Question de M. LONGEOT Jean-François (Doubs - UC) publiée le 10/10/2024
M. Jean-François Longeot attire l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice sur les difficultés rencontrées par les maires concernant les infractions au code de l'urbanisme. En effet, nombreux sont les pétitionnaires qui s'affranchissent de leurs devoirs de déposer une demande d'urbanisme pour édifier une construction. Le maire étant très souvent l'autorité compétente pour délivrer l'autorisation d'urbanisme, il rencontre des difficultés pour lutter contre les constructions illégales. Effectivement, les articles L. 481-1 à L.481-3 du code de l'urbanisme, issus de la loi n° 2019-1461 du 27 décembre 2019 relative à l'engagement dans la vie locale et à la proximité de l'action publique permettent la mise en place de mécanisme d'astreinte administrative pour traiter rapidement ces infractions. Le montant de ces astreintes peut s'élever à 500 euros par jour. Or actuellement seules les grandes villes souvent aidées par leur service juridique ont la possibilité de mettre en place un tel dispositif. Les communes rurales ont souvent méconnaissance du mécanisme et des formalités à mettre en place. Aussi il lui demande de lui préciser ses intentions en la matière pour soutenir ces élus dans leurs démarches.
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Transmise au Ministère auprès du ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation, chargé du logement
Réponse du Ministère auprès du ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation, chargé du logement publiée le 29/05/2025
Les infractions au code de l'urbanisme revêtent des formes variées, de l'implantation irrégulière d'habitat léger à la construction ou l'extension illégale de constructions existantes, en passant par des problématiques d'habitat précaire. Différents instruments existent pour traiter ce phénomène dès l'amont, bien avant la réponse pénale, en limitant les implantations illégales. La démarche de planification est un premier outil. Elaborer un document d'urbanisme permet de fixer un cadre juridique, par exemple en prévoyant des interdictions de construire dans certains secteurs de la commune, en ciblant les territoires présentant un risque élevé de constructions illégales et les formes d'implantation non souhaitées. Ce document renforce donc la capacité de la commune à verbaliser les auteurs d'infractions. La protection des secteurs sensibles constitue un second outil. La surveillance foncière des secteurs à risque ou isolés, propices à des implantations discrètes, peut être effectuée par l'instauration du droit de préemption de la collectivité compétente. Celle-ci peut alors, grâce aux déclarations d'intention d'aliéner qui lui sont transmises en cas de vente de terrains, repérer les transactions atypiques pouvant donner lieu à des implantations illégales et ainsi intervenir le plus tôt possible en recourant aux outils de maîtrise foncière (acquisition amiable, préemption, exceptionnellement expropriation). Enfin, les collectivités peuvent s'appuyer sur le contrôle du développement des réseaux d'électricité, d'eau, de gaz ou de téléphone, grâce à l'article L. 111-12 du code de l'urbanisme qui interdit le raccordement définitif aux réseaux des constructions illégales. En cas d'implantation illégale, les infractions pourront susciter une réponse pénale. Une instruction ministérielle en date du 3 septembre 2014 a permis de mettre en place des protocoles pour renforcer l'accompagnement des maires par les services déconcentrés de l'État dans l'exercice de leurs missions de contrôle. Ces protocoles permettent en particulier d'identifier les priorités en matière de lutte contre les infractions. Lorsqu'une infraction a effectivement été constatée, le procureur de la République porte la responsabilité du déclenchement de l'action publique, conformément aux principes généraux de la procédure pénale. La réponse pénale s'inscrit toutefois dans le temps long. C'est pourquoi l'autorité compétente est désormais dotée de nouveaux moyens d'action rapide pour traiter les infractions aux règles d'urbanisme. Ainsi, les articles L. 481-1 à L. 481-3 du code de l'urbanisme permettent à l'autorité compétente de mettre en demeure l'auteur des infractions ayant fait l'objet d'un procès-verbal, afin qu'il mette la situation en conformité avec ses obligations. Cette mise en demeure peut être assortie d'une astreinte d'un montant de 500 euros maximum par jour de retard, dont le produit revient à la collectivité compétente. Le Conseil d'Etat considère que cette disposition permet d'imposer, si la mise en conformité l'exige, les démolitions nécessaires à la régularisation (CE, 23 décembre 2022, n° 463331). En outre, lorsque les constructions irrégulières présentent un risque certain de sécurité ou de santé, le maire peut les mettre en conformité d'office, aux frais de la personne responsable des infractions, voire procéder à leur démolition. Les communes pour lesquelles la mise en oeuvre de ces dispositions peut sembler complexe peuvent s'appuyer sur une démarche intercommunale, qui peut offrir une compétence technique mutualisée. Les services déconcentrés de l'Etat, en particulier les services préfectoraux des directions départementales des territoires, peuvent aussi assister les communes et leurs groupements dans la mise en oeuvre de ces nouveaux outils. Certains ont d'ailleurs élaboré, en lien avec les acteurs locaux, plusieurs guides pratiques présentant ces moyens d'action, ou encore des solutions numériques visant à lutter plus efficacement contre les implantations irrégulières. Plus récemment la préfecture de l'Hérault a mis en place avec ces services un outil numérique dénommé "Aigle". C'est un outil de détection automatique de parcelles, qui fonctionne grâce à de l'intelligence artificielle appliquée à des images aériennes. Il repère des constructions en dur (maison, chalet, mazet ), des mobils-home, des caravanes, des piscines, des bateaux. Muni d'une interface cartographique, il est pleinement intégré dans le process de lutte contre « la cabanisation » et peut être utilisé sur le terrain sur tablette. Aigle permet aux collectivités et aux services de l'Etat de : - Connaître l'ampleur du problème sur l'ensemble d'un territoire, et suivre son évolution dans le temps, grâce à la détection automatique des parcelles détournées. - Cibler et prioriser les contrôles en croisant les détections avec des et des zones à enjeux (zones inondables, zones à risque d'incendie, zone naturelle remarquable, périmètre de captage d'eau potable, etc.). - Envoyer des courriers aux contrevenants afin de régler le problème le plus en amont possible, grâce à l'impression de fiches de détection. - Suivre le travail sur le terrain, grâce à un système de statut de contrôle/verbalisation/astreintes administratives La lettre d'information « Urba-info » publiée en janvier 2023 par la direction de l'habitat, de l'urbanisme et des paysages comporte également un dossier détaillant les réponses aux questions les plus fréquemment posées en matière de lutte contre les constructions illégales, auxquelles les communes et intercommunalités peuvent utilement se référer. Enfin, la proposition de loi du groupe LIOT, déposée par le député Harold Huwart, prévoit notamment de renforcer les outils dédiés à lutte contre la cabanisation. Le Gouvernement sera ouvert à approfondir les débats lors de son passage prochain au Sénat.
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