Question de M. RAMBAUD Didier (Isère - RDPI) publiée le 29/12/2022

M. Didier Rambaud attire l'attention de Mme la ministre déléguée auprès du ministre de l'intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité, sur la lutte contre les constructions illégales en zones protégées, qu'elles soient naturelles, agricoles ou soumises à risques naturels.

Nombre de communes sont aujourd'hui confrontées à des installations sauvages sur ces zones, réalisées quelquefois en catimini mais aussi, et souvent, au vu et au su des autorités, les auteurs de ces infractions se sachant pour la plupart du temps à l'abri des poursuites et des sanctions du fait des contraintes légales, et il faut le dire, budgétaires, pesant sur les collectivités pour faire constater et cesser ces infractions.

La loi n° 2019-1461 du 27 décembre 2019 relative à l'engagement dans la vie locale et à la proximité de l'action publique a mis en place un nouveau mécanisme administratif de traitement des infractions aux règles d'urbanisme, qui complète fort utilement les poursuites pénales. Il faut le saluer.

Concrètement, une fois le procès-verbal d'infraction au code de l'urbanisme dressé, le maire a la faculté de mettre en demeure l'auteur de cette infraction, soit de procéder aux travaux nécessaires à la mise en conformité de la construction, soit de déposer une demande d'autorisation visant à les régulariser, cette décision pouvant être assortie d'une astreinte de 500 euros maximum par jour de retard.

Toutefois, dans la réalité, cette procédure se heurte à de multiples obstacles de mise en œuvre, allant de la difficulté de faire constater l'infraction, souvent face à l'hostilité des occupants illégaux, à l'impossibilité de faire recouvrer le montant des astreintes, les occupants ayant organisé leur insolvabilité.

Certaines communes pensaient avoir trouvé la parade, préemptant, lorsque c'était financièrement faisable, des terrains sensibles lorsqu'une vente était annoncée. Mais à parade, parade et demie, puisque désormais ces terrains sont loués avec un bail emphytéotique, baux qui ne sont pas soumis à la publicité foncière et passent ainsi sous les radars.

À l'heure du « zéro artificialisation nette », alors que l'État demande aux communes de restreindre l'étalement urbain, la colère des élus locaux face à ces installations sauvages est compréhensible. Ces mêmes élus se tournent désormais vers le Gouvernement pour lui demander de concrétiser son action de planification écologique en donnant à la justice et à une police de l'environnement des moyens renforcés pour que ces dossiers d'installations sauvages soient traités avec la diligence nécessaire, notamment dans les cas de mise en danger des personnes et de destruction de zones naturelles et agricoles. Il leur est difficilement acceptable de constater que les délais des procédures sont tels qu'un dossier pour déboisement illégal ne sera toujours pas jugé quand le terrain sera totalement remblayé, viabilisé, construit et habité. Les dommages sont souvent irréversibles et une fois un terrain habité il sera pratiquement impossible de déloger un foyer installé.

Aussi, il lui demande comment elle entend venir en appui des collectivités pour que ce problème majeur soit traité efficacement et que la loi soit respectée dans sa plénitude.

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Réponse du Ministère auprès du ministre de l'intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé des collectivités territoriales et de la ruralité publiée le 25/01/2023

Réponse apportée en séance publique le 24/01/2023

M. le président. La parole est à M. Didier Rambaud, auteur de la question n° 339, adressée à Mme la ministre déléguée auprès du ministre de l'intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité.

M. Didier Rambaud. Madame la ministre, je souhaite appeler votre attention sur les constructions illégales en zones protégées, qu'elles soient naturelles, agricoles ou soumises aux risques naturels.

Nombre de communes sont confrontées sur ces zones à des installations sauvages, souvent réalisées au vu et au su des autorités. Les auteurs des infractions se savent, la plupart du temps, à l'abri des poursuites et des sanctions du fait des contraintes légales et budgétaires qui pèsent sur les collectivités pour faire constater et cesser ces infractions.

La loi du 27 décembre 2019 relative à l'engagement dans la vie locale et à la proximité de l'action publique a mis en place un nouveau mécanisme administratif de traitement des infractions aux règles d'urbanisme qui complète fort utilement les poursuites pénales. Je tiens à le souligner.

Toutefois, ce mécanisme se heurte, dans la réalité, à de multiples obstacles de mise en œuvre, qui vont de la difficulté de faire constater l'infraction face à l'hostilité des occupants illégaux jusqu'à l'impossibilité de faire recouvrer le montant des astreintes, ces mêmes occupants ayant bien souvent organisé leur insolvabilité.

Certaines communes pensaient avoir trouvé la parade en préemptant, quand c'était financièrement faisable, des terrains sensibles lorsqu'une vente était annoncée. Mais désormais, ces terrains sont loués avec un bail emphytéotique, qui n'est pas soumis à la publicité foncière. La transaction passe ainsi sous les radars.

À l'heure du « zéro artificialisation nette » (ZAN), la colère des élus locaux face à ces installations sauvages est compréhensible. Ils demandent que des moyens renforcés soient attribués à la justice et à la police de l'environnement, pour que ces dossiers soient traités rapidement, notamment dans les cas de mise en danger des personnes et de destruction de zones naturelles et agricoles.

Les délais de procédure sont tels aujourd'hui qu'un dossier pour déboisement illégal, par exemple, ne sera toujours pas jugé quand le terrain sera totalement remblayé, viabilisé, construit et habité. Les dommages sont souvent irréversibles, et une fois un terrain habité, il sera pratiquement impossible de déloger un foyer installé.

Aussi, madame la ministre, comment entendez-vous venir en appui des collectivités, pour que ce problème majeur soit traité efficacement et pour que la loi soit respectée dans sa plénitude ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l'intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Monsieur le sénateur Rambaud, les constructions illégales sont effectivement un phénomène préoccupant, que différents outils – vous les avez relevés – permettent néanmoins de traiter.

À ceux que vous citez, il faut encore ajouter les documents d'urbanisme, qui constituent un préalable efficace pour limiter les constructions illégales. En effet, en déterminant les secteurs dans lesquels les constructions sont interdites, ils permettent de mieux identifier les constructions illégales et en facilitent, in fine, la verbalisation.

La surveillance foncière des secteurs, notamment les plus sensibles d'entre eux, qui sont propices à des implantations discrètes et illégales, peut s'opérer dans le cadre des déclarations d'intention d'aliéner (DIA), qui sont transmises aux communes en cas de vente de terrains et qui permettent de repérer les transactions atypiques pouvant donner lieu à des implantations illégales.

Toutefois, comme vous l'avez relevé, la tâche est rendue plus difficile lorsqu'il y a non pas une cession préalable à l'implantation illégale, mais un simple bail emphytéotique.

Dans ce cas, une partie de la solution pourra résider dans la limitation de l'accès, dans ces espaces sensibles rarement urbanisés, aux réseaux d'électricité, d'eau, de gaz ou de téléphone, le raccordement étant interdit pour les constructions illégales. Les infractions relevées pourront ensuite être traitées dans le cadre des procédures pénales, un outil qui ne doit pas être négligé.

Certes, leur efficacité dépend de l'intervention effective de l'ensemble des acteurs de la chaîne pénale, mais des protocoles de travail existent entre les services déconcentrés de l'État et les parquets, afin d'accompagner techniquement les maires.

La loi du 27 décembre 2019 que vous mentionnez a instauré un mécanisme administratif rapide, qui est à la main des élus locaux et qui est parallèle aux poursuites pénales. Il permet la mise en demeure de régulariser, sous astreinte, les constructions, travaux et installations réalisés illégalement, y compris en cas de démolition nécessaire.

Certes, comme vous l'indiquez, l'astreinte perd de son efficacité en cas d'insolvabilité de l'intéressé. Toutefois, elle peut viser non seulement le propriétaire, mais également toutes les autres personnes mentionnées par le procès-verbal d'infraction, comme les utilisateurs du sol, les bénéficiaires des travaux, les architectes, les entrepreneurs ou encore toute personne responsable de l'exécution desdits travaux. Le nombre élevé des personnes pouvant être visées par cette astreinte participe grandement à l'efficacité de l'outil.

Il faut enfin rappeler que les services locaux de l'État peuvent assister les communes dans la lutte contre ces infractions, de manière directe ou au travers des divers guides élaborés à cette fin.

En résumé, si le problème que pose la lutte contre les constructions illégales est prégnant, des solutions qui n'ont cessé d'être améliorées au fil du temps existent, et elles fonctionnent.

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