, madame la Première ministre : allez-vous revenir sur votre politique d'asphyxie fiscale de nos communes ? Allez-vous respecter le vote de la chambre des territoires ? (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST. – MM. Jean-Pierre Corbisez, Marc-Philippe Daubresse et Philippe Pemezec applaudissent également.)


Réponse du Première ministre publiée le 24/11/2022

Réponse apportée en séance publique le 23/11/2022

M. le président. La parole est à Mme la Première ministre.

Mme Élisabeth Borne, Première ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur le président Patrick Kanner, nous partageons une conviction : les collectivités doivent être libres d'agir (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) et, pour cela, il leur faut des moyens suffisants.

Mais je préfère les faits aux propos à l'emporte-pièce, la réalité aux polémiques. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

Depuis 2017, ne vous en déplaise, l'État a été au rendez-vous. Lors de la crise sanitaire, nous avons mobilisé 10 milliards d'euros pour soutenir l'action essentielle des collectivités. Face à l'explosion des prix de l'énergie, nous prenons des mesures fortes avec l'amortisseur électricité et avec le filet de sécurité pour les collectivités fragilisées.

M. Hussein Bourgi. Elles ne concernent qu'une minorité !

Mme Élisabeth Borne, Première ministre. Au total, ce sont 2,5 milliards d'euros qui doivent permettre aux collectivités de faire face à la flambée des prix de l'énergie.

Je vous rappelle que près de 30 000 communes pourraient bénéficier, comme les ménages et les très petites entreprises, du bouclier tarifaire. Ces dispositifs ont été conçus avec les associations d'élus et les parlementaires ; ils pourront, le cas échéant, être adaptés pour répondre à toutes les situations.

Monsieur le président Kanner, sans vouloir être désagréable, je suis obligée de vous rappeler que l'action menée depuis cinq ans contraste avec celle qui a été accomplie pendant le quinquennat de François Hollande. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Protestations sur les travées du groupe SER.) En effet, la réduction massive et indifférenciée de la dotation globale de fonctionnement (DGF), à hauteur de 13 milliards d'euros, a gravement fragilisé l'investissement des collectivités.

De notre côté, pour la première fois depuis treize ans, nous augmentons la DGF.

Pour défendre le pouvoir d'achat des ménages et renforcer la compétitivité des entreprises, nous avons décidé de supprimer la taxe d'habitation et nous souhaitons supprimer la CVAE. (Protestations sur les travées des groupes Les Républicains et SER.)

Mme Sophie Primas. Quelle erreur, c'est de la démagogie !

Mme Élisabeth Borne, Première ministre. Ces baisses d'impôts au profit des ménages et des entreprises seront naturellement compensées par un autre impôt plus dynamique et plus stable : la TVA. (M. Martin Lévrier applaudit.)

Depuis qu'une partie de la TVA est versée aux collectivités, cette ressource donne largement satisfaction. Je n'ai jamais entendu un élu regretter la dynamique de cette taxe qui, vous le savez, permet d'offrir à des territoires fragiles la croissance portée par la consommation nationale.

Au-delà des ressources et à la demande des associations d'élus, le Gouvernement a soutenu le maintien du mécanisme de revalorisation forfaitaire des bases fiscales, qui atteindra 7 % en 2023. Le gain est de 2,8 milliards d'euros pour les collectivités.

Enfin, je le redis, nous ne laisserons aucune collectivité sans solution.

Monsieur le président Kanner, je mesure pleinement les inquiétudes que la période peut susciter. Mais plutôt que de rajouter de l'inquiétude à l'inquiétude en tentant de faire oublier votre action passée (Protestations sur les travées du groupe SER.),…

M. Olivier Paccaud. Ayez de la mémoire !

Mme Élisabeth Borne, Première ministre. … je vous invite à travailler avec le Gouvernement pour améliorer notre accompagnement des collectivités. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP. – Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Patrick Kanner, pour la réplique.

M. Patrick Kanner. Madame la Première ministre, puisque vous n'avez pas été désagréable, je ne le serai pas non plus en rappelant les responsabilités qui étaient les vôtres lors du quinquennat que vous avez critiqué… (Vifs applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi que sur des travées des groupes CRCE, GEST, RDSE, UC et Les Républicains.) Cela ne vole pas très haut, je vous le concède, mais vous n'avez pas été non plus très courtoise à mon égard…

Le véritable problème que nous posons ici devant les maires qui nous écoutent, c'est que votre dogme du « moins d'impôts », qui n'a pas de prix à vos yeux – je l'ai bien compris –, représente 8 milliards d'euros de perte de « pouvoir d'agir » dans les caisses de l'État.

Vous évoquez l'augmentation de 370 millions d'euros de la DGF : c'est moins de 2 % de hausse, alors que l'inflation est à 6 %.

Très honnêtement, votre réponse n'est pas satisfaisante. Votre choix est fait : vous sacrifiez les collectivités territoriales ! (Mêmes mouvements.)

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