Question de M. JOLY Patrice (Nièvre - SER) publiée le 08/12/2022

M. Patrice Joly attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur et des outre-mer sur les difficultés qu'implique le moratoire de 2008 pour les communes autorisées à utiliser des machines à voter.

À la suite d'incidents techniques survenus dans les années 2000 en Belgique et aux Pays-Bas, la fiabilité de ces appareils a été questionnée et un moratoire a été instauré en France en 2008. Il n'autorise qu'un petit nombre de communes – listées dans un décret – à utiliser ces appareils et empêche l'homologation de nouveaux modèles de machines.

Or, ce moratoire est devenu une source de risques en empêchant les communes de renouveler leurs machines dans de bonnes conditions. En effet, face au manque de débouchés, les producteurs ont cessé de fabriquer les modèles autorisés.

Malheureusement, faute de pouvoir acquérir de nouveaux appareils, les quelques communes équipées de machines à voter continuent donc d'utiliser leurs vieux appareils datant d'avant 2008. Ces communes sont également confrontées au problème de l'ouverture de nouveaux bureaux de vote lorsque leur population augmente, si bien que l'on se retrouve dans certains territoires avec une cohabitation des deux systèmes de vote (papier et machines à voter).

En dépit des craintes exprimées, depuis l'autorisation des machines à voter en 2004, aucun incident de nature à remettre en cause la sincérité d'un scrutin n'a été signalé sur le territoire français. Il est à souligner qu'il ne s'agit pas d'ordinateurs branchés en réseau ou à internet ni de vote électronique, mais d'appareils qui ne font qu'enregistrer les votes. Leur principal intérêt est de faciliter le dépouillement. En effet, compte tenu des difficultés que rencontrent les maires et leurs équipes municipales à trouver des volontaires pour tenir les bureaux de vote puis des votants pour effectuer le dépouillement à l'issue du scrutin, ces appareils offrent une souplesse logistique qui donne une pleine satisfaction.

En outre, un travail a été confié début 2021 à l'agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (ANSSI) afin d'étudier une sortie du moratoire après les élections présidentielle et législatives de 2022. Le 17 décembre 2021, le Gouvernement a remis au Parlement un rapport sur la possibilité de recourir aux machines à voter, conformément à la loi n° 2021-191 du 22 février 2021 portant report, de mars à juin 2021, du renouvellement général des conseils départementaux, des conseils régionaux et des assemblées de Corse, de Guyane et de Martinique. Ce rapport, qui inclut les résultats des travaux réalisés en coopération avec l'ANSSI, précise les conditions dans lesquelles le statu quo pourrait être levé. Selon les termes de ce rapport, « cette levée est subordonnée à des modifications substantielles des modèles de machine à voter autorisés et de leur processus d'homologation. Ces modifications incluent, notamment, l'impression d'un bulletin papier pour rendre le vote par machine à voter vérifiable et auditable ».

Cette dernière solution « hybride » envisagée par le Gouvernement serait beaucoup trop complexe à mettre en place par les communes qui seraient ainsi contraintes de jongler entre les bureaux de vote équipés de machines à voter et ceux de papier. Tout comme un retour au vote exclusivement « papier » serait totalement incompris par les électeurs.

C'est pourquoi, il souhaite savoir si le Gouvernement compte lever le moratoire de 2008 ou bien, a minima, autoriser les communes utilisant déjà des machines à voter à renouveler correctement leurs appareils et à équiper leurs nouveaux bureaux de vote.

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Réponse du Ministère de l'intérieur et des outre-mer publiée le 13/04/2023

Les machines à voter sont prévues en droit français depuis 1969 et des modèles électroniques sont autorisés depuis 2003. Toutefois, le périmètre des communes autorisées à en être équipées est gelé depuis le moratoire de 2008 du ministre de l'Intérieur. Actuellement, 63 communes sont équipées de machines à voter, ce qui représente environ 1 500 bureaux de vote et 3 % du corps électoral. En raison des risques attachés à l'usage des machines à voter et des critiques dont elles font l'objet, réitérées dans le rapport d'information sur le vote électronique remis par les sénateurs Alain ANZIANI et Antoine LEFEVRE en avril 2014, le ministère de l'Intérieur et des Outre-mer a maintenu jusqu'à présent ce moratoire. Le rapport rédigé par les sénateurs Yves DETRAIGNE et Jacky DEROMEDI, en 2018, s'est à ce titre fait l'écho des alertes de l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (ANSSI) qui estime que « le maintien à long terme du moratoire est sans doute la pire des solutions : les machines acquises avant 2008 continuent à être utilisées sans jamais être mises à jour ». Actant que les communes utilisatrices se déclarent pleinement satisfaites des machines à voter et défendent leur maintien, ces parlementaires ont proposé la levée du moratoire pour sécuriser la situation de ces communes en agréant une nouvelle génération d'appareils. Les services du ministère de l'Intérieur et des Outre-mer, en lien avec l'ANSSI, ont donc mené une réflexion visant à réexaminer le cadre applicable aux machines à voter et les évolutions techniques requises en vue d'une éventuelle levée du moratoire. Dans cette perspective, le Gouvernement a remis au Parlement, le 17 décembre 2021, un rapport relatif à la possibilité de recourir aux machines à voter conformément à la loi n° 2021-191 du 22 février 2021. Ce rapport reprend les préconisations issues du rapport produit en 2021 par l'ANSSI et annexé au rapport susmentionné, parmi lesquelles figure effectivement le recours à des machines permettant l'édition d'un bulletin papier pour rendre le vote vérifiable et auditable. Ce rapport a pour finalité d'éclairer les débats parlementaires quant aux évolutions possibles en la matière ainsi qu'aux conditions requises pour ce faire. En parallèle de ces débats, indispensables à toute évolution sur le sujet, le ministre a décidé de lancer un groupe de travail avec les représentants des élus des communes utilisatrices, afin d'entendre leurs propositions, d'échanger sur les conclusions du rapport et d'identifier conjointement des solutions permettant de garantir la sincérité et la sécurité du vote. Un second groupe de travail, de niveau technique, sera également mis en place, afin d'évaluer la faisabilité des évolutions techniques préalables à une éventuelle levée du moratoire, notamment au regard des spécificités liées aux modèles de machine à voter autorisés et à leur processus d'homologation.

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