Question de M. FAGNEN Sébastien (Manche - SER) publiée le 03/10/2024
M. Sébastien Fagnen attire l'attention de Mme la ministre du partenariat avec les territoires et de la décentralisation sur les difficultés rencontrées par la communauté de communes Granville Terre & Mer en raison des dispositions relatives aux conflits d'intérêts applicables aux sociétés publiques locales (SPL).
En fin d'année 2023, la communauté de communes Granville Terre & Mer a créé une SPL chargée de mettre en oeuvre la politique nautique de ses actionnaires, notamment celle de la communauté de communes, compétente en la matière. Cependant, un risque de conflit d'intérêts a été soulevé, entraînant l'obligation pour les membres du conseil d'administration de cette SPL, qu'ils soient représentants de la communauté de communes ou des communes membres, de « se déporter » lors de certaines décisions prises en conseil communautaire, conformément à la loi n° 2022-217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale.
L'article L. 1524-5 du code général des collectivités territoriales (CGCT) précise que les élus locaux siégeant au sein des organes de direction des sociétés d'économie mixte locales ne sont pas automatiquement considérés comme intéressés à l'affaire en question. Toutefois, lorsqu'une société d'économie mixte locale est candidate à l'attribution d'un contrat de commande publique, ou lorsqu'il s'agit de délibérer sur l'octroi de certaines aides ou garanties d'emprunt, les élus concernés doivent se déporter.
Or, ces dernières délibérations sont essentielles pour la définition des moyens du service public dont la SPL est responsable, et c'est précisément par ces délibérations que se définissent et se déploient les choix politiques des collectivités, notamment en matière de politique nautique.
Il s'interroge donc sur la pertinence du déport des élus dans des situations où il existe une convergence d'intérêts entre la collectivité représentée et la SPL, une société composée uniquement d'entités publiques oeuvrant pour l'intérêt général. Bien que l'article 217 de la loi n° 2022-217 vise à clarifier et encadrer les situations de conflit d'intérêts, il semble que l'objectif n'est pas pleinement atteint et que des difficultés d'appréciation persistent, créant des entraves inutiles à l'action des élus locaux.
À l'heure où le rapport de la « mission Woerth » a été remis au Président de la République et qu'un projet de loi proposant un nouvel acte de décentralisation est en cours d'élaboration, il souhaite attirer l'attention sur la nécessité de revoir ces dispositions qui, en l'état actuel, entravent l'action des élus locaux en raison de potentielles situations de conflits d'intérêts « public-public » dont le risque reste à démontrer.
Il est certes indispensable de sécuriser les missions des élus, mais sans créer des obstacles superflus. Il semble urgent de redéfinir et de limiter la notion de conflit d'intérêts « public-public » afin de permettre aux élus d'agir efficacement et sereinement dans la mise en oeuvre des politiques locales, que ce soit au sein des collectivités territoriales ou des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), ainsi que des entités morales qui les prolongent.
C'est ainsi qu'il lui demande de bien vouloir clarifier et ajuster les dispositions relatives aux conflits d'intérêts afin de faciliter l'action des élus locaux tout en garantissant la transparence et l'intégrité des décisions publiques.
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Transmise au Ministère de l'aménagement du territoire et de la décentralisation
Réponse du Ministère de l'aménagement du territoire et de la décentralisation publiée le 21/08/2025
La loi du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale, dite loi 3DS, a modifié les dispositions du code général des collectivités territoriales (CGCT) relatives aux fonctions des élus mandataires au sein des entreprises publiques locales, dans l'objectif de les sécuriser eu égard aux risques de conflits d'intérêt. Les élus ayant l'obligation légale de représenter leur collectivité au sein des entreprises publiques locales (EPL), l'article L. 1524-5 du CGCT dans sa rédaction issue de la loi 3DS protège dorénavant sans équivoque l'élu mandataire qui n'est pas, de ce seul fait, considéré comme intéressé au sens de l'article 432-12 du code pénal et de l'article 2 de la loi du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique, lorsque la collectivité délibère sur ses relations avec l'EPL. Par dérogation, le législateur a instauré certaines obligations de déport de l'élu mandataire au sein de l'organe délibérant de la collectivité ou du groupement de collectivités. Ces obligations de déport font suite aux recommandations de la haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) sur la prévention des conflits d'intérêts pour les élus mandataires dans les sociétés d'économie mixte (SEM). Ainsi, outre les déports déjà prévus pour les commissions d'appel d'offres ou la commission prévue à l'article L. 1411-5 du CGCT dans le cadre des délégations de service public, lorsque la SEM est candidate, l'élu mandataire doit à présent se déporter lors des délibérations portant sur : - l'attribution d'un contrat de la commande publique à la SEM ; - l'octroi d'une aide régie par le titre Ier du livre 1er du CGCT ou l'octroi d'une garantie d'emprunt ; - sa désignation au sein de la SEM ou sa rémunération. Ces dispositions relatives aux SEM s'appliquent également aux sociétés publiques locales (SPL) par renvoi de l'article L. 1531-1 du CGCT. En outre, l'article L. 1524-5 du CGCT prévoit que l'élu mandataire n'est pas, de par sa seule qualité de mandataire de la collectivité, considéré comme intéressé à l'affaire lorsqu'il participe aux décisions du conseil d'administration ou de surveillance de l'EPL relatives aux relations avec la collectivité qu'il représente. Cette absence d'obligation de déport de l'élu mandataire au sein des organes dirigeants d'une SPL permet de sécuriser la relation de quasi-régie avec ses collectivités actionnaires qui la contrôlent. Les règles existantes permettent donc d'assurer l'équilibre entre la sécurisation des élus au regard du risque de conflit d'intérêts et le bon fonctionnement des instances de décision, tant des entreprises publiques locales que des collectivités territoriales et de leurs groupements qui en sont actionnaires. Pour autant, le traitement du sujet des conflits d'intérêts « public-public » mérite d'être modernisé : le Gouvernement appuiera les dispositions visant à supprimer les risques d'insécurité juridique dans le cadre de la proposition de loi portant création d'un Statut de l'élu local.
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