Question de M. LE RUDULIER Stéphane (Bouches-du-Rhône - Les Républicains) publiée le 27/02/2025
M. Stéphane Le Rudulier attire l'attention de Mme la ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire sur la mise en oeuvre de l'agrivoltaïque, tout particulièrement au sein du parc naturel régional des Alpilles, dans les Bouches-du-Rhône. L'agrivoltaïque, selon la loi n° 2023-175 du 10 mars 2023 relative à l'accélération de la production d'énergies renouvelables, est une installation de production d'électricité utilisant l'énergie radiative du soleil et dont les modules sont situés sur une parcelle agricole où ils contribuent durablement à l'installation, au maintien ou au développement d'une production agricole.
Cette loi dite « APER » prévoit diverses mesures de simplification administrative visant à faciliter le développement des énergies renouvelables, notamment le transfert de compétences en matière d'urbanisme ; c'est le cas pour les installations agrivoltaïques. Le préfet étant compétent, il subordonne en la matière les maires et peut prendre certaines autorisations de construction. À ce titre, les terres que couvre le parc naturel régional des Alpilles ne sont pour l'heure pas protégées de ce genre d'installation et risquent de se voir durablement altérées par des structures en désharmonie totale avec la préservation de la beauté des paysages provençaux. Les maires des communes couvertes par le parc, par l'intermédiaire de son comité syndical, avaient d'ailleurs pris l'initiative de suggérer limitativement des zones qui pourraient faire l'objet d'aménagements afin que les autres soient précisément préservées de toute urbanisation. Le fait est que les installations agrivoltaïques peuvent présenter à terme un risque pour nos territoires. En effet, il parait difficile d'interdire à certains agriculteurs le fait de diversifier leurs sources de revenus tout en l'ayant autorisé pour d'autres. Pour autant, un tel risque d'effet cumulatif n'est pas souhaitable. Or, il est légitime de s'interroger sur la capacité des préfets à avoir une vision globale et de long terme en adéquation avec la préservation des paysages, de la faune et de la flore alors même que la défense de ces intérêts est dévolue aux parcs naturels régionaux et, par leur intermédiaire, aux élus locaux des communes concernées. Le bornage de l'agrivoltaïque sur la base de critères prévisibles et objectifs est essentiel. En outre, c'est la qualification de « parc naturel régional » qui risque à terme d'être compromise, car elle repose, aux termes de l'article L. 333-1 du code de l'environnement, sur le fait qu'un territoire justifie d'un patrimoine naturel et culturel ainsi que de paysages présentant un intérêt particulier. Un patrimoine qui pourrait être remis en cause à défaut d'une juste et adéquate maîtrise des autorisations en matière d'agrivoltaïque.
Par ailleurs, le régime juridique de l'agrivoltaïque, consacré par le n° 2024-318 du 8 avril 2024 relatif au développement de l'agrivoltaïsme et aux conditions d'implantation des installations photovoltaïques sur des terrains agricoles, naturels ou forestiers, pris pour l'application de la loi « APER », est sujet à dérive. Il doit être envisagé une réelle surveillance accrue des acteurs privés dont certains pourraient avoir l'idée de profiter des avantages de ce régime, aux fins de contourner certaines contraintes inhérentes aux régimes des panneaux photovoltaïques. D'aucuns pourraient en effet prétendre, pour obtenir les autorisations nécessaires, construire des installations agrivoltaïques et puis finalement délaisser la dimension agricole. On ne se retrouverait, dès lors, en présence que de simples panneaux photovoltaïques au sol.
La protection des paysages remarquables reste un combat fondamental. L'accélération de la production d'énergie renouvelable au service de la souveraineté énergétique française doit se faire, certes, mais en respectant certains grands principes, en particulier, le principe de précaution. Il souhaite donc connaître la position du Gouvernement sur ces différents enjeux.
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Réponse du Ministère auprès de la ministre d'État, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche publiée le 30/04/2025
Réponse apportée en séance publique le 29/04/2025
Mme la présidente. La parole est à M. Stéphane Le Rudulier, auteur de la question n° 345, adressée à Mme la ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire.
M. Stéphane Le Rudulier. Monsieur le ministre, je souhaite attirer votre attention sur la mise en oeuvre de l'agri-photovoltaïsme au sein du parc naturel régional des Alpilles dans les Bouches-du-Rhône. Vous le savez, le préfet est compétent et peut délivrer certaines autorisations en matière d'urbanisme depuis la loi relative à l'accélération de la production d'énergies renouvelables de 2023, notamment pour les installations agrivoltaïques.
Les terres qui forment le parc naturel régional des Alpilles ne sont pour l'heure pas protégées contre ce type d'installations : elles risquent d'être durablement altérées par des structures en dysharmonie totale avec les paysages provençaux, dont la préservation serait menacée en cas de prolifération abusive de ces installations.
Même s'il paraît difficile d'interdire à certains agriculteurs de diversifier leurs sources de revenus alors que cela est autorisé pour d'autres, les maires des communes couvertes par le parc, par l'intermédiaire du comité syndical, avaient pris l'initiative d'identifier limitativement les zones qui pourraient faire l'objet d'aménagements en matière d'agrivoltaïque, afin de préserver les endroits les plus sensibles et remarquables.
On peut d'ailleurs s'interroger légitimement sur la capacité des préfets à avoir une vision globale et de long terme en adéquation avec la préservation des paysages, de la faune et de la flore, alors même que la défense de ces intérêts est normalement dévolue aux parcs naturels régionaux.
Dernier point, le régime juridique de l'agrivoltaïque est susceptible de donner lieu à des dérives. Certains pourraient avoir l'idée de profiter des avantages de ce régime tout en délaissant la dimension agricole, afin de contourner les contraintes auxquelles sont soumis les panneaux photovoltaïques.
Je souhaite donc connaître la position du Gouvernement sur ces différents enjeux.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Philippe Baptiste, ministre auprès de la ministre d'État, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur le sénateur Stéphane Le Rudulier, la loi relative à l'accélération de la production d'énergies renouvelables du 10 mars 2023, dite loi Aper, a défini les conditions de développement de l'agrivoltaïsme et du photovoltaïque au sol dans les espaces agricoles, naturels et forestiers.
Ainsi, les projets agrivoltaïques doivent apporter un service direct à l'activité agricole parmi les quatre suivants : amélioration du potentiel et de l'impact agronomiques ; adaptation au changement climatique ; protection contre les aléas ; amélioration du bien-être animal.
Ces projets doivent également garantir que l'activité agricole reste l'activité principale de la parcelle et qu'elle apporte à l'agriculteur un revenu durable.
Par ailleurs, la commission départementale de préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers doit donner un avis sur les projets. Il s'agit d'un avis conforme, ce qui permet d'apporter une réponse à votre question sur la manière de prendre en compte les impacts de tels projets sur le territoire.
Grâce à ces dispositions, les activités agricoles et de production d'énergie ne s'opposent plus, mais se complètent. Sur les terres exploitées, la production agricole doit être la priorité : cette vocation agricole doit être respectée lorsque est mise en place l'installation permettant la production d'énergie. Des contrôles réguliers sont prévus pour vérifier que l'agriculture reste l'activité principale de la parcelle.
Pour conclure, la loi de 2023 a permis de renforcer le cadre existant. Avant cette loi, la législation de l'urbanisme permettait l'implantation d'installations photovoltaïques au sol dans des conditions qui donnaient lieu à des interprétations différentes.
Ce nouvel encadrement législatif permet de conserver la priorité donnée à la production alimentaire, tout en conciliant les enjeux de souveraineté alimentaire et d'autonomie énergétique.
Mme la présidente. La parole est à M. Stéphane Le Rudulier, pour la réplique.
M. Stéphane Le Rudulier. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le ministre. Vous en conviendrez, il est tout de même assez paradoxal que l'État ait signé des chartes des parcs naturels régionaux qui interdisent la mise en oeuvre du photovoltaïque, tout en donnant aux préfets le droit de se substituer aux maires pour délivrer certaines autorisations en la matière. La protection des paysages remarquables reste un combat fondamental.
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