Question de M. PANUNZI Jean-Jacques (Corse-du-Sud - Les Républicains-A) publiée le 15/12/2022

M. Jean-Jacques Panunzi attire l'attention de Mme la ministre déléguée auprès du ministre de l'intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité, sur l'obligation de transfert aux établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) de la compétence en matière d'eau et d'assainissement, qui avait été introduite par la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, aux communautés d'agglomération au 1er janvier 2020 et aux communautés de communes au plus tard au 1er janvier 2026.

Or, quatre ans plus tard, l'article 14 de la loi n° 2019-1461 du 27 décembre 2019 relative à l'engagement dans la vie locale et à la proximité de l'action publique a assoupli cette contrainte en autorisant les communautés de communes et les communautés d'agglomération à déléguer tout ou partie des compétences liées à l'eau, à l'assainissement des eaux usées ou à la gestion des eaux pluviales aux communes ou aux syndicats infra-communautaires existant au 1er janvier 2019.

Si la loi n° 2022-217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale maintient l'échéance du 1er janvier 2026 pour le transfert, elle impose que les communautés de communes et les communes qui les composent organisent un débat sur la tarification des services publics de l'eau et de l'assainissement ainsi que sur les investissements liés aux compétences transférées. Après ce débat, une convention pourra lier la communauté de communes et les communes sur la tarification et sur les orientations de la politique d'investissement pour la gestion des eaux.

Les élus locaux ne veulent pas à juste titre que la compétence de l'eau et de l'assainissement soit gérée au niveau intercommunal. Les conseils municipaux souhaitent conserver ce levier qui a aussi une dimension sociale. Le coût varie en fonction du mode de gestion s'il s'agit d'une régie, d'une concession, d'une délégation de service public (DSP), etc. Cela dépend aussi des investissements effectués par les collectivités locales pour la qualité du service apporté à la clientèle. Mais aussi par les contraintes géographiques : la qualité et la quantité de ressources disponibles, tout comme l'éloignement du lieu de captage, qui génère une certaine longueur de canalisations et les conséquences, liées à la nature des sols, sur le vieillissement des canalisations impactent les coûts de production et d'entretien.

Il faut aussi prendre en compte le fait que, dans les zones rurales, l'habitat dispersé oblige à un réseau de distribution de grande longueur. Les coûts d'entretien par habitant des réseaux de distribution et de collecte ne sont pas les mêmes qu'en agglomération. Comment une intercommunalité peut gérer de façon efficiente ce type de difficultés ?
Ne pas comprendre cette situation reviendrait à être hors-sol.
C'est dans cet esprit pragmatique qu'un texte d'équilibre a été voté au Sénat le 23 février 2017 à l'initiative du président du groupe Les Républicains, qui ne supprime pas le transfert mais le rend facultatif, c'est une option non obligatoire selon le principe de compétence optionnelle. Il a depuis été transmis à trois reprises à l'Assemblée nationale, le 24 février 2017, le 6 juillet 2017 et plus récemment, le 11 juillet 2022.

Il souhaiterait connaître la position du Gouvernement sur cette proposition de loi et savoir si elle soutiendra ce texte lors de son examen à l'Assemblée nationale afin de permettre aux communes de conserver leurs prérogatives dans les domaines de l'eau et de l'assainissement.

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Réponse du Ministère auprès du ministre de l'intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé des collectivités territoriales et de la ruralité publiée le 25/01/2023

Réponse apportée en séance publique le 24/01/2023

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Panunzi, auteur de la question n° 317, adressée à Mme la ministre déléguée auprès du ministre de l'intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité.

M. Jean-Jacques Panunzi. Madame la ministre, l'obligation de transfert aux établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) de la compétence eau et assainissement a été introduite par la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République. Elle s'applique aux communautés d'agglomération au 1er janvier 2020 et aux communautés de communes au plus tard au 1er janvier 2026.

Or, quatre ans plus tard, l'article 14 de la loi Engagement et proximité du 27 décembre 2019 a assoupli cette contrainte, en autorisant les communautés de communes et les communautés d'agglomération à déléguer tout ou partie des compétences liées à l'eau, l'assainissement des eaux usées ou la gestion des eaux pluviales aux communes ou aux syndicats infracommunautaires existants au 1er janvier 2019.

Si la loi dite 3DS du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale maintient l'échéance du 1er janvier 2026 pour le transfert, elle impose que les communautés de communes et les communes qui les composent organisent un débat sur la tarification des services publics de l'eau et de l'assainissement, ainsi que sur les investissements liés aux compétences transférées.

Madame la ministre, les élus locaux ne veulent pas, à juste titre, que la compétence eau et assainissement soit gérée à l'échelle intercommunale.

Les conseils municipaux souhaitent conserver ce levier, qui a aussi une dimension sociale. Le coût varie en fonction du mode de gestion : régie, concession, délégation de service public (DSP), etc. Il dépend également des investissements effectués par les collectivités locales en matière de qualité du service apporté à la clientèle, ainsi que des contraintes géographiques.

Il faut tenir compte du fait que, dans les zones rurales, les coûts d'entretien par habitant des réseaux de distribution et de collecte ne sont pas les mêmes que dans les agglomérations.

Comment une intercommunalité peut-elle gérer de façon efficiente ce type de difficultés ? Ne pas comprendre cette situation reviendrait à être hors-sol.

C'est dans cet esprit pragmatique que, sur l'initiative de Bruno Retailleau, un texte d'équilibre a été voté au Sénat le 23 février 2017. Il ne supprime pas le transfert, mais le rend facultatif, selon le principe de compétence optionnelle. Ce texte a, depuis lors, été transmis à trois reprises à l'Assemblée nationale : le 24 février 2017, le 6 juillet 2017 et, plus récemment, le 11 juillet 2022.

Madame la ministre, je souhaiterais connaître la position du Gouvernement sur cette proposition de loi et savoir si vous soutiendrez ce texte lors de son examen à l'Assemblée nationale, afin de permettre aux communes de conserver leurs prérogatives dans les domaines de l'eau et de l'assainissement.

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l'intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Monsieur le sénateur Panunzi, le Gouvernement est pleinement engagé dans la poursuite du transfert des compétences eau et assainissement.

Comme l'a indiqué le 29 septembre dernier le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires lors du lancement du premier chantier de la planification écologique consacré à la gestion de l'eau, ce transfert à l'échelon intercommunal répond en effet aux enjeux actuels et futurs liés au changement climatique.

Aujourd'hui, en France, près de 11 000 services gèrent l'eau potable et plus de 12 000 l'assainissement collectif. Cet émiettement est un facteur d'inefficacité et de dilution de l'ingénierie, qui fait obstacle à la bonne connaissance du réseau, à son rendement et à sa bonne gestion.

Le passage à l'échelon intercommunal permettra de disposer de services ayant la taille critique pour assurer une bonne maîtrise et la performance des services d'eau et d'assainissement.

Il permettra d'assurer un service durable, à un coût maîtrisé pour les usagers, par la création d'économies d'échelle issues d'une mutualisation efficace des moyens techniques et financiers.

Cette mesure de transfert n'est d'ailleurs pas nouvelle. Elle a déjà fait l'objet de nombreux ajustements, afin, d'une part, d'adapter les textes aux réalités concrètes du terrain et, d'autre part, de favoriser la concertation entre les différents échelons de collectivités.

Permettez-moi de vous communiquer trois éléments importants.

Premièrement, devant les difficultés d'application rencontrées sur le terrain et mises en évidence par les responsables locaux, la date du transfert obligatoire a été reportée, pour les communautés de communes, du 1er janvier 2020 au 1er janvier 2026.

Deuxièmement, la loi Engagement et proximité a ouvert aux communautés de communes et aux communautés d'agglomération la possibilité de déléguer, par convention, tout ou partie de ces compétences à l'une de leurs communes membres.

Troisièmement, et enfin, la loi 3DS autorise les EPCI à mobiliser plus facilement leur budget principal, pour financer les compétences eau et assainissement, et prévoit l'organisation, dans l'année qui précède le transfert obligatoire, d'un débat préparatoire avec les communes membres.

C'est pourquoi le Gouvernement ne souhaite pas revenir en arrière sur les transferts des compétences eau et assainissement.

À l'occasion des travaux de planification écologique, le Comité national de l'eau a d'ailleurs exprimé la nécessité d'une stabilité de la législation à ce sujet, les reports successifs ayant entraîné de la part des collectivités récalcitrantes une posture d'attentisme, qui est préjudiciable à la bonne gestion de l'eau.

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