Question de M. HINGRAY Jean (Vosges - UC) publiée le 27/03/2025
M. Jean Hingray attire l'attention de M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères sur l'aggravation du conflit opposant la République démocratique du Congo (RDC) et le Rwanda. Depuis le début de l'année 2025, la rébellion de l'Alliance des forces pour le changement/Mouvement du 23 mars (AFC/M23) a renforcé son emprise sur les provinces du Nord-Kivu et du Sud-Kivu, provoquant des milliers de morts et le déplacement de centaines de milliers de personnes.
Selon les observateurs, notamment M. Jean-Pierre Lacroix, chef des opérations de maintien de la paix de l'Organisation des Nations unies (ONU), cette rébellion est soutenue directement par l'armée rwandaise. Pourtant, le président Paul Kagamé continue de nier toute implication. Celui-ci justifie sa politique à l'égard de la RDC en s'appuyant sur les conséquences du génocide rwandais de 1994, notamment l'installation massive de réfugiés hutus dans les régions frontalières congolaises. Les groupes armés, tels que le M23, mettent une pression permanente sur la région en vu d'exploiter les ressources naturelles en violation des frontières congolaises.
Par ailleurs, il est à noter qu'en 2024, un accord entre l'Union européenne et le Rwanda garantit l'approvisionnement en métaux rares en échange de financements européens destinés au développement des infrastructures minières du Rwanda. Cet accord s'inscrit dans le cadre du programme « Global Gateway », doté d'un budget de 300 milliards d'euros, dont plus de 900 millions ont été alloués au Rwanda.
Alors que la France a officiellement condamné, en janvier 2025, l'offensive du M23 en RDC, elle tarde à prendre des mesures concrètes. Le 2 mars 2025, des manifestations ont eu lieu en Belgique et en France pour exiger des sanctions contre le Rwanda et dénoncer l'inaction de la communauté internationale. De plus, le Conseil de sécurité de l'ONU a adopté, le 21 février 2025, la résolution 2773 demandant le retrait immédiat et sans conditions du M23 et des forces rwandaises du territoire congolais. La RDC a toutefois regretté la lenteur de la réaction onusienne face à l'ampleur du drame humain.
Il souhaite donc savoir quelles mesures concrètes la France envisage de prendre.
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Réponse du Ministère de l'Europe et des affaires étrangères publiée le 08/05/2025
La position de la France sur la crise à l'est de la RDC est claire et constante depuis 2022. Elle condamne l'offensive du Mouvement du 23 mars (M23), le soutien apporté par le Rwanda à ce groupe armé, ainsi que la présence de troupes rwandaises sur le territoire congolais. La souveraineté et l'intégrité territoriale de la République Démocratique du Congo (RDC) doivent être préservées. C'est une préoccupation majeure pour la France, qui est pleinement mobilisée dans la recherche d'une solution politique à cette crise. Le ministre de l'Europe et des affaires étrangères s'est rendu en RDC le 30 janvier et au Rwanda le 31, afin de porter les messages du Président de la République, appelant à un cessez-le-feu immédiat et à un retour de l'ensemble des parties au conflit à la table des négociations. Par ailleurs, la France a multiplié ses actions au sein du Conseil de sécurité des Nations unies. En tant que plume, nous avons mené les discussions pour la rédaction et le vote à l'unanimité de la résolution 2773 du 21 février 2025, condamnant l'offensive du M23 soutenu par le Rwanda et appelant à une solution politique au conflit. Nous avons soutenu l'adoption d'une résolution par le Conseil des droits de l'Homme, à Genève le 7 février, qui crée deux mandats d'enquête sur les violations des droits de l'Homme à l'est de la RDC, dont certaines ont déjà été recensées et dénoncées par l'ONU. La France est très préoccupée par le démantèlement des camps de déplacés par le M23, ainsi que par l'augmentation des violences sexuelles et basées sur le genre. C'est pourquoi la France s'est engagée à apporter une aide supplémentaire de 3 millions d'euros aux ONG oeuvrant à la protection des populations civiles. La situation humanitaire est catastrophique et se dégrade de jour en jour. Depuis janvier, l'offensive du M23 a fait près d'un million de déplacés, et 2 900 morts lors de la prise de Goma selon l'ONU. Pour maintenir la pression sur les forces déstabilisatrices dans la région, la France plaide, aux Nations unies et à l'UE, en faveur de l'adoption de mesures restrictives individuelles ciblant notamment le M23 et les acteurs contribuant à la crise actuelle, y compris rwandais. Depuis décembre 2022, elle a travaillé avec les autres Etats membres à renforcer le régime de sanctions européen : de nouveaux critères ont ainsi été adoptés et désormais 24 personnes font l'objet d'un gel des avoirs et d'une interdiction de pénétrer sur le territoire de l'UE. L'adoption de nouvelles sanctions a été approuvée sur le principe lors du Conseil des affaires étrangères de l'UE du 24 février, et devrait être rapidement confirmée. La France poursuit ses efforts et soutient l'adoption rapide par l'UE d'un nouveau train de sanctions. La France est favorable à l'adoption de sanctions supplémentaires en cas de poursuite du conflit. La solution à la crise actuelle ne pourra être que politique. La France soutient, de façon constante, les processus diplomatiques régionaux. A ce titre, nous soutenons les initiatives conjointes de la SADC (Communauté de développement de l'Afrique australe) et de l'EAC (Communauté est africaine) en vue d'un cessez-le-feu, d'une cessation des hostilités et de la reprise d'un processus politique. La France poursuit ses échanges avec l'ensemble des pays de la région sur le sujet. Parallèlement, la France poursuit ses efforts pour répondre aux causes profondes de cette crise, notamment en ce qui concerne une gestion plus transparente des ressources naturelles. Ainsi, une déclaration d'intention bilatérale sur les métaux critiques et la transition énergétique a été signée en présence des deux Chefs d'Etat français et congolais, le 9 mars 2023, mettant l'accent sur les investissements, la mise en place de chaines de valeur résilientes, soutenables et équilibrées, et de standards environnementaux, sociaux, de gouvernance et de formation plus élevés. Plusieurs projets ont été lancés pour mettre en oeuvre ces engagements, dont le déploiement de deux experts techniques internationaux (ETI) au sein d'ITIE RDC à Lubumbashi et de l'Université de Kolwezi pour l'accompagner dans la création d'une Haute école des Mines et de l'Industrie. Le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) français est également fortement mobilisé auprès du Service géologique national du Congo (formation, banque de données) et de la société minière de RDC, la Gécamines (évaluation de la teneur en minerais de plusieurs terrils). Au niveau européen, en octobre 2023, la France a appuyé la signature par l'UE et la RDC d'un partenariat stratégique sur les chaînes de valeur des substances minérales stratégiques et critiques exploitées en RDC. L'enjeu est de rétablir la souveraineté congolaise sur ses minerais tout en renforçant la transparence de leur exploitation. Un protocole d'accord sur les chaînes de valeur durables pour les matières premières a été signé entre l'UE et le Rwanda en février 2024 : la France appelle aujourd'hui à sa suspension par la Commission européenne du fait de l'implication de Kigali dans la crise. La France et l'UE n'ont pas ménagé leur effort sur la gestion des minerais stratégiques, alors même que les pays asiatiques (Chine, Hong-Kong, Singapour), les Emirats Arabes Unis et les Etats-Unis sont les principaux importateurs des minerais rwandais et congolais. Concernant spécifiquement le coltan, qui est exporté majoritairement vers la Chine et les Etats-Unis, la France n'importe que du coltan raffiné, provenant de raffineries allemandes à 93 % et du Kazakhstan à 7 %.
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