Question de M. BENARROCHE Guy (Bouches-du-Rhône - GEST) publiée le 29/12/2022

M. Guy Benarroche souhaite attirer l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice sur les conditions sine qua non à satisfaire en matière de ressources humaines pour la généralisation des cours criminelles départementales (CCD).

« Les délais d'audiencement sont beaucoup plus courts », « en matière de violences sexuelles et sexistes, nous avons mis un terme aux insupportables correctionnalisations. » Telle était la réponse du ministre le 13 décembre 2022 lors d'une question de sa collègue du groupe écologiste à l'Assemblée.
La position du groupe Écologie solidarité et territoires sur les jurés populaires est simple : ils sont plus qu'importants car ils concrétisent le principe d'être jugé par ses pairs, selon une loi pénale votée par ses représentants.
Cette position, exposée lors des débats parlementaires, accompagnait : les craintes d'une justice spécialisée dans les violences sexistes et sexuelles qui, ni ne dirait son nom, ni ne bénéficierait d'une réelle spécialisation (ou formation) ; le refus d'une généralisation d'une expérimentation non évaluée.

La loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l'institution judiciaire a mis en place un comité d'évaluation des cours criminelles départementales dont il était l'un des membres.

Les résultats ne sont pas ceux avancés par le ministre : rien ne permet d'affirmer que ces CCD ont mis un terme aux correctionnalisations.
Le directeur des services judiciaires a lui même indiqué « ne pas être en mesure d'établir le nombre de dossiers concernés » et l'union syndicale des magistrats indique qu' « aucune baisse de la charge des audiences correctionnelles (…) n'a été constatée. »

Le rapport conclut sur ce point que « le comité partage le constat général d'une difficulté d'évaluation de l'impact des CCD sur la correctionnalisation (…) et souhaiterait qu'une étude soit menée à cette fin » et a « proposé de doter la direction des affaires criminelles et des grâces (DACG) d'un outil statistique lui permettant d'appréhender les effets du fonctionnement des CCD sur la correctionnalisation ».

Il souhaite connaître un point précis lié à cette généralisation mis en avant par les travaux de ce comité : les besoins en ressources humaines inhérents, qui n'ont pas été évalués en amont.
Le comité a mis en évidence les besoins tant en termes immobiliers que de personnel (afin de ne pas enlever le temps et l'espace aux autres cours).
Il a par ailleurs souhaité, à l'aune d'un retour d'expérimentation qui ne fait état que de 9 % des affaires qui se déroulent devant 5 magistrats de carrière, « qu'une évaluation (du nombre de magistrats et de greffiers rendus nécessaires au fonctionnement généralisé des CCD dans les conditions prévues par la loi) soit réalisée (…) avant la mise en œuvre de cette généralisation ».

Aussi, puisque la généralisation est officiellement en place depuis le 1er janvier 2022, il souhaiterait connaître ces chiffres des besoins en personnel maintes fois réclamés.

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Réponse du Ministère auprès du ministre des solidarités, de l'autonomie et des personnes handicapées, chargé des personnes handicapées publiée le 13/01/2023

Réponse apportée en séance publique le 12/01/2023

M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche, auteur de la question n° 336, adressée à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.

M. Guy Benarroche. Ma question s'adresse au garde des sceaux, ministre de la justice, et concerne la généralisation des cours criminelles départementales (CCD).

« Les délais d'audiencement sont beaucoup plus courts […]. En matière de violences sexuelles et sexistes, nous avons mis un terme aux insupportables correctionnalisations. » Telle était la réponse du garde des sceaux, le 13 décembre dernier, à une question de ma collègue écologiste à l'Assemblée nationale, Francesca Pasquini, qui l'interrogeait sur la généralisation des CCD.

Vous connaissez, madame la ministre, notre position sur les jurys populaires. Ils sont plus qu'importants, car ils concrétisent le principe du jugement par ses pairs selon une loi pénale votée par les représentants de la Nation. La généralisation d'une expérimentation non évaluée ne fait qu'aggraver nos craintes de création d'une justice spécialisée dans les violences sexistes et sexuelles qui ne dirait pas son nom, sans aucune formation spécifique.

La loi pour la confiance dans l'institution judiciaire a mis en place un comité d'évaluation, dont j'étais membre pour le Sénat.

Les résultats ne sont pas ceux qui ont été avancés : rien ne vous permet de conclure que cela a mis un terme aux correctionnalisations, que nous regrettons tout autant que vous.

Le directeur des services judiciaires a lui-même indiqué ne pas être en mesure d'établir le nombre de dossiers concernés, et l'Union syndicale des magistrats (USM) a souligné qu'aucune baisse de la charge des audiences correctionnelles n'a été constatée.

Le rapport d'évaluation conclut sur ce point que « le comité partage le constat général d'une difficulté d'évaluation de l'impact des CCD sur la correctionnalisation […] et souhaiterait qu'une étude soit menée à cette fin », proposant « de doter la direction des affaires criminelles et des grâces (DACG) d'un outil statistique lui permettant d'appréhender les effets du fonctionnement des CCD sur la correctionnalisation ».

Ma question porte plus particulièrement sur un point d'attention constant que j'ai soulevé lors des travaux de ce comité : les besoins en ressources humaines inhérents à cette généralisation.

Le comité a mis en évidence les besoins en matière tant d'immobilier que de personnel, afin de ne pas enlever du temps et l'espace aux autres cours. Par ailleurs, sur la foi d'un retour d'expérimentation révélant que seulement 9 % des affaires se déroulaient devant cinq magistrats de carrière, il a souhaité « qu'une évaluation du nombre de magistrats et de greffiers rendus nécessaires au fonctionnement généralisé des CCD dans les conditions prévues par la loi soit réalisée […] avant la mise en œuvre de cette généralisation ».

La généralisation étant officiellement effective depuis le 1er janvier, pouvez-vous nous donner cette évaluation demandée des besoins en ressources humaines, des chiffres maintes fois réclamés ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités, de l'autonomie et des personnes handicapées, chargée des personnes handicapées. Monsieur le vice-président de la commission des lois, M. le garde des sceaux m'a chargée de vous répondre.

Le Gouvernement est, tout comme vous, particulièrement attaché aux jurés populaires. C'est pourquoi la souveraineté du jury populaire dans les cours d'assises a été renforcée par la loi pour la confiance dans l'institution judiciaire de décembre 2021, puisqu'il faut désormais une véritable majorité de jurés pour condamner un accusé.

Le rapport du comité d'évaluation, dont vous avez fait partie, et qui a été rendu en octobre 2022, permet de conclure que les objectifs visés par cette expérimentation, notamment la réduction des délais de traitement des procédures criminelles, sont globalement atteints.

L'ensemble des personnes, y compris les plus critiques à l'égard des cours criminelles départementales, se sont accordées pour reconnaître que les principes de l'oralité des débats et du contradictoire avaient été respectés comme en cours d'assises.

Les plaidoiries se déroulent dans un climat moins pesant. Les parties civiles sont plus à l'aise pour s'exprimer devant cette nouvelle juridiction, et les délais d'audiencement sont plus courts : 12 mois contre 18 mois pour une cour d'assises.

La CCD permet, du fait de ces délais beaucoup plus courts, de restituer aux faits de viol, massivement correctionnalisés, leur véritable qualification. En effet, son activité concerne à 81 % des affaires de viol.

Concernant les besoins de magistrats dus à cette généralisation, j'indique que les magistrats honoraires et les magistrats à titre temporaire ont pleinement joué leur rôle : dans 74 % des affaires jugées, le collège de magistrats était composé de deux magistrats honoraires et à titre temporaire, soit le nombre maximum permis par la loi. Ainsi, dans ces cas, les affaires mobilisaient trois magistrats professionnels, soit autant qu'une audience correctionnelle.

Par ailleurs, ces magistrats non professionnels sont renforcés par les avocats honoraires ayant des fonctions juridictionnelles, créés par la loi pour la confiance dans l'institution judiciaire, et qui peuvent entrer dans la composition de ce collège de magistrats pour les CCD. Ce nouveau statut a rencontré un franc succès chez les avocats.

Le garde des sceaux travaille avec les professionnels du droit et les universités pour intensifier tous ces recrutements.

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