Question de M. GAY Fabien (Seine-Saint-Denis - CRCE) publiée le 08/12/2022

M. Fabien Gay attire l'attention de M. le ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion sur la situation des salariés de Sanofi, mobilisés en grève depuis le 14 novembre 2022 pour la revalorisation de leurs conditions salariales.

Dans le cadre des négociations annuelles obligatoires (NAO), la direction de Sanofi a rejeté l'ensemble des revendications des représentants de salariés de l'entreprise. Celles-ci, portées à l'unanimité par l'intersyndicale, concernaient l'indexation des salaires sur l'inflation ainsi que l'embauche en contrat à durée indéterminée (CDI) des deux tiers des travailleurs et travailleuses intérimaires.

Si la direction a formulé des propositions alternatives, celles-ci sont toutefois bien en-deçà des demandes, légitimes, des représentants de salariés. Alors que Sanofi a enregistré en 2021 un chiffre d'affaires de 37,8 milliards d'euros (en hausse de 4 % par rapport à 2020) et que son bénéfice net par action progresse de près de 12 %, la proposition d'une augmentation collective de 3 % émise par la direction reste pourtant très inférieure à l'inflation. Quant aux 190 embauches en CDI (sur les 3 700 intérimaires, contrats à durée déterminée -CDD- et contrats professionnels) proposées par la direction, celles-ci ne s'inscrivent pas non plus dans les proportions qu'il est légitime d'attendre d'un groupe qui connaît un tel essor.
En effet, la prospérité financière du Sanofi, confortée par une hausse du chiffre d'affaires qui se poursuit de 8,7 % au premier semestre 2022, est de nature à permettre au groupe de répondre favorablement aux revendications de ses salariés. Au regard du refus exprimé par le groupe à ces derniers, le versement de 4,1 milliards d'euros de dividendes à ses actionnaires (en hausse de 4,1 % par rapport à l'exercice précédent) n'est pas sans poser question.

Alors que les quinze sites du territoire national sont actuellement mobilisés dans un mouvement de grève inédit, la direction du groupe maintient ses positions. Dans la période actuelle, où l'inflation pèse lourdement sur le pouvoir d'achat des salariés, il est nécessaire et légitime qu'un groupe prospère comme Sanofi redistribue à ses salariés la valeur générée par leur travail.

Si le Gouvernement n'a pas la capacité d'intervenir directement dans les négociations, il est toutefois nécessaire que ce refus du groupe soit étudié à la lumière des aides publiques qu'il a reçues, et de son bilan en matière d'emploi. Ces dix dernières années, le groupe a a perçu plus d'un milliard d'euros d'aides publiques, estimées à 150 millions d'euros par an répartis entre le crédit d'impôt recherche (CIR) et le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE), transformé en baisse pérenne de cotisations patronales.

Or, en contrepartie, le groupe a réduit de 28 % ses effectifs en CDI entre 2008 et 2022, fermé quinze centres de recherche et une usine de production en France. En moyenne, le groupe a supprimé près de 300 emplois par an sur la dernière décennie. Le groupe envisage, par ailleurs, de ne pas créer d'emplois jusqu'en 2024, tout en ne remplaçant qu'un départ sur quatre.

Il souhaite ainsi savoir si le Gouvernement entend demander à Sanofi le remboursement des aides publiques perçues -notamment au titre du CICE - si le groupe ne revient pas sur son refus de garantir un CDI à l'ensemble des salariés précaires. Il se demande également quels leviers contraignants sont envisagés par le Gouvernement pour que les entreprises prospères comme Sanofi revalorisent les salaires au moins au niveau de l'inflation.

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Réponse du Ministère du travail, du plein emploi et de l'insertion publiée le 09/03/2023

Dans le contexte économique actuel, les revalorisations salariales constituent un enjeu majeur en termes de préservation du pouvoir d'achat des salariés. Toutefois, si la loi a institué une obligation périodique de négocier au niveau de l'entreprise sur la rémunération (L. 2242-1 du code du travail), celle-ci n'a néanmoins pas une obligation de résultat et donc de conclure un accord à son niveau. A défaut d'accord d'entreprise, c'est l'accord de branche qui s'appliquera à titre supplétif. En cas d'échec des négociations, un employeur peut également décider d'appliquer unilatéralement une revalorisation. Telle est la situation du Groupe Sanofi puisque suite à l'échec des négociations annuelles obligatoires pour l'année 2022, un procès-verbal de désaccord a été signé le 12 janvier 2022, dans lequel la direction a décidé d'effectuer unilatéralement une évolution de la masse salariale des salaires de base de 2,35% à compter du 1er mars 2022, ainsi que d'autres mesures de revalorisation portant sur les primes conventionnelles ou la prise en charge des frais de transports collectifs (relevée à 80% de l'abonnement annuel).  Les négociations salariales pour l'année 2023 ont été ouvertes en fin d'année 2022 dans un contexte effectivement marqué par un conflit social de près d'un mois sur certains sites. Les parties se sont réunies les 15, 23 et 28 novembre 2022 afin de négocier l'évolution du salaire minimum annuel garanti (SMAG). En date du 9 décembre 2022, un accord a été conclu prévoyant une réévaluation au titre de l'année 2022 (1% à compter du 1er juin 2022) puis au titre de l'année 2023 (1,2% à compter de 1er janvier 2023). S'agissant plus particulièrement de la société Sanofi Pasteur SA, dont l'activité des sites de Val-de- Reuil et de Marcy-L'Etoile a été fortement perturbée par les grèves, un protocole d'accord de fin de conflit a été signé le 8 décembre 2022. Dans celui-ci a été acté le versement d'une prime exceptionnelle de partage de la valeur de 2 000 euros en décembre 2022 et une revalorisation à hauteur de 4%, à compter du 1er mars 2023, de certaines primes spécifiques. Il a également été convenu par les parties, s'agissant des salariés ayant les plus basses rémunérations que l'augmentation collective ne saurait être inférieure à 1 500 euros bruts annuels (base temps plein). Pour compléter ces mesures, la direction a décidé unilatéralement, dans le procès-verbal de désaccord signé le 19 janvier 2023, une augmentation collective de 4% du salaire de base pour les salariés non-cadres et de 3% pour les cadres, présents au 1er mars 2023 et ayant au moins 1 an d'ancienneté à cette date, ainsi que des augmentations individuelles. Ces mesures seront appliquées à compter du 1er mars 2023. Il convient de noter que le groupe dispose par ailleurs de dispositifs d'épargne salariale (intéressement, participation, plans, actionnariat salarié) qui peuvent compléter les revenus versés aux salariés. En 2022, au titre des résultats réalisés par Sanofi en 2021, cette entreprise a versé près de 190 millions d'euros au titre de la participation et de l'intéressement, ce qui représente en moyenne un versement de plus de 8 000 € par salarié présent. Dans le contexte actuel, il est de la responsabilité des employeurs, notamment dans les grands Groupes, de se saisir de tous les outils disponibles pour soutenir le pouvoir d'achat de leurs salariés et le Gouvernement porte un suivi attentif aux négociations salariales et à la résolution des conflits sociaux.

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