Question de M. LAURENT Pierre (Paris - CRCE) publiée le 04/05/2023

M. Pierre Laurent attire l'attention de Mme la ministre de l'Europe et des affaires étrangères sur l'évacuation du Soudan des ressortissants étrangers en général ainsi que des Français et des ressortissants de l'Union européenne (UE), en particulier.
Les opérations d'évacuation des ressortissants se fondent sur les devoirs de protection des États vis-à-vis de leurs citoyens. Au Soudan la situation s'est dramatiquement dégradée avec des centaines de morts et des milliers de blessées résultant d'un conflit entre factions militaires. Ce conflit est très dommageable pour l'évolution démocratique de ce grand pays d'Afrique. L'opération « Sagittaire » y a été déclenchée par la France. Celle-ci a utilisé des moyens humains et matériels de la base militaire française à Djibouti pour évacuer 538 personnes de 40 nationalités dont 209 Français.
Nonobstant le fait que les opérations d'évacuation de ressortissants sont par nature étatiques, le journal Ouest-France du 24 avril 2023 révèle que des entreprises militaires et de sécurité privées (EMSP) dirigés par des Français comme Comya Group, Algiz Security et Lafayette Praetorian sont également à l'oeuvre au Soudan pour participer à l'évacuation de clients de leurs prestations. Ces EMSP sont spécialisées dans la sécurité rapprochée et les services de protection privée pour les entreprises. Il est à noter vient que selon cet article Comya Group vient de renforcer son équipe en envoyant deux anciens officiers de la direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) pour superviser les opérations d'évacuation demandées par des clients privés. Il est également à noter que l'autre société évoquée dans l'article, Algiz Security a été fondée en 2015 par un ancien légionnaire et « a déployé ses équipes en Ukraine lors du début de la guerre, d'Odessa à Marioupol, en passant par le Donbass. » Tout cela reflète le fait que depuis la fin de la guerre froide le recours aux EMSP a explosé. Tout cela reflète aussi que face à la dégradation importante des relations internationales le recours et l'opportunité du recours aux EMSP apparaissent de plus en plus problématiques notamment du fait qu'il s'agit d'une privatisation de missions habituellement propres à l'État comme les évacuations de ressortissants par exemple. Il l'avait souligné lors de sa question écrite n°00036 du 7 juillet 2022. La ministre de l'Europe et des affaires étrangères dans sa réponse du 20 octobre 2022 lui avait assuré notamment que « les entreprises de sécurité privées françaises ne peuvent être autorisées à assurer des missions régaliennes. »
Compte tenu de tous ces éléments, il lui demande si l'action évoquée plus haut des EMSP précitées n'est pas en contradiction avec l'esprit et la lettre de la doctrine des opérations d'évacuation des ressortissants et avec la réponse à la question écrite n° 00036.
Il lui demande combien de ressortissants français et de ressortissants de l'UE résidant au Soudan ont été concernés par des actions d'EMSP, dont celles précitées.
Il lui demande enfin quelles sont les missions de ces EMSP au Soudan et quelles sont leurs interactions avec l'État français.

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Réponse du Ministère de l'Europe et des affaires étrangères publiée le 06/07/2023

Le déclenchement des combats à Khartoum et au Soudan entre l'armée soudanaise et les milices paramilitaires Rapid Support Forces (RSF), le 15 avril dernier, a mis en danger la population civile. Au regard des risques pesant sur la vie et la sécurité de nos compatriotes, le Président de la République a décidé le lancement d'une opération d'évacuation. L'opération Sagittaire a permis l'évacuation par nos moyens militaires, aériens ou navals, de près de 1 000 personnes, appartenant à près de 70 nationalités différentes, dont 236 Français et ayants droit. Ce succès opérationnel, dans une zone de guerre, a été permis par l'excellente coordination entre le ministère de l'Europe et des affaires étrangères (MEAE) et le ministère des Armées, tant à Paris, au sein de la cellule de crise du Centre de crise et de soutien, que sur le terrain, à Khartoum et à Djibouti pour la mise en sécurité de nos compatriotes. La France a ainsi été le premier État à mettre en place un pont aérien près de Khartoum afin de permettre une sortie du pays à nos compatriotes. Au cours de cette opération, nous avons aussi pris en charge de nombreux ressortissants étrangers au titre de la solidarité avec nos partenaires, ou lors de l'évacuation du personnel des Nations unies depuis Port-Soudan et depuis le Darfour. Les déplacements des personnes évacuées par la France ont été assurés presque exclusivement par des moyens propres de l'État mis à disposition dans le cadre de l'opération préalable de regroupement ; une partie des acheminements vers les sites de regroupements ou les zones de départ a été effectuée directement par les personnes concernées, qui ont rejoint les points de regroupement par leurs propres moyens. De manière très ponctuelle, la cellule de crise du MEAE a été en contact avec la société Amarante à un double titre : afin de suivre les ressortissants français pris en charge par cette entreprise, et dans le cadre d'une prestation de services de transport. Les entreprises de service de sécurité et de défense (ESSD) Comya Group, Algiz Security et Lafayette Praetorians n'ont à aucun moment été en contact avec la cellule de crise du MEAE ou avec la conduite de l'opération Sagittaire et n'ont pas pris en charge de ressortissants français ou de pays partenaires lors de cette opération d'évacuation.

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