Question de Mme LIENEMANN Marie-Noëlle (Paris - CRCE-R) publiée le 24/11/2022

Mme Marie-Noëlle Lienemann interpelle M. le ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion sur le nombre inacceptable d'accidents du travail en France.

Le 2 novembre 2022, le ministère du travail a publié une étude statistique recensant 783 600 accidents du travail en 2019, soit plus de 2 500 accidents du travail par jour ouvrable. 780 salariés en sont morts.
En reportant le nombre de décès au nombre de travailleurs, nous obtenons un ratio de 3,5 accidents mortels pour 100 000 salariés. En comparant aux résultats des autres pays européens, nous dépassons le double de la moyenne européenne (1,7) alors que le taux d'incidence est par exemple de 0,5 aux Pays-Bas, de 0,7 en Suède et de 0,8 en Allemagne. Cela fait de la France, le pays européen ayant le plus fort ratio de décès du travail d'Europe : c'est inacceptable !

Ces statiques doivent être prises avec recul car elles sont en dessous de la réalité. En particulier, en France, le nombre que le ministère a publié est sous-estimé. En effet, ni les accidents du travail dans la fonction publique d'État ni chez les travailleurs soumis aux régimes spéciaux (marins, cheminots, énergie…) n'y sont comptabilisés. Il faut ajouter aussi les accidents du travail non déclarés du fait des pressions patronales, évalués par certains chercheurs à 750 000 par an.
Nous en connaissons les causes : pression des cadences de travail, urgence des délais, intensification de la demande de productivité. Il faut y ajouter la précarisation des statuts des travailleurs et le recours à la sous-traitance qui accentue le premier phénomène et exclue les travailleurs des mesures de formation et de prévention.
De plus, la suppression des comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) et des délégués du personnel en 2017, la diminution drastique des effectifs de l'inspection du travail dont le nombre de salariés par agent de contrôle est passé de 9 070 en 2017 à un objectif fixé par le ministère de 10 000 salariés par agent de contrôle à l'horizon 2022 selon le rapport sénatorial du 25 septembre 2019, ainsi que les effectifs de la médecine du travail diminuent les droits et la protection des travailleurs face aux demandes excessives de leurs donneurs d'ordre.
Tout cela conduit à une détérioration croissante des conditions de travail et donc à une augmentation des risques d'accident. Quelles sont les possibilités réelles des travailleurs de refuser des ordres les mettant en danger ?
Le danger et la pénibilité du travail conduisent à ce que l'espérance de vie en bonne santé après 65 ans n'augmente que peu en France. Il y a 40 000 accidents conduisant à une reconnaissance d'incapacité. Les inégalités face à la mort sont aussi trop fortes.

Elle lui demande quelles sont les politiques publiques que le Gouvernement entend mettre en œuvre pour diminuer le nombre d'accidents du travail par an ainsi que le nombre de décès, qui devrait au minimum être divisé par 2 pour atteindre la moyenne européenne mais dont l'objectif devrait être d'atteindre zéro décès à cause du travail.

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Réponse du Ministère du travail, du plein emploi et de l'insertion publiée le 12/01/2023

Sur le plan statistique, il convient tout d'abord de rappeler qu'il n'existe pas, à ce jour, de système harmonisé de remontée de l'information au sein de l'Union européenne reposant sur une même définition de l'accident du travail. En France, contrairement à de nombreux pays, l'Assurance maladie inclut depuis 2019 dans les accidents du travail tous les malaises survenus alors que le salarié est en situation de subordination, sans qu'un lien soit nécessairement établi avec le travail. De même, la France décompte les accidents de trajet et de mission, qui représentent une part importante des accidents du travail (406 en 2019), sans que ce type d'accident ne soit pris en compte par d'autres pays. Cela explique pour partie la position de la France dans les études comparatives mentionnées. Pour autant, le constat de l'atteinte d'un palier en matière de sinistralité en France ces dernières années a conduit le ministère du travail, du plein emploi et de l'insertion à dédier un plan d'action à la lutte contre les accidents du travail graves et mortels (PATGM). Ce plan, lancé en mars 2022, intègre des mesures concrètes visant à renforcer les politiques de prévention à destination des secteurs et catégories de travailleurs les plus touchés par les accidents du travail. Il cible particulièrement les publics vulnérables (jeunes, travailleurs intérimaires, travailleurs détachés), ainsi que les très petites entreprises (TPE) -petites et moyennes entreprises (PME). Le PATGM prévoit en outre des actions pour mieux prévenir les risques prioritaires tels que le risque routier, le risque de chute de hauteur, ou le risque lié à l'usage des équipements de travail. Enfin, le PATGM entend impliquer l'ensemble des acteurs dans la lutte contre la sinistralité au travail, en s'appuyant notamment sur les représentants du personnel. Ces actions se déclinent également en région, au travers des plans régionaux santé au travail. A ce titre, quinze régions ont désormais élaboré et lancé des actions de lutte contre les accidents du travail graves et mortels. Le premier bilan d'étape du plan, effectué en décembre 2022, met en évidence des réalisations concrètes, par exemple en matière de lutte contre la sinistralité des jeunes travailleurs ou de communication autour des risques prioritaires, comme le risque routier professionnel. Ce bilan a été partagé avec les partenaires sociaux au sein du comité national de prévention et de santé au travail (CNPST) et lors d'une réunion dédiée à ce sujet, présidée par le ministre du travail. La dynamique engagée est appelée à s'intensifier avec d'autres actions concrètes ciblées vers les publics les plus exposés. De manière complémentaire, les contrôles en matière de santé et de sécurité au travail constituent une des priorités des agents de l'inspection du travail. Sur les huit priorités retenues en 2021 dans le plan national d'action de l'inspection du travail, la moitié sont liées à la santé, la sécurité et les conditions de travail :  le risque de chute de hauteur, le risque d'inhalation de fibres d'amiante, le contrôle des entreprises à risques majeurs et la prévention de l'exposition à la Covid-19. Enfin, l'importance de la réalisation d'enquêtes pour donner suite à la survenance d'accidents graves ou mortels a été réaffirmée dans le plan national d'action pour les années 2020-2022. Le Gouvernement est donc pleinement mobilisé sur ce sujet, qui constitue une priorité et fait partie des sujets abordés dans le cadre des Assises du travail. Les propositions émises dans ce cadre seront prises en compte afin d'améliorer les mesures déjà mises en œuvre.

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