Question de M. MAUREY Hervé (Eure - UC) publiée le 20/02/2025

M. Hervé Maurey attire l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique sur les conséquences de la déterritorialisation de l'impôt sur les finances des collectivités locales.

La Cour des comptes a publié en janvier 2025 un rapport « L'évolution de la répartition des impôts locaux entre ménages et entreprises et de la (dé)territorialisation de l'impôt ». Celui-ci rappelle que, depuis 2018, trois réformes d'ampleur ont été menées en matière de fiscalité locale : la suppression par étape de la taxe d'habitation sur les résidences principales, la suppression des trois quarts de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), et la réduction de moitié des bases des locaux industriels assujettis à la taxe foncière sur les propriétés bâties et à la cotisation foncière des entreprises.

Le rapport précise que « les pertes de recettes fiscales pour les collectivités ont été compensées par la réaffectation de recettes de TVA pour la suppression de la taxe d'habitation sur les résidences principales de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises et par un prélèvement sur les recettes de l'État pour la réduction de moitié des bases des locaux industriels » et souligne que le produit de la TVA est volatile. Ainsi, si les collectivités locales ont bénéficié « d'un effet financier favorable en 2021 et en 2022 (...) cet effet s'est réduit en 2023 » et « il est appelé à se réduire encore en 2024 et 2025 ».

De plus, la Cour des comptes estime que cette « déterritorialisation » des recettes fiscales des collectivités locales « amoindrit les incidences positives des impôts locaux ». Selon le rapport, les régions et les départements auraient perdu d'importantes recettes en raison des dernières réformes de la fiscalité locale. Ainsi, les entreprises bénéficieraient des externalités positives des compétences régionales (ferroviaire) et départementales (routes), mais ne contribueraient plus à les financer. Quant aux communes, le rapport souligne qu'elles « pourraient être moins incitées à accueillir de nouvelles entreprises ou des extensions d'entreprises existantes » en raison de la suppression de la CVAE.

Enfin, la Cour des comptes indique que le mode d'attribution d'une fraction des recettes de TVA aux communes en compensation de la suppression de la taxe d'habitation sur les résidences principales « fige des inégalités passées entre collectivités » car il s'appuie sur les données historiques des communes « qui s'éloignent de plus en plus de la situation contemporaine des collectivités ».

Ainsi, la Cour des comptes recommande d'intégrer à court terme aux bases de la taxe foncière sur les propriétés bâties les résultats de la révision sexennale de la valeur des locaux professionnels ; d'engager sans attendre la révision des valeurs locatives des locaux d'habitation ; de répartir les ressources de TVA transférées par l'État aux collectivités en compensation de la suppression d'impôts locaux en fonction de la richesse relative par habitant des collectivités, appréciée au regard d'un petit nombre de critères de ressources et de charges ; et de répartir entièrement la dotation globale de fonctionnement en fonction de données contemporaines de population, de ressources et de charges des collectivités.

À la lumière de ce rapport et de ses recommandations, le sénateur souhaite connaître les mesures que compte prendre le Gouvernement afin de rétablir le lien entre l'imposition des particuliers et des entreprises et leur territoire et de calculer le montant des diverses compensations et dotations aux collectivités sur la base de leurs données contemporaines.

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Transmise au Ministère auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics


Réponse du Ministère auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics publiée le 05/06/2025

A la demande de la commission des finances de l'Assemblée nationale, la Cour des comptes a remis le 15 janvier dernier son rapport relatif à l'impact des réformes récentes de la fiscalité locale sur les contribuables locaux, ménages, entreprises, collectivités territoriales ainsi que l'État et les finances publiques prises dans leur ensemble. Ce rapport revient sur les réformes d'ampleur en matière de fiscalité locale : la réforme de la taxe d'habitation sur les résidences principales (THRP) et la baisse des impôts de production décliné en trois axes, dont la réduction de moitié de la cotisation foncière des entreprises (CFE) et de la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) pour les établissements industriels et la réduction du taux d'imposition de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), à travers la suppression de la part régionale puis de la part de l'ensemble des collectivités locales bénéficiaires. L'objectif de ces réformes est de redonner du pouvoir d'achat aux ménages ainsi que d'améliorer la compétitivité des entreprises et de favoriser l'implantation d'entreprises sur l'ensemble du territoire national, notamment industrielles tout en assurant aux collectivités locales des recettes fiscales pérennes et dynamiques par le biais des mécanismes de compensation mis en oeuvre. Pour la THRP, la compensation s'est traduite par le transfert aux communes de la part départementale de taxe foncière et par l'affectation d'une fraction de TVA aux établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre. Ces modalités de compensation permettent de conserver une majeure partie de la fiscalité directe locale assise sur le foncier au niveau du bloc communal et d'assurer aux collectivités des recettes pérennes. Le Gouvernement a affirmé qu'il n'y aurait pas de retour à la taxe d'habitation sur les résidences principales (THRP). Concernant la CVAE, la compensation s'est matérialisée par le transfert d'une fraction de TVA à l'ensemble des collectivités locales bénéficiaires. La répartition des ressources de compensation ne peut s'envisager sans assurer aux collectivités une part pérenne de ressources, et donc figée. En effet, les impôts locaux supprimés et compensés constituaient des recettes fiscales de rendement ayant pour objet de financer l'ensemble des dépenses de chaque collectivité. Cependant, des réflexions pourraient s'engager sur une part dynamique ou variable déterminée plus conséquente dans la répartition des compensations, sur le modèle par exemple de la compensation de la suppression de la CVAE pour les collectivités du bloc communal ou en fonction d'autres critères péréquateurs de ressources et de charges. Pour le bloc communal, la compensation de la CVAE se décline en une part fixe, dite « montant socle » ainsi qu'en une part variable correspondant à une dynamique, calculée sur la base de la progression de la TVA de l'année en cours et répartie selon la valeur locative foncière et les effectifs salariés. Cette part variable vise à tenir compte du dynamisme de chaque territoire et d'inciter les collectivités du bloc communal à accueillir ou permettre l'extension d'entreprises sur leur territoire. Concernant les départements, l'article 116 de la loi de finances pour 2025 prévoit que ces derniers peuvent relever pour une durée de trois ans le taux de la taxe de publicité foncière ou du droit d'enregistrement prévu au même article 1594 D au-delà de 4,50 % et dans la limite de 5 %, pour les actes passés et les conventions conclues entre le 1er mars 2025 et le 29 février 2028, hors primo-accédants. Certaines mesures ont été mises en oeuvre pour accentuer le lien entre le contribuable local et son territoire dans le cadre de la politique de lutte contre les logements vacants pour répondre à la crise du logement. En effet, l'article 73 de la loi de finances pour 2023 a élargi les critères de définition des communes relevant d'une « zone tendue » faisant face à des difficultés financières particulières d'accès au logement. Cette extension de périmètre a permis à ces communes de disposer d'un levier fiscal supplémentaire avec la possibilité d'instituer une majoration, comprise entre 5 % et 60 %, de la part leur revenant de la cotisation de taxe d'habitation sur les résidences secondaires et autres locaux meublés non affectés à l'habitation principale, dite « THRS », prévue à l'article 1407 ter du code général des impôts. Enfin, concernant le calcul de compensations aux collectivités sur la base de données contemporaines, la Cour a relevé l'origine de certaines inégalités entre collectivités imputable aux compensations d'anciens impôts locaux supprimés comme les dispositifs de la dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle (DCRTP). Cependant, ces dispositions, au caractère fixe, permettent une prévisibilité des ressources pour les collectivités bénéficiaires. Pour remédier au caractère fixe de certains dispositifs comme le fonds national de garantie individuelle de ressources (FNGIR), d'autres dispositifs ont été mis en place comme le prélèvement sur les recettes de l'État (PSR) de prise en charge d'une partie du FNGIR, prévu à l'article 79 de la loi de finances pour 2021. Enfin, s'agissant de la dotation globale de fonctionnement (DGF), il existe effectivement des inégalités d'attributions entre communes de même taille et dont les indicateurs de ressources et de charges sont similaires, du fait de la consolidation de composantes historiques figées dans la dotation forfaitaire - composante majeure de la DGF des communes - à la suite de sa réforme en 2015. Aussi, une réforme de la dotation forfaitaire des communes apparaît opportune pour la répartir en fonction d'indicateurs simples et actualisés comme la population ou la superficie. Une telle réforme est légitimement susceptible de produire des variations à la hausse ou à la baisse de la dotation forfaitaire de nombreuses communes. De ce fait, il est tout aussi légitime qu'une large concertation soit menée avant d'engager une telle réforme et de relancer les travaux déjà menés par le comité des finances locales. Pour autant, le Gouvernement n'est pas resté inactif face aux éventuelles inégalités de DGF. Depuis 2017, le poids de la dotation forfaitaire, qui cristallise les inégalités les moins justifiées dans la DGF des communes, a été réduit de 63 % à 52 %, au profit des dotations de péréquation dont le poids s'est accru dans le même temps de 37 % à 48 %. Or, les dotations de péréquation sont réparties en fonction d'indicateurs objectifs de ressources et de charges, indépendants des choix de gestion des communes, et que personne à la connaissance du ministre ne remet sérieusement en cause.

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