Question de Mme FÉRET Corinne (Calvados - SER) publiée le 15/12/2022

Question posée en séance publique le 14/12/2022

M. le président. La parole est à Mme Corinne Féret, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme Corinne Féret. Pour répondre aux difficultés qu'il a lui-même créées, le Gouvernement vient, par voie d'amendement au projet de loi de finances pour 2023, d'instaurer un reste à charge pour les salariés qui mobilisent leur compte personnel de formation (CPF).

Sur le fond, tout d'abord, les Français qui utiliseront leur CPF pour financer une action de formation, un accompagnement vers la validation des acquis de l'expérience (VAE) ou un bilan de compétences se verront désormais appliquer une franchise. Seules deux possibilités d'exonération du ticket modérateur sont prévues.

En somme, on est très – très – loin de ce que le Gouvernement nous survendait en 2018 avec la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel, lorsqu'il prétendait vouloir « libérer les salariés et leur offrir plus de droits ». Il faut le dire : c'en est fini du CPF, dispositif construit par les partenaires sociaux en vue de permettre aux salariés de construire leur parcours professionnel.

Votre mesure est totalement injuste ; elle éloignera encore davantage de la formation les salariés aux petites rémunérations, qui, souvent, sont déjà ceux qui y ont déjà le moins accès. Les mêmes que vous voulez faire travailler jusqu'à 65 ans, vous voulez les faire payer pour se former, c'est-à-dire pour rester dans l'emploi !

Quant à la forme, ensuite, on ne décide pas comme ça, un week-end, en pleine nuit, de remettre en question la formation professionnelle, et ce à coups de 49.3, sans avoir échangé avec les partenaires sociaux !

Alors que ces derniers vous ont remis très récemment des propositions concrètes, madame la ministre, vous engagez-vous à les écouter enfin et à mettre en œuvre des mesures justes de régulation du CPF permettant de concilier équilibre financier et développement des compétences ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur des travées du groupe CRCE – Mme Valérie Létard applaudit également.)


Réponse du Ministère auprès du ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion et du ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse, chargé de l'enseignement et de la formation professionnels publiée le 15/12/2022

Réponse apportée en séance publique le 14/12/2022

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l'enseignement et de la formation professionnels.

Mme Carole Grandjean, ministre déléguée auprès du ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion et du ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse, chargée de l'enseignement et de la formation professionnels. Madame la sénatrice, de quoi s'agit-il ? Il s'agit de revenir à l'esprit du compte personnel de formation (M. Hussein Bourgi et Mme Monique Lubin s'exclament.), en commençant par impliquer davantage les bénéficiaires du CPF dans leurs choix de formation, pour en faire un acte réfléchi, lié à un projet professionnel.

Cette disposition s'intègre dans une logique globale. Je le disais tout à l'heure, elle est défendue par le Gouvernement depuis plusieurs mois et vise à corriger des dérives et des fraudes relatives au système de formation professionnelle. Des dispositions dont le Parlement a déjà eu à connaître et à débattre ont d'ailleurs été adoptées.

Nous nous sommes notamment inspirés, madame la sénatrice, des propositions faites dans votre propre rapport sur la soutenabilité financière de France compétences, corédigé avec vos collègues Frédérique Puissat et Martin Lévrier, où vous recommandiez la mise en place d'un reste à charge pour l'utilisateur du compte personnel de formation.

Pour ces raisons, le Gouvernement a déposé, au début du mois de novembre, en première lecture à l'Assemblée nationale, un amendement visant à mettre en place un mécanisme de régulation du compte personnel de formation dans l'attente de la fin des négociations avec les partenaires sociaux. Le Sénat a modifié ce texte pour poser directement le principe d'un reste à charge. En seconde lecture, le Gouvernement a souhaité proposer un amendement d'équilibre posant le principe d'une participation du titulaire, mais aussi des cas d'exonération pour les demandeurs d'emploi et en cas d'abondement par l'employeur.

C'est sur cette base que les concertations vont désormais s'engager avec les partenaires sociaux, avec les parlementaires et avec les acteurs de la formation, afin de s'assurer que la participation de la personne ne constitue pas une barrière à la mobilisation des droits.

Mme Monique Lubin. Drôle de concertation !

M. Fabien Gay. On devra payer pour ses droits !

M. le président. La parole est à Mme Corinne Féret, pour la réplique.

Mme Corinne Féret. Madame la ministre, sans vouloir être désagréable, je sais très bien ce qu'il y a dans notre rapport sénatorial. Vous ne sauriez déformer ainsi nos écrits !

Mmes Cathy Apourceau-Poly et Michelle Meunier. Exactement !

Mme Corinne Féret. Non, nous n'avons décidément pas les mêmes valeurs. Pour moi, le dialogue social, c'est la concertation, c'est l'écoute, c'est l'échange, c'est la recherche de solutions avec les partenaires sociaux ! Une fois de plus, vous avez fait les choses sans eux, alors qu'ils ne sont pas opposés à des mesures permettant d'améliorer le système actuel.

Où est la justice sociale dans ce que vous imposez ? Nulle part ! Vous ne voulez rien coconstruire : vous voulez obliger les salariés à tirer un trait sur leurs droits sociaux et à payer pour se former. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.)

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