Question de Mme BRULIN Céline (Seine-Maritime - CRCE) publiée le 15/12/2022

Mme Céline Brulin attire l'attention de M. le ministre de la santé et de la prévention sur la situation des urgences psychiatriques du centre Pierre-Janet du Havre. Les personnels de cet établissement de santé mentale font part de leur désarroi face à la dégradation de leurs conditions de travail mais surtout des conditions d'accueil des patients. La raison de cette détérioration est connue et identifiée puisque c'est le manque de moyens matériels et humains qui empêche ce service de fonctionner convenablement. Le personnel pointe particulièrement le manque d'effectifs paramédicaux et médicaux, le manque de formation pour la prise en charge de cette patientèle aux besoins particuliers, le manque de lits ouverts puisque seules six chambres individuelles et une chambre de soins intensifs sont disponibles… Les personnels sont contraints de travailler sous le prisme de la gestion du manque et de la pénurie. Ils ne demandent pas des moyens démesurés mais simplement ceux auxquels ils peuvent légitimement prétendre pour mener à bien toutes leurs missions. C'est pourquoi elle lui demande de lui préciser ses intentions pour doter l'unité d'accueil et de crise de l'hôpital Pierre-Janet de tous les moyens nécessaires à son bon fonctionnement. Plus largement, elle aimerait connaître les mesures envisagées pour sortir les unités et hôpitaux psychiatriques du marasme dans lequel les personnels et patients sont confrontés au quotidien.

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Réponse du Ministère auprès du ministre de la santé et de la prévention, chargé de l'organisation territoriale et des professions de santé publiée le 25/01/2023

Réponse apportée en séance publique le 24/01/2023

M. le président. La parole est à Mme Céline Brulin, auteure de la question n° 316, adressée à M. le ministre de la santé et de la prévention.

Mme Céline Brulin. Madame la ministre, il a fallu que des agents se perchent sur le toit de l'hôpital Pierre-Janet au Havre et que leurs collègues du centre hospitalier du Rouvray fassent une grève de la faim pour se faire entendre il y a maintenant quatre ans. Faites en sorte, madame la ministre, que nous n'en arrivions pas de nouveau à de telles extrémités !

Les services psychiatriques tentent en effet de tenir le coup face à un véritable raz-de-marée de mal-être, mais cela devient très difficile, tout particulièrement aux urgences.

Au Havre, il est ainsi demandé au personnel de gérer la pénurie. L'hôpital manque de médecins, d'infirmiers, de soignants paramédicaux. En outre, seules six chambres individuelles et une chambre de soins intensifs sont disponibles, alors que le nombre d'admissions ne cesse d'augmenter.

Alors que ce centre hospitalier a perçu 25 millions d'euros, rien ne semble prévu pour les urgences psychiatriques. De quels moyens humains disposeront l'unité d'accueil et de crise, qui doit ouvrir au mois d'avril, et les lieux spécialisés dans la pédopsychiatrie, dont l'ouverture est prévue au mois de septembre ?

Comment ne pas imaginer le pire alors qu'un décret relatif à la psychiatrie paru en septembre 2022 acte des conditions de travail dégradées à partir du mois de juin 2023 : il prévoit par exemple un seul infirmier par quart !

La pratique avancée ouverte aux infirmiers risque de ne pas suffire pour compenser la disparition de la spécialisation d'infirmier psychiatrique et pour attirer des personnels, dont nous avons pourtant grand besoin.

J'évoquerai également la situation de l'unité d'accueil et d'orientation (Unacor) du centre hospitalier du Rouvray, qui compte quinze lits disponibles, mais où l'engorgement est constant. Des mineurs sont hospitalisés en chambre d'isolement pour les protéger de patients adultes. L'hôpital dispose d'une unité régionale d'hospitalisation pour enfants et adolescents, mais pas de nouveaux moyens, seuls des redéploiements de postes ayant été effectués.

Madame la ministre, quelles solutions comptez-vous mettre en œuvre afin de pallier ce manque de personnels indispensables et de sortir les services du marasme auxquels ils sont confrontés au quotidien ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée auprès du ministre de la santé et de la prévention, chargée de l'organisation territoriale et des professions de santé. Madame la sénatrice Brulin, je ne peux pas vous laisser dire qu'il a fallu que les agents se perchent sur le toit de l'hôpital pour que l'État réponde à la problématique de la psychiatrie en France !

Avec le soutien du Gouvernement et de l'agence régionale de santé, le groupement hospitalier du Havre (GHH) a engagé un travail de fond pour améliorer les conditions de travail des personnels et les conditions d'accueil des patients en psychiatrie.

Aux 750 équivalents temps plein (ETP) que comptait le centre Pierre-Janet à la fin de l'année 2018, il faut ajouter la trentaine de postes de soignants qui ont été créés au début de l'année 2019 au sein des pavillons d'hospitalisation et des urgences psychiatriques. Un pool de nuit a ainsi été constitué.

En 2020, 10,7 ETP ont été créés pour renforcer la psychiatrie périnatale. Ils ont aussi permis la mise en service d'une unité thérapeutique pour les auteurs de violences conjugales.

Au cours des années 2021 et 2022, une vingtaine de médecins ont également rejoint les rangs du pôle de psychiatrie.

En 2021, le contrat territorial de santé mentale a financé, de manière pérenne, à hauteur de plus de 1 million d'euros, la création de 19,8 nouveaux postes médicaux et paramédicaux afin d'améliorer le suivi des patients durant leur parcours de soins. Cela a permis d'éviter certaines hospitalisations aux urgences psychiatriques.

Au total, depuis le début de l'année 2019, les effectifs en psychiatrie ont augmenté de près de 8 %. Le GHH a également bénéficié du volet relatif aux ressources humaines du Ségur de la santé : il disposera d'une enveloppe supplémentaire de 7,3 millions d'euros d'ici à la fin de l'année 2024. Ce financement permettra notamment la création de 18 postes supplémentaires, dont 6 en psychiatrie.

Les moyens matériels de ce groupement hospitalier seront également considérablement renforcés d'ici à 2030. Ainsi, le GHH prévoit d'investir plus de 36 millions d'euros dans l'infrastructure immobilière de la psychiatrie, d'adapter l'hôtellerie dans les lieux d'accueil et de soins et de mettre en œuvre un plan de rénovation.

L'unité d'accueil et de crise est d'ores et déjà en travaux. Sa rénovation et son adaptation permettront d'améliorer les conditions d'accueil des patients et le travail des professionnels. Au total, le coût de ces travaux s'élève à 2,5 millions d'euros, l'ouverture de cette unité, vous l'avez dit, étant prévue en avril prochain.

Sont également programmées les restructurations immobilières de trois pavillons, pour un coût de 4,5 millions d'euros.

Enfin, à la fin de l'année 2023, le bâtiment de psychiatrie devrait être achevé à l'hôpital Flaubert, au sein duquel seront intégrées les unités de pédopsychiatrie universitaire du centre-ville, certaines équipes mobiles pour adultes et deux unités d'hospitalisation pour adultes, pour un montant de 25 millions d'euros.

Enfin, en 2022, le GHH a perçu 63 millions d'euros de dotation psychiatrie, dont 57,3 millions d'euros de crédits pérennes, soit une augmentation de 5,7 % par rapport à l'année 2021.

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