Question de Mme VOGEL Mélanie (Français établis hors de France - GEST) publiée le 08/12/2022

Mme Mélanie Vogel attire l'attention de Mme la Première ministre sur la nécessaire transformation en projet de loi de la proposition de loi constitutionnelle visant à protéger et à garantir le droit fondamental à l'interruption volontaire de grossesse (IVG) adoptée à l'Assemblée nationale le 24 novembre 2022.

Alors que le Président de la République déclarait le 25 novembre 2022 qu'il fallait « respecter [le] chemin parlementaire », Mme la Première ministre énonçait en revanche depuis des mois son soutien total à la constitutionnalisation de l'avortement en France au regard de son importance et des menaces constatées à l'international.

Or, le meilleur véhicule pour constitutionnaliser le droit à l'avortement est sans conteste la présentation par le Gouvernement d'un projet de loi.

En effet, alors que la poursuite de la navette parlementaire conduirait inexorablement à un référendum national, un projet de loi permettrait la ratification par le Parlement réuni en congrès des modifications constitutionnelles.

Or, selon un sondage de l'Ifop de novembre 2022, près de neuf personnes sur dix sont favorables à l'inscription du droit à l'avortement dans la Constitution en France.

L'organisation d'un référendum national sur le sujet ne paraît donc en rien nécessaire, ni même justifiée démocratiquement.

En effet, elle imposerait à l'État de dépenser des dizaines de millions d'euros pour poser aux françaises et aux français une question à laquelle la réponse ne fait l'ombre d'un doute, question qui au demeurant ne porte pas sur une modification substantielle d'un droit mais sur le simple rehaussement de son niveau de protection, tout ceci en offrant une tribune inédite aux opposants au droit à l'IVG plébiscité par l'ensemble de la population française.

Aussi, elle l'interroge afin de connaître la date à laquelle le Gouvernement déposera un projet de loi visant à constitutionnaliser le droit à l'IVG, au regard du consensus des oppositions et du Gouvernement sur cette consécration du droit à l'avortement ne nécessitant pas de référendum.

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Transmise au Ministère de la justice


Réponse du Secrétariat d'État auprès du ministre de l'intérieur et des outre-mer, chargé de la citoyenneté publiée le 14/12/2022

Réponse apportée en séance publique le 13/12/2022

M. le président. La parole est à Mme Mélanie Vogel, auteure de la question n° 307, transmise à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.

Mme Mélanie Vogel. Madame la secrétaire d'État, vous le savez, lors d'un vote historique à l'Assemblée nationale le 24 novembre dernier, les députés ont adopté une proposition de loi constitutionnelle visant à introduire le droit à l'avortement dans la Constitution.

Cette proposition de loi, qui était portée par Mathilde Panot, a été adoptée grâce à des votes émanant de tous les groupes, validant une proposition de formulation commune à une écrasante majorité.

Le Gouvernement s'est déclaré, depuis la réélection d'Emmanuel Macron, favorable à cette modification de la Constitution – sa position ayant été contraire durant le premier mandat, je m'en félicite !

Ma question est la suivante : le Gouvernement compte-t-il déposer un projet de loi visant à inscrire le droit à l'avortement dans la Constitution ?

En effet, il s'agirait du véhicule législatif le plus approprié, car le chemin parlementaire d'une proposition de loi ne nous permet pas d'adopter celle-ci en Congrès, et nous impose de passer par un référendum.

Or un référendum ne paraît ni nécessaire ni justifié sur le plan démocratique, pour plusieurs raisons.

Tout d'abord, 86 % de la population se déclare favorable à cette modification. Nous ne voyons donc pas pourquoi il serait absolument nécessaire d'organiser un référendum.

Par ailleurs, l'organisation d'un référendum coûte des dizaines de millions d'euros. À un moment où les finances publiques sont, nous dit-on, sous tension, pourquoi dépenserions-nous une telle somme pour poser aux Françaises et aux Français une question à laquelle nous connaissons déjà la réponse ?

Enfin, la tenue d'un référendum implique une campagne référendaire. Celle-ci se tiendrait alors pendant des mois, durant lesquels toutes les personnes qui s'opposent au droit à l'avortement disposeraient d'une tribune pour s'opposer à un droit pourtant défendu par une écrasante majorité des Françaises et des Français.

Je le redis, ma question est très simple : le Gouvernement déposera-t-il un projet de loi ? Attendez-vous un vote favorable du Sénat ou comptez-vous agir avant ? Surtout, si vous ne voulez pas agir en ce sens, pouvez-vous nous expliquer pourquoi car personne n'en comprend les raisons ?

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Sonia Backès, secrétaire d'État auprès du ministre de l'intérieur et des outre-mer, chargée de la citoyenneté. Madame la sénatrice Vogel, le droit à l'interruption volontaire de grossesse (IVG) pour nos concitoyennes est l'un de nos droits fondamentaux les plus absolus.

Nul – je dis bien nul – ne doit pouvoir retirer aux femmes le droit de disposer de leur corps. C'est pourquoi le Président de la République a annoncé, dès janvier dernier, vouloir l'inscrire dans la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.

La décision choquante et incompréhensible de la Cour suprême outre-Atlantique n'a fait que renforcer notre volonté en ce sens. Certains diront que l'exemple américain n'a pas sa place en France. Certes, nos institutions fonctionnent différemment ; le droit à l'IVG est ici mieux protégé. Mais, de grâce, ne prenons pas de risque, car il suffira d'une crise pour que le droit des femmes soit remis en cause !

C'est pourquoi, comme l'ont annoncé la Première ministre et le garde des sceaux, le Gouvernement appuiera toutes les initiatives parlementaires engagées sur cette question. C'est d'ailleurs ce qu'il a fait le 19 octobre dernier en soutenant avec force votre proposition de loi, madame la sénatrice. Malheureusement, ce texte, qui évoquait également la contraception, a été rejeté de seulement 17 voix – nous le regrettons.

Vous le savez, le 24 novembre dernier, le garde des sceaux a de nouveau répondu présent en soutenant la proposition de loi de la présidente Panot qui a, elle, été largement adoptée à l'Assemblée nationale, ce dont le Gouvernement se félicite.

Je note d'ailleurs que, pour concentrer nos efforts, la majorité et la présidente Aurore Bergé ont retiré leur proposition de loi.

Il revient désormais au Sénat de se prononcer sur la nouvelle version adoptée, qui est selon nous plus à même de faire consensus en ce qu'elle ne mentionne pas la contraception et renvoie à la loi.

En effet, je rappelle que, en matière de révision constitutionnelle, quel que ce soit le véhicule législatif – que ce soit une proposition de loi ou un projet de loi –, la règle est la même : il faut que les deux chambres donnent leur accord. Or cela ne semble pas être acquis à ce stade, en particulier en ce qui concerne la chambre dans laquelle nous nous trouvons.

Le Parlement est dans son rôle, le Gouvernement est dans le sien pour soutenir ces initiatives, qui sont engagées et cheminent, afin que le droit à l'IVG soit enfin protégé dans notre norme suprême.

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