Question de M. REDON-SARRAZY Christian (Haute-Vienne - SER) publiée le 10/04/2025

M. Christian Redon-Sarrazy appelle l'attention de Mme la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche sur l'analyse faite par le Secrétariat général à la planification écologique (SGPE) des politiques publiques de gestion du massif forestier français.
Il ne semble pas inutile de rappeler en préambule que les forêts ont un rôle majeur à jouer dans la lutte contre le changement climatique et ses effets sur la biodiversité et le vivant en général. Or, celles-ci se portent mal, en raison de politiques incohérentes et contradictoires.
La note rendue publique le 2 avril 2025, déplore en premier lieu que les recommandations du SGPE, rattaché au Premier ministre, ne soient pas davantage suivies par le Gouvernement. Elle fait état d'une inefficacité des priorités fixées par le Gouvernement en 2021 pour soutenir la forêt française, en finançant la plantation d'arbres et en subventionnant la filière bois-énergie.
Or, la politique de plantations massives, qui bénéficie aujourd'hui de 95 % des financements publics, favorise les plantations après coupes rases (ce qu'on appelle « plantations en plein »). Celles-ci sont nécessaires sur les parcelles incendiées ou victimes de pathogènes. Mais elles sont également déployées sur des peuplements dits « vulnérables » (où les sujets sont sains mais considérés comme condamnés à plus ou moins brève échéance par le changement climatique) ou sur des peuplements considérés comme « pauvres », c'est-à-dire sans valeur économique, bien qu'ils soient riches en biodiversité et même sains. Cette pratique est ainsi généralisée au détriment d'autres pratiques sylvicoles comme les plantations d'enrichissement ou la régénération naturelle, qui permettraient une gestion forestière adaptée aux réalités du terrain.
Le SGPE prône une diversification des types de sylviculture et, loin de vouloir interdire les coupes rases puisque les situations varient fortement en fonction du contexte local, propose deux pistes d'adaptation. Alors que la forêt privée constitue 75 % du couvert forestier français, il conviendrait d'envisager un abaissement du seuil à partir duquel il devient obligatoire de demander une autorisation pour pratiquer ce type de coupe ; ou bien de subventionner davantage les propriétaires ayant recours à des méthodes de sylviculture douce.
En outre, le SGPE déplore un manque d'apaisement dans le dialogue interministériel, ce qui bloque toute évolution des dispositifs et la mise en place de politiques publiques cohérentes sur la gestion forestière.
Alors que la gestion de la forêt française a changé de tutelle, passant de celle du ministère de l'agriculture à celle du ministère de la transition écologique, il lui demande quels sont ses projets pour améliorer l'état de la forêt française et comment elle entend répondre aux préconisations du SGPE.

- page 1690

Transmise au Ministère de la transition écologique, de la biodiversité et des négociations internationales sur le climat et la nature


Réponse du Ministère de la transition écologique, de la biodiversité et des négociations internationales sur le climat et la nature publiée le 04/12/2025

Suite à une publication d'un ancien cadre du secrétariat général à la planification écologique (SGPE), par un groupe de réflexion, le 2 avril 2025, vous appelez l'attention sur l'état de la forêt française. Les forêts françaises sont confrontées au changement climatique. Une forêt en bonne santé, adaptée au nouveau climat, pourra d'autant mieux conserver la biodiversité qui la compose. Le défi de l'adaptation concerne l'ensemble des composantes de l'écosystème, sa biodiversité et la diversité des fonctions assurées par les forêts. Dans ce contexte, la réponse est une gestion durable multifonctionnelle des forêts, telle que prévue à l'article L. 121-1 du code forestier. C'est dans ce cadre que s'inscrivent les trois dispositifs successifs d'aides au renouvellement forestier France Relance, France 2030 et France Nation Verte. Ils visent à aider les propriétaires privés et publics à adapter leur forêt au changement climatique et à accroître son rôle dans l'atténuation du déréglement. La majorité des surfaces renouvelées avec des aides de l'État a concerné en priorité des peuplements sinistrés (69 % des surfaces pour France Relance et 81 % pour France 2030), pour lesquels l'état boisé a été reconstitué à la suite d'un sinistre d'origine biotique (scolytes, chalarose du frêne, maladie de l'encre…) ou abiotique (sécheresse, incendie, grêle…). Le dispositif d'aide du plan de relance a permis notamment de répondre à la grande crise liée à la prolifération de scolytes touchant des sapins et épicéas dans le quart Nord-Est, tandis qu'une part importante des financements de France 2030 a permis de reboiser les surfaces incendiées en Gironde à l'été 2022, justifiant pleinement l'usage de plantations en plein. Une part plus faible des surfaces a concerné des peuplements vulnérables au changement climatique (7 % des surfaces dans France Relance et 3 % de celles de France 2030), la plupart du temps atteintes par des dépérissements. Des essences adaptées à l'évolution prévisible du climat ont pu y être plantées ou favorisées, dans un souci de maintien à long terme de l'état boisé et d'un écosystème fonctionnel. Une part des surfaces a également concerné des peuplements dit « pauvres » ou à faible potentiel de bois d'oeuvre (24 % des surfaces dans France Relance et 16 % de celles de France 2030). Sur ces surfaces, des essences adaptées au climat d'aujourd'hui et de demain ont pu être plantées. Le potentiel de production de bois d'oeuvre et de séquestration du carbone soustrait à l'atmosphère a ainsi augmenté. La prévalence de la plantation en plein découle des sinistres auxquels le dispositif d'aide entend répondre : la grande majorité des surfaces sont en effet plantées après incendie ou après une coupe sanitaire, dans des situations où la distance trop importante de semenciers rend la plantation en plein inévitable. Les semenciers disponibles à proximité doivent par ailleurs se montrer adaptés aux nouvelles conditions climatiques, ce qui exclut parfois des options de renouvellement à l'identique par régénération naturelle (exemple des épicéas et sapins). La plantation en enrichissement et la régénération naturelle accompagnée sont subventionnées de la même manière que la plantation en plein, mais sont peu demandées en raison des circonstances dans lesquelles le renouvellement forestier intervient. Par ailleurs, l'éligibilité des opérations de plantation en plein a été restreinte dans les cahiers des charges France 2030 et France Nation Verte, pour les peuplements vulnérables aux cas de dépérissements supérieurs à 20 %, et pour les peuplements pauvres aux cas où la densité de tiges d'avenir est inférieure à 100 tiges par hectare. L'objectif de l'aide au renouvellement forestier demeure de fournir une aide à l'investissement pour des propriétaires forestiers confrontés à des situations particulièrement difficiles. Il ne s'agit pas de constituer une aide à la gestion courante. Dans ce dernier cas, la régénération naturelle tend à être plus fréquente, notamment lorsque les semenciers présents sont adaptés aux nouvelles conditions climatiques et suffisamment fructifères pour régénérer les surfaces concernées. L'aide au renouvellement forestier a été pérennisée dans le cadre de France Nation Verte, afin d'offrir aux gestionnaires forestiers une plus grande visibilité et de permettre à la filière de mieux planifier ses commandes et productions de semences et plants forestiers. Cette pérennisation n'exclut cependant pas une évolution régulière du cahier des charges, afin de l'améliorer, comme annoncé en mars 2025 via la mesure 38 du plan national d'adaptation au changement climatique (PNACC). Cela interviendra à une fréquence qui ne sera pas source d'instabilité et d'incertitude pour les acteurs de la filière forestière. Enfin, le code forestier encadre déjà les coupes de bois dans les forêts et prévoit les documents de gestion durable qui sont exigibles aux propriétaires en fonction des surfaces concernées. En ce qui concerne les documents de gestion durable pour les forêts, le seuil d'obligation de détention d'un plan simple de gestion a déjà été abaissé de 25 à 20 hectares par la loi du 10 juillet 2023. Il convient que cette disposition montre pleinement ses effets avant d'envisager tout nouvel abaissement du seuil. Les forêts françaises sont très diversifiées, tant dans l'hexagone qu'outre-mer, et font l'objet d'une grande variété de modalités de gestion et de pratiques sylvicoles. Le code forestier donne un cadre général apportant des garanties de gestion durable et vise à préserver en France un modèle de gestion forestière durable et multifonctionnelle.

- page 5995

Page mise à jour le