Question de M. ROIRON Pierre-Alain (Indre-et-Loire - SER) publiée le 27/02/2025
M. Pierre-Alain Roiron attire l'attention de M. le ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation sur les inégalités fiscales résultant de l'application de taux uniformes aux bases fiscales hétérogènes des communes au sein des intercommunalités. Le principe d'équité fiscale, essentiel pour garantir une répartition juste de la charge fiscale entre les contribuables, est aujourd'hui remis en cause par les disparités significatives observées au sein des intercommunalités. Bien que les taux d'imposition appliqués soient identiques pour toutes les communes d'une même communauté de communes, les écarts importants entre leurs bases fiscales entraînent de profondes inégalités. Cette situation pénalise particulièrement les habitants des communes où les bases fiscales sont élevées. C'est notamment le cas de la commune de La Ville-aux-Dames (Indre-et-Loire), qui supporte la charge fiscale la plus lourde de son intercommunalité, alors même que son revenu moyen par habitant est le plus faible. Cette iniquité est d'autant plus marquée que, dans certains cas, les administrés de cette commune paient jusqu'au double de ce que versent les habitants d'autres communes de la même communauté pour des services identiques.
Cette rupture d'équité est particulièrement visible pour les taxes perçues à l'échelle intercommunale, notamment la taxe pour la gestion des milieux aquatiques et la prévention des inondations (GEMAPI), la taxe d'enlèvement des ordures ménagères (TEOM), la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) ou encore la cotisation foncière des entreprises (CFE). Par exemple, la TEOM présente des écarts significatifs entre les communes : certaines, comme Puteaux, appliquent un taux très faible (1,7 %), tandis que d'autres, comme Douai, affichent un taux bien plus élevé (18,63 %). Ces disparités nuisent à la cohérence fiscale et accentuent les inégalités territoriales, mettant en difficulté les collectivités aux bases fiscales élevées mais aux ressources modestes.
Chaque année, la communauté de communes fixe un montant attendu pour couvrir ses dépenses de fonctionnement et d'investissement, montant qui est ensuite réparti entre les contribuables via un coefficient proportionnel appliqué aux bases fiscales locales. Cependant, ce mécanisme, bien qu'uniforme, a pour effet de surcharger les contribuables des communes aux bases fiscales élevées, sans prendre en compte leur capacité contributive réelle. Cette situation, déjà exacerbée par la suppression progressive de la taxe d'habitation sur les résidences principales, alourdit davantage la charge sur d'autres impôts locaux.
Pour corriger ces déséquilibres et garantir une plus grande justice fiscale, il apparaît nécessaire de moduler les taux d'imposition au sein des intercommunalités en fonction des bases fiscales des communes. Puisque ces bases sont inégales, l'application de taux identiques à toutes les communes d'une même intercommunalité ne fait qu'accroître les inégalités entre contribuables. Une adaptation des taux en fonction des réalités économiques locales permettrait de garantir une répartition plus équitable de la charge fiscale. De plus, une révision des bases locatives cadastrales, souvent obsolètes, pourrait constituer un levier supplémentaire pour mieux ajuster l'imposition aux réalités des territoires.
Il lui demande si le Gouvernement envisage de revoir le mode de calcul des différentes taxes intercommunales, en permettant la modulation des taux en fonction des bases fiscales des communes, afin de corriger les inégalités locales et d'assurer une répartition plus juste de la charge fiscale au sein des intercommunalités.
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Réponse du Ministère de l'aménagement du territoire et de la décentralisation publiée le 05/06/2025
Selon les catégories d'établissement public de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre, le régime fiscal applicable diffère. En effet, les métropoles et communautés d'agglomération relèvent de plein droit du régime fiscal de la fiscalité professionnelle unique (FPU), ainsi que certaines communautés urbaines et communautés de communes. Les autres EPCI relèvent du régime de la fiscalité additionnelle (FA) ou du régime de la fiscalité professionnelle de zone (FPZ). Le régime fiscal des EPCI à FPU est prévu par l'article 1609 nonies C du code général des impôts (CGI) et défini au I de l'article 1379-0 bis du même code. Ces EPCI votent, en principe, chaque année, les taux de taxe d'habitation sur les résidences secondaires (THRS), de la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) et non bâties (TFPNB) ainsi que la cotisation foncière des entreprises (CFE), dans le respect des règles de lien et de plafonnement prévues par la loi. Pour la THRS et les taxes foncières, les EPCI votent des taux additionnels à ceux votés par leurs communes membres et un taux de CFE applicables sur l'ensemble de leur territoire. Les taxes foncières et la CFE constituent des impôts, dits de rendement, et visent à assurer aux collectivités bénéficiaires les ressources nécessaires à l'exercice de leurs compétences. Cependant, des procédures spécifiques existent pour permettre l'unification progressive des taux sur ces impôts directs locaux à l'échelle de l'EPCI, afin d'éviter des ressauts d'imposition pour certains contribuables dans les cas où des écarts de taux sont importants. Concernant la taxe pour la gestion des milieux aquatiques et la prévention des inondations (GEMAPI), les EPCI à fiscalité propre votent un produit fiscal global pour cette taxe, prévue à l'article 1530 bis du code général des impôts (CGI) et répartie entre les redevables de la THRS, des taxes foncières et de la CFE en fonction des bases communales de chaque impôt concerné. Aux termes de l'article 1636 B undecies du CGI, les EPCI ayant institué la taxe d'enlèvement des ordures ménagères (TEOM) votent librement le taux de cette taxe. Cependant, les recettes prévisionnelles doivent être proportionnées au montant prévisionnel des dépenses du service de collecte et de traitement des ordures ménagères ainsi qu'au montant des recettes n'ayant pas le caractère fiscal affectées au service considéré. L'institution de la TEOM par un EPCI conduisant à l'application d'un taux unique sur l'ensemble de son territoire, il peut en résulter des augmentations de cotisations pour les redevables de certaines communes qui finançaient jusqu'alors le service au moyen de la redevance d'enlèvement des ordures ménagères (REOM) ou de leur budget général. Ainsi, un dispositif d'unification progressive des taux de TEOM permet aux EPCI de voter des taux différents sur leur périmètre, pour une période qui ne peut excéder dix ans, afin de limiter les hausses de cotisations de TEOM liées à l'harmonisation du mode de financement du service d'enlèvement et de traitement des déchets ménagers au sein de leur périmètre. Il est également possible pour un EPCI de définir des zones de perception de la TEOM sur lesquelles il vote des taux différents en vue de proportionner le montant de la taxe à l'importance du service rendu, apprécié en fonction des conditions de réalisation du service et de son coût. Par ailleurs, le Gouvernement partage les enjeux liés à la révision des valeurs locatives des locaux professionnels et des locaux d'habitation, qui répondent à des objectifs d'équité et d'adéquation entre la politique d'imposition mise en oeuvre par les collectivités locales et la réalité de la valeur marchande des locaux. Concernant les locaux professionnels, cette réforme a été reportée au 1er janvier 2026 par l'article 152 de la loi de finances pour 2024. Quant à la première actualisation réalisée en 2022, celle-ci devait être intégrée dans les bases imposables en 2023 mais les commissions locales ont exprimé la nécessité de disposer de plus de temps pour exploiter l'ensemble des données de la mise à jour. Concernant les locaux d'habitation, la révision des valeurs locatives des locaux d'habitation utilisées pour le calcul des taxes d'habitation, initialement prévue au 1er janvier 2026, a été reportée de deux ans au 1er janvier 2028 par l'article 106 de la loi de finances pour 2023. Ainsi, il n'est pas envisagé de réviser le mode de calcul des impôts et taxes au niveau intercommunal, les règles de fixation des taux ou produits fiscaux locaux permettant d'ores et déjà de prendre en compte les écarts de taux existants au sein d'un même EPCI.
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