Question de M. BARROS Pierre (Val-d'Oise - CRCE-K) publiée le 03/10/2024
M. Pierre Barros interroge M. le ministre des solidarités, de l'autonomie et de l'égalité entre les femmes et les hommes sur le bilan et les perspectives des politiques d'accessibilité et d'inclusion des personnes en situation de handicap dans notre pays. Lors de la cérémonie d'ouverture des Jeux Paralympiques de Paris 2024, Tony Estanguet, président du Comité d'organisation des Jeux Olympiques et Paralymiques (COJOP) avait déclaré que « vous nous invitez à change de regard, à changer d'attitude, à changer de société, pour enfin donner toute sa place à chacun ».
Ces Jeux Paralympiques furent une réussite. Ils nous obligent désormais à accélérer, alors que la France reste largement en retard en matière d'accessibilité et d'inclusion des personnes en situation de handicap. Pour rappel, la France a été pointée du doigt pour ses manquements en la matière par l'Organisation des Nations unies (ONU) en 2021 et par le Conseil de l'Europe en 2023.
En effet, près de la moitié des établissements recevant du public restent inaccessibles. Les mesures prises n'ont pas forcément eu les effets escomptés. La loi de 2005 n'est ainsi toujours pas respectée et les établissements retardataires ne sont pas encore sanctionnés par l'État. Ce dernier a toutefois mis en place un fonds territorial d'accessibilité pour accompagner les restaurants, les hôtels, les petits commerces, les cabinets médicaux ou les locaux associatifs. Si l'idée est bonne, ce fonds reste méconnu, peu utilisé (seulement 2 % des crédits prévus pour l'année 2024) et donc loin des besoins nécessaires. Le chantier de l'accessibilité des logements a été rendu plus compliqué par l'adoption de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (loi ELAN), qui réduit de 100 % à 20 % le quota des logements neufs accessibles. Enfin, l'accessibilité des moyens de transport reste également à revoir, en particulier en Ile-de-France.
Les moyens manquent également dans d'autres secteurs de la société. Il faut résorber les inégalités en matière d'emploi : dans le public comme dans le privé, le quota de 6 % de travailleurs en situation de handicap dans les entreprises de plus de 20 salariés n'est pas atteint, alors qu'il est obligatoire depuis 1987.
Il faut renforcer les moyens alloués à l'école inclusive. Même si le nombre d'accompagnants des élèves en situation de handicap (AESH) a augmenté, il n'est pas suffisant pour permettre une couverture optimale dans l'ensemble des établissements scolaires du pays. Par ailleurs, les enseignants ne sont pas formés à ces enjeux et sont trop peu accompagnés.
Il faut également renforcer les aides accordées aux personnes en situation de handicap. L'allocation aux adultes handicapées (jusqu'à 1 016 euros par mois), enfin déconjugalisée, reste en-dessous du seuil de pauvreté de 1 216 euros par mois.
La France doit enfin mieux prendre en compte la question du handicap psychique. Ô combien crucial, il a pourtant été un des grands oubliés de la conférence nationale du handicap (CNH) qui s'est tenue en 2023.
L'ampleur des chantiers à mener est importante. Il souhaite donc connaître les mesures que le Gouvernement mettra en place pour enfin donner à chacun sa place dans notre société et ainsi faire respecter le principe d'égalité, principe à valeur constitutionnelle.
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Transmise au Ministère délégué auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargé de l'autonomie et du handicap
Réponse du Ministère délégué auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargé de l'autonomie et du handicap publiée le 29/05/2025
Vingt ans après la promulgation de la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances des personnes handicapées, des progrès significatifs ont été réalisés, mais de nombreux défis persistent. Le Gouvernement, conscient des attentes légitimes des 12 millions de personnes en situation de handicap et de leurs proches, s'engage à accélérer les efforts pour une société plus inclusive. Dans le domaine de l'accessibilité, pour accélérer la mise en conformité des Etablissements recevant du public (ERP), les agendas d'accessibilité programmée ont été mis en place en 2015. Ce dispositif a permis à 700 000 ERP d'entrer dans une démarche d'accessibilité, et 350 000 ERP ont été déclarés accessibles depuis 2015. Toutefois, il reste encore 900 000 ERP qui ne sont engagés dans aucune démarche, dont près de 90 % relèvent de la 5e catégorie. Plusieurs leviers ont été mis en place afin d'accélérer l'accessibilité des territoires et des ERP : - le fonds territorial d'accessibilité ; - les dotations du fonds de soutien à l'investissement local ; - la direction de l'immobilier de l'État. Ces aides seront maintenues avec le déploiement de nouvelles initiatives comme la mise en accessibilité de sentiers domaniaux, le contrôle des ERP en ciblant ceux n'ayant pas entrepris de démarche en matière d'accessibilité et qui pourront se voir infliger des sanctions. Pour accompagner les territoires, l'Etat lancera en 2025 un comité de suivi visant à réaffirmer les orientations de la charte « Pour une société pleinement inclusive ». Dans les transports, en 2024, la recherche et la réservation des billets de train ont fait l'objet d'une simplification pour les usagers en situation de handicap avec la mise en place de la plateforme unique de réservation. Dans le secteur aérien, certaines mesures ont vocation à être pérennisées, comme les dispositifs de continuité des parcours pour permettre, par exemple, l'acheminement des fauteuils roulants jusqu'au pied de l'avion ou la sensibilisation et la formation des personnels aéroportuaires. En outre, l'accessibilité du numérique est une priorité afin d'assurer l'accès aux principales démarches en ligne. Ainsi, après la définition d'un cadre normatif dédié, la mise en accessibilité des sites serviciels va s'accélérer. Le respect des obligations de mise en accessibilité des sites et des applications numériques des personnes morales de droit public est placé sous le contrôle de l'autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique. Par ailleurs, un cadre normatif, issu de l'acte législatif européen sur l'accessibilité, et entrant en vigueur le 28 juin 2025, précise les obligations qui seront prochainement applicables aux services de communication électronique, ainsi qu'aux sites et applications numériques de commerce électronique, bancaires, de médias audiovisuels et de transport. Ce dispositif, qui renforce la régulation des acteurs privés, fera notamment l'objet de contrôles de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes. En matière d'éducation, l'accès à la scolarisation pour les élèves en situation de handicap a connu une nette amélioration en deux décennies. Entre la rentrée 2005 et celle de 2024, le nombre d'élèves en situation de handicap a plus que triplé, passant de 151 500 à 520 000. Le développement des Accompagnants d'élèves en situation de handicap (AESH) a constitué une avancée importante pour offrir un soutien adapté aux élèves, avec près de 140 000 personnels dédiés. Au niveau national, ce sont ainsi 15 000 postes d'AESH qui ont été créés en quatre ans, dont 3 000 à la rentrée 2024. 2 000 postes seront créés à la rentrée prochaine. Les efforts se poursuivent pour structurer davantage le modèle de l'école pour tous en simplifiant les démarches, en renforçant la formation des professionnels et en réaffirmant la nécessité d'amplifier la coopération avec les professionnels du secteur médico-social au sein même de l'école, avec des réponses graduées selon la nature des besoins évalués. C'est le sens du développement des pôles d'appui à la scolarité dont le nombre sera considérablement augmenté à la rentrée 2025, et qui seront généralisés à la rentrée 2027. Dans l'enseignement supérieur, l'accessibilité est soutenue, notamment en ce qui concerne le bâti avec un soutien aux établissements. Afin d'accélérer des changements structurels au sein des établissements pour l'accessibilité des formations et l'environnement de la vie étudiante, le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche a lancé un appel à projet pour permettre à six universités de devenir démonstratrices des meilleures pratiques inclusives, et des outils pour se former à une pratique pédagogique inclusive. Plus de 10 millions d'euros (10,5 Meuros) seront engagés par le ministère jusqu'en 2026 pour accompagner le financement des projets des six lauréats : l'université de Pau et des Pays de l'Adour, l'université d'Angers, l'université Lyon 3, l'université Bretagne occidentale, l'université de Lorraine, l'université Sorbonne Nouvelle. L'insertion professionnelle des personnes en situation de handicap a fait l'objet de nombreuses réformes depuis 2005. La loi a renforcé l'obligation d'emploi de 6 % pour les entreprises de plus de 20 salariés, favorisant ainsi l'embauche de travailleurs en situation de handicap. Depuis 2017, le taux de chômage des personnes handicapées est passé de 19 % à 12 % en 2024. La transformation du service public de l'emploi et l'implication des entreprises dans une démarche inclusive ont permis de diversifier les opportunités professionnelles et d'améliorer l'accompagnement des travailleurs handicapés, notamment via l'emploi accompagné et les plateformes de mise en relation. La France poursuit cette dynamique avec des mesures visant à lever les freins à l'accès à l'emploi, notamment au travers de l'accompagnement renforcé vers l'environnement de travail le plus adapté. La liste des emplois exigeant des conditions d'aptitudes particulières sera révisée dans le but de mettre fin progressivement au dispositif. Par ailleurs, lors de la conférence nationale du handicap du 26 avril 2023, le Président de la République a annoncé le plan pluriannuel de transformation de l'offre médico-sociale, dit « plan des 50 000 solutions », qui a pour objectifs de conforter l'offre d'accompagnement en volume, de corriger les disparités territoriales constatées et d'accompagner la transformation de l'offre vers la transition inclusive. Doté d'un montant de 1,5 milliard d'euros programmés sur la période 2024-2030, il a notamment vocation à servir les engagements nationaux traduits dans les différentes stratégies nationales (agir pour les aidants, stratégie nationale pour les troubles du neurodéveloppement, plan de prévention des départs non souhaités des enfants en situation de handicap en Belgique, plan de développement accéléré de l'offre médico-sociale pour les départements d'Outre-mer) et à créer des solutions à destination de publics identifiés comme prioritaires parmi lesquels ceux relevant de l'aide sociale à l'enfance. Concernant le montant de l'Allocation aux adultes handicapés (AAH), ce dernier a été revalorisé par le Gouvernement ces dernières années. Il est ainsi passé de 810 euros par mois en 2017, à 900 euros par mois en 2019. Cette revalorisation a représenté un effort inédit en faveur du pouvoir d'achat et de la lutte contre la précarité des 1,2 million de personnes bénéficiaires de l'AAH, d'un cout budgétaire annuel de 775 Meuros. Par son niveau, l'AAH, dont le montant maximal à taux plein est de 1 033,32 euros depuis le 1er avril 2025, rapproche les allocataires qui en bénéficient du seuil de pauvreté monétaire, voire leur permet de dépasser ce seuil lorsque l'AAH est associée à un complément d'activité, ou à des revenus professionnels. De surcroît, quand les allocataires de l'AAH sont sous le seuil de pauvreté, l'intensité de cette pauvreté est plus faible : elle est de 19,5 % dans le cas de l'AAH, contre 24,6 % en moyenne pour les personnes non handicapées ou faiblement handicapées bénéficiaires de minima sociaux. Par ailleurs, les dispositifs de soutien aux revenus des personnes les plus modestes ne se limitent pas aux minima sociaux, et il faut donc considérer l'ensemble des prestations de solidarité pour apprécier la capacité de notre système de redistribution à éviter la pauvreté. Les bénéficiaires de l'AAH peuvent ainsi cumuler leur allocation avec une allocation logement, qu'ils peuvent recevoir, comme tout autre Français, s'ils sont locataires et même propriétaires de leur logement, sous certaines conditions. Le montant moyen des allocations logement versées s'élève à 219 euros en 2022. Enfin, les bénéficiaires de l'AAH qui bénéficient d'une allocation logement peuvent également percevoir la majoration pour vie autonome. Cette majoration, d'un montant de 105 euros, est versée à ceux qui sont les plus modestes et dont le handicap est le plus sévère (AAH1 à taux plein). En 2024, le cumul de l'AAH, de la majoration pour vie autonome et d'une allocation logement permet à un bénéficiaire locataire, seul et sans enfant, de disposer d'un revenu de 1 340 euros par mois, soit 10 % au-dessus du seuil de pauvreté. Il convient également d'évoquer la complémentaire santé solidaire qui garantit aux personnes handicapées ayant des revenus modestes l'accès à un large panier de soins (dont lunettes, prothèses dentaires et auditives faisant partie du 100 % santé) sans reste à charge et avec un niveau de cotisation nul ou limité. Par ailleurs, au-delà des prestations sociales, des dispositifs de compensation visent à améliorer la vie quotidienne des personnes en situation de handicap, notamment la carte mobilité inclusion et la prestation de compensation du handicap. Enfin, concernant la situation des personnes vivant avec des troubles psychiques, la feuille de route de la santé mentale et de la psychiatrie coordonne ainsi la politique nationale de santé mentale dans une approche holistique, en déclinant trois volets d'actions permettant d'agir sur la promotion de la santé mentale, sur l'amélioration des parcours de soins, et enfin, sur l'inclusion sociale et la citoyenneté des personnes en situation de handicap psychique. Cette politique coordonnée, renforcée par les mesures nouvelles annoncées lors des Assises de la santé mentale et de la psychiatrie organisées en 2021 sous l'égide de la présidence de la République, contribue à améliorer le parcours de vie des personnes concernées et de leurs proches. Afin d'amplifier la mobilisation collective autour de ce sujet, le Premier ministre a identifié la santé mentale comme grande cause nationale en 2025. Celle-ci doit se concrétiser par un programme de travail gouvernemental pluriannuel qui doit permettre de renforcer les actions en cours et de proposer des mesures nouvelles. Il s'agit notamment de poursuivre l'information sur la santé mentale et la lutte contre la stigmatisation des troubles psychiques, le soutien à l'inclusion sociale et professionnelle des personnes vivant avec un trouble psychique et la stratégie à destination des aidants et des proches.
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