Question de Mme HARRIBEY Laurence (Gironde - SER) publiée le 06/04/2023

Mme Laurence Harribey attire l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice sur le budget de la justice réparatrice.

En 2020, il décidait de déployer la justice de proximité sur l'ensemble du territoire. Il faisait de la justice réparatrice l'un des trois indicateurs d'évaluation de la mise en place de la justice de proximité au sein des tribunaux, ciblant plus particulièrement les mesures alternatives aux poursuites afin d'abaisser le nombre de rappels à la loi.

S'agissant de la justice pénale des mineurs, cette annonce était complétée par la création de 80 emplois dans le milieu ouvert du secteur public de la protection judiciaire de la jeunesse et de l'affectation de 20 millions d'euros au secteur associatif habilité, fléchés dans le projet de loi finances 2021, sur l'augmentation des mesures de réparation pénale réalisées par les associations habilitées justice et sur l'expérimentation de la médiation pénale. Une partie de cette enveloppe devait aussi être consacrée au développement de partenariats.

Cette augmentation conséquente du budget des associations à but non lucratif devait également répondre au changement de paradigme opéré par le nouveau code de justice pénale des mineurs sur la prise en considération de la victime avec la création du triptyque réparation/médiation pénales et justice restaurative qui peut être actionné à tous les stades de la procédure pénale et même en dehors de la procédure s'agissant de la justice restaurative.

Sur ces 20 millions, seuls 400 000 euros ont été affectés à la création de mesures de réparation et de médiation pénale, soit seulement 2 % du budget supplémentaire.
Elle souhaite savoir pourquoi une proportion si faible et lui demande également comment atteindre les objectifs initialement fixés.

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Réponse du Ministère de la justice publiée le 03/08/2023

Le Gouvernement a fait de la mise en oeuvre d'une justice de proximité une priorité. Dans ce contexte, le garde des Sceaux a obtenu en 2023 une enveloppe de 24,5 millions d'euros pour la DPJJ, destinée à soutenir notamment les services chargés de la mise en oeuvre de ces réponses pénales rapides. En outre, la DPJJ a pu pérenniser les effectifs dédiés à la justice de proximité en milieu ouvert. L'augmentation d'activité prévue dans le cadre de la politique ministérielle relative à la justice de proximité est moindre que celle prévue initialement. Un élément d'explication pourrait être la focalisation des forces de l'ordre sur les questions relatives aux violences intra-familiales depuis la fin des confinements, priorité réduisant leur capacité de traitement des actes de petite délinquance, qui font normalement l'objet des mesures alternatives aux poursuites. La possibilité offerte aux juges des enfants par le CJPM d'ordonner une réparation pénale dans le cadre du module réparation d'une mesure éducative judiciaire (MEJ) ou d'une MEJP (provisoire) devrait soutenir l'augmentation de l'activité dans le futur. S'agissant de la création de mesures de réparation et de médiation pénales sur les crédits justice de proximité, les projets remontés par les différentes directions interrégionales nécessitaient un financement de 3 194 039 euros en 2021, 3 205 599 euros en 2022 et sont d'ores et déjà estimés à 3 215 811 euros en 2023. La dépense constatée sur les crédits justice de proximité en 2021 est de 1 052 000 euros et de 1 265 000 euros en 2022. Plusieurs facteurs expliquent le décalage entre les prévisions budgétaires et la consommation des crédits. Sur les réparations pénales pour mineurs, on constate une diminution des réparations prononcées, tous stades de procédure confondus, avec une baisse de 39 % des mesures nouvelles entre 2019 et 2022. Au-delà de l'entrée en vigueur du code de la justice pénale des mineurs dont l'impact direct sur l'évolution du recours à la réparation n'est pas identifié particulièrement, c'est davantage la chute du nombre de mineurs poursuivis, ainsi que du nombre de procédures pénales impliquant un mineur arrivant aux parquets, qui permet d'expliquer cette diminution des réparations. S'agissant des médiations, elles pouvaient déjà être prononcées dans le cadre des alternatives aux poursuites avant l'entrée en vigueur du code de la justice pénale des mineurs. Elles peuvent désormais l'être également en cas de poursuite du mineur. Si le code de la justice pénale des mineurs augmente les possibilités de recourir à la médiation, ce dispositif reste très peu utilisé à l'heure actuelle. Les associations sont en cours d'habilitation à cette fin, les professionnels de la protection judiciaire de la jeunesse en train de se former et les magistrats d'appréhender la possibilité et les modalités de prononcé d'une médiation. En ce qui concerne la justice restaurative (JR), la DPJJ a engagé depuis 2017 de nombreux travaux pour soutenir le développement de ce dispositif avec les mineurs. Après une période d'expérimentation conduite en 2019 et 2020, puis l'ouverture à sa généralisation par son inscription dans le CJPM, la justice restaurative se déploie progressivement au sein des services du secteur public et du secteur associatif habilité, dans une démarche le plus souvent multi-partenariale (juridictions, associations d'aide aux victimes, SPIP etc…). Actuellement, on compte une quinzaine de services du secteur public ou du secteur associatif de la PJJ, ayant déjà une pratique de justice restaurative ou étant en capacité opérationnelle de la mettre en oeuvre, avec des professionnels formés, des partenariats installés, des conventions signées. En 2022, plus de 200 professionnels s'étaient déjà formés auprès de l'ENPJJ. Une démarche d'actualisation récente des données chiffrées nous permet de comptabiliser en avril 2023 que 84 mesures de JR ont été engagées et une vingtaine clôturées. Si la justice restaurative retient l'intérêt de nombreux professionnels, par le nouveau souffle qu'elle apporte dans les pratiques, par le sens qu'elle donne au travail, par les effets qu'elle produit pour les bénéficiaires, elle est aussi exigeante dans sa pratique, nécessitant du temps, des moyens, de la patience, de la souplesse. Par sa confidentialité, elle est difficile à prévoir, difficile à quantifier, difficile à mesurer. Dans le secteur public, elle est conduite à moyens constants, sans octroi d'ETP, et dépend donc pour l'heure des orientations territoriales, des impulsions locales et des moyens mobilisables. Depuis 2020, des possibilités importantes de financement ont été ouvertes pour le secteur associatif, via les budgets alloués au titre de la justice de proximité, budgets mobilisables également pour les associations d'aide aux victimes qui conduisent des programmes en partenariat avec la PJJ. En 2022 ces crédits ont ainsi permis le financement de 25 structures associatives pour un peu plus de 310 000 euros. La mission application métiers de la PJJ programme actuellement le logiciel PARCOURS de la PJJ afin que les données relatives à la JR puissent être prochainement renseignées (délivrance de l'information au jeune / engagement dans une mesure/ type de programme / clôture du dispositif). Ainsi, en 2024, des données plus précises devraient être disponibles concernant l'implication des services de la PJJ dans la mise en oeuvre de la JR et la participation des jeunes à ce type de programme. Enfin, s'agissant de la création d'emplois dans le secteur public de la protection judiciaire de la jeunesse, depuis fin 2020, 86 emplois temps plein (ETP) ont été alloués pour la mise en place de la justice de proximité, principalement en direction des services de milieu ouvert. Ces emplois, pérennisés début 2022, sont désormais proposés à la mobilité des agents titulaires. Au 31 décembre 2022, 83 ETP - dont 49 ETP d'agents titulaires - sont consacrés à ce dispositif.

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